Tribunal administratif de Poitiers

Ordonnance du 4 mai 2021 N° 2002124

04/05/2021

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE POITIERS

 

 

N° 2002124

___________

 

ASSOCIATION DE CHASSE DES PROPRIETAIRES LIBRES

___________

 

Ordonnance du 4 mai 2021

___________

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 2ème chambre

statuant sur le fondement de l’article R. 771-7 du code de justice administrative,

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 août 2020 et le 29 mars 2021, l’association de chasse des propriétaires libres, représentée par Me Gendreau, demande au tribunal :

 

1°) d’annuler les cinquante-cinq décisions du 29 juin 2020 par lesquelles le président de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime s’est opposé au retrait de plusieurs parcelles du territoire de l’association communale de chasse agrée (ACCA) de Saint-Agnant ;

 

2°) d’annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le président de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime s’est opposé partiellement à la demande présentée par M. et Mme A... ;

 

3°) d’enjoindre au président de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime de retirer plusieurs parcelles du territoire de l’ACCA de Saint-Agnant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

 

4°) de mettre à la charge de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative.

 

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime, représentée par Me Meyrand, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 8 avril 2021, l’association de chasse des propriétaires libres, représentée par Me Gendreau, demande au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa de l’article L. 422-18 du code de l’environnement.

 

Elle soutient que :

- l’article L. 422-18 pourrait être applicable au litige dès lors que la fédération départementale recherche son application à la situation litigieuse ;

- il n’a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution ;

- il n’est pas conforme à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui garantit l’égalité devant la loi dès lors que d’une part, il crée une différence de traitement entre les associations de propriétaires ayant été créées avant une ACCA et les autres et que d’autre part, il établit une différence de traitement entre les associations de propriétaires dont les terrains se situent dans une commune dotée d’une ACCA et les autres.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime, représentée par Me Meyrand, conclut à titre principal à ce que la question prioritaire de constitutionnalité ne soit pas transmise et, à titre subsidiaire à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’avis de la Cour européenne des droits de l’Homme, suite à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 15 avril 2021.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le protocole additionnel n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l’environnement ;

- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative ;

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. D’une part, aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : «les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

2. D’autre part, aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / (…) ». Aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État (…). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / (…) / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. ».

 

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif, saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

 

Sur la demande de sursis à statuer sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

 

4. Par une décision du 15 avril 2021 n° 439036, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a formulé une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’Homme sur le fondement du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, pour savoir selon quels critères doit être appréciée une différence de traitement établie par la loi, au regard des interdictions posées par ces stipulations, afin d’apprécier en particulier si le motif d’intérêt général visant à une meilleure organisation de la chasse peut justifier de réserver la possibilité de retrait d’une ACCA, s’agissant des propriétaires ou détenteurs de droit de chasse qui atteignent le seuil de superficie exigée en se regroupant dans une association, aux seules associations existant à la date de création de cette ACCA. La Fédération des chasseurs de la Charente-Maritime demande au tribunal de surseoir à statuer sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité dans l’attente de l’avis de la Cour européenne.

 

5. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu’il est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le juge administratif doit statuer sur la transmission sans délai sans qu’aucun texte ni aucun principe général du droit ne lui permette de surseoir à une telle transmission dans l’attente d’un avis de la Cour européenne des droits de l’Homme rendu en application du protocole n° 16. Au demeurant, l’analyse de la constitutionnalité d’un texte législatif revêt un caractère prioritaire en droit interne, et l’avis de la Cour n’est que consultatif et n’a ni le même objet ni le même effet que l’analyse d’une question prioritaire de constitutionnalité.

 

6. Par suite, il n’y a pas lieu de surseoir à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

 

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

 

7. L’association de chasse des propriétaires libres demande la transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa de l’article L. 422-18 du code de l’environnement. Elle soutient que cet alinéa, créé par l’article 13 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, peut être applicable au litige et n’est pas conforme à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui garantit l’égalité devant la loi dès lors que d’une part, il crée une différence de traitement entre les associations de propriétaires ayant été créées avant une ACCA et les autres et que d’autre part, il établit une différence de traitement entre les associations de propriétaires dont les terrains se situent dans une commune dotée d’une ACCA et les autres.

 

8. La question soulevée, qui porte sur des dispositions, applicables au présent litige, n’ayant pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

9. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 422-18 du code de l’environnement.

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association de chasse des propriétaires libres, portant sur les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 422-18 du code de l’environnement, est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l’association de chasse des propriétaires libres jusqu’à ce que le Conseil d’Etat, ou le Conseil constitutionnel s’il en est saisi, se prononce sur la question visée à l’article 1er.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association de chasse des propriétaires libres et à la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime.

 

 

Fait à Poitiers, le 4 mai 2021.

 

 

Le président,

 

 

signé

 

 

D. LEMOINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

 

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

La greffière,

 

signé

 

G. FAVARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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