Conseil d'Etat

Décision du 22 juillet 2021 n° 449461, 449468, et 449469

22/07/2021

Non renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

SL

 

 

 

Nos 449461,449468,449469

 

__________

 

COLLECTIVITÉ DE CORSE ET AUTRES

__________

 

Mme Dominique Agniau-Canel

Rapporteure

__________

 

M. Laurent Domingo

Rapporteur public

__________

 

Séance du 13 juillet 2021

Décision du 22 juillet 2021

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème chambre)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1° Sous le numéro 449461, par un mémoire, enregistré le 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la collectivité de Corse, M. S... AW..., M. BK... BR..., Mme Q... C..., Mme CU..., Mme AS... CW..., Mme AI... BB..., Mme CV... CE..., M. CS... AY..., M. BG... CH..., M. D... BT..., M. W... AU..., M. AJ... AT..., M. BW... P..., Mme BE... AZ..., M. A... AK..., Mme T... BU... épouse AL..., Mme CN... BD... épouse AF..., M. X... R..., M. AE... AN..., Mme AA... H..., M. CK... BV..., Mme CC... AR... épouse AO..., Mme BF... CD..., M. CL... BN..., Mme AB... AT... épouse CF..., Mme N... M..., M. V... AV..., Mme BL... BX..., M. L... CR..., Mme CA... BQ..., M. CQ... AH..., Mme CG... BP..., Mme AI... AY... CX..., Mme K... AP..., Mme CM... AW..., Mme CP... G..., M.François BS..., M. Z... BI..., M. CJ... CB..., Mme CI... F..., M. E... BM..., Mme J... CT..., M. AD... F..., Mme B... AH..., M. BG... BA..., M. U... O..., Mme T... BH... épouse BZ..., Mme I... AG..., M. CO... AM..., Mme Y... AM..., M. AC... BC..., M. E... BO..., M. AD... AQ... et Mme BY... BJ... demandent au Conseil d’Etat, en application de l'article 23-5 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958, et à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du décret n° 2020-1510 du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 4, 6, 35 et 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

 

 

 

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2° Sous le numéro 449468, par un mémoire, enregistré le 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la collectivité de Corse, M. S... AW..., M. BK... BR..., Mme Q... C..., Mme CU..., Mme AS... CW..., Mme AI... BB..., Mme CV... CE..., M. CS... AY..., M. BG... CH..., M. D... BT..., M. W... AU..., M. AJ... AT..., M. BW... P..., Mme BE... AZ..., M. A... AK..., Mme T... BU... épouse AL..., Mme CN... BD... épouse AF..., M. X... R..., M. AE... AN..., Mme AA... H..., M. CK... BV..., Mme CC... AR... épouse AO..., Mme BF... CD..., M. CL... BN..., Mme AB... AT... épouse CF..., Mme N... M..., M. V... AV..., Mme BL... BX..., M. L... CR..., Mme CA... BQ..., M. CQ... AH..., Mme CG... BP..., Mme AI... AY... CX..., Mme K... AP..., Mme CM... AW..., Mme CP... G..., M. BG... BS..., M. Z... BI..., M. CJ... CB..., Mme CI... F..., M. E... BM..., Mme J... CT..., M. AD... F..., Mme B... AH..., M. BG... BA..., M. U... O..., Mme T... BH... épouse BZ..., Mme I... AG..., M. CO... AM..., Mme Y... AM..., M. AC... BC..., M. E... BO..., M. AD... AQ... et Mme BY... BJ... demandent au Conseil d’Etat, en application de l'article 23-5 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958, et à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du décret n° 2020-1511 du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Prévention des atteintes à la sécurité publique », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 4, 6, 35 et 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

 

 

 

 

 

 

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3° Sous le numéro 449469, par un mémoire, enregistré le 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la collectivité de Corse, M. S... AW..., M. BK... BR..., Mme Q... C..., Mme CU..., Mme AS... CW..., Mme AI... BB..., Mme CV... CE..., M. CS... AY..., M. BG... CH..., M. D... BT..., M. W... AU..., M. AJ... AT..., M. BW... P..., Mme BE... AZ..., M. A... AK..., Mme T... BU... épouse AL..., Mme CN... BD... épouse AF..., M. X... R..., M. AE... AN..., Mme AA... H..., M. CK... BV..., Mme CC... AR... épouse AO..., Mme BF... CD..., M. CL... BN..., Mme AB... AT... épouse CF..., Mme N... M..., M. V... AV..., Mme BL... BX..., M. L... CR..., Mme CA... BQ..., M. CQ... AH..., Mme CG... BP..., MmeVannina AY... CX..., Mme K... AP..., Mme CM... AW..., Mme CP... G..., M. BG... BS..., M. Z... BI..., M. CJ... CB..., Mme CI... F..., M. E... BM..., Mme J... CT..., M. AD... F..., Mme B... AH..., M. BG... BA..., M. U... O..., Mme T... BH... épouse BZ..., Mme I... AG..., M. CO... AM..., Mme Y... AM..., M. AC... BC..., M. E... BO..., M. AD... AQ... et Mme BY... BJ... demandent au Conseil d’Etat, en application de l'article 23-5 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958, et à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du décret n° 2020-1512 du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique », de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 4, 6, 35 et 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

 

 

 

 

 

 

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Vu les autres pièces des dossiers ;

 

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 ;

- la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 ;

- l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;

- la décision n° 2044-499 DC du 29 juillet 2004 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

 

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

 

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la collectivité de Corse et autres ;

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées portent sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

 

2. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que celui-ci est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

3. La collectivité de Corse et autres soutiennent qu’en n’ayant pas interdit, ou à tout le moins encadré strictement, le traitement de données à caractère personnel portant sur les activités politiques des collectivités territoriales ainsi que sur les opinions et activités politiques de leurs élus, les articles 4, 6, 35 et 88 de la loi du 6 janvier 1978 sont entachés d’incompétence négative et méconnaissent le droit au respect de la vie privée, le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de libre exercice du mandat électif local.

 

Sur l’absence d’applicabilité au litige de certaines des dispositions dont la conformité à la Constitution est contestée :

 

4. En premier lieu, il ressort de l’article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), auquel renvoie l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978, que les données à caractère personnel entrant dans son champ sont celles qui se rapportent à des personnes physiques. Par suite, cette loi n’a pas pour objet d’encadrer les conditions de traitement de données concernant les personnes morales et elle ne peut, par conséquent, être considérée comme applicable au litige en tant que celui-ci porte sur les conditions de traitement des données relatives à l’activité politique des collectivités territoriales.

 

5. En deuxième lieu, les articles 4 et 35 de la loi du 6 janvier 1978 n’ont pas pour objet de définir les conditions dans lesquelles des données sensibles, comme celles révélant une opinion politique, peuvent faire l’objet d’un traitement. Par suite, ils ne peuvent être considérés comme applicables au litige en tant que celui-ci porte sur les conditions de traitement des données relatives aux opinions et activités politiques des élus locaux.

 

Sur les articles 6 et 88 de la loi du 6 janvier 1978 :

 

6. En premier lieu, l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, reprend en substance les dispositions de l’article 8 de la même loi, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Or, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dernières dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2004- 99 DC du 29 juillet 2004. En l’absence de changement des circonstances depuis cette décision, il n’y a pas lieu de soumettre de nouveau au Conseil constitutionnel l’examen des dispositions figurant à l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978.

 

7. En second lieu, l’article 88 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, reprend les dispositions de l’article 70-2 de la même loi issue de la loi du 20 juin 2018. Or, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dernières dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018. En l’absence de changement des circonstances depuis cette décision, il n’y a pas lieu de soumettre de nouveau au Conseil constitutionnel l’examen des dispositions figurant à l’article 88 de la loi du 6 janvier 1978.

 

8. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la collectivité de Corse et autres.

 

 

 

D E C I D E :

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Article 1er: Il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la collectivité de Corse et autres.

 

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la collectivité de Corse, première requérante dénommée, et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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