Cour administrative d'appel de Marseille

Ordonnance du 4 décembre 2020 N° 19MA04387 QPC

04/12/2020

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

 

N° 19MA04387 QPC

___________

 

M. A... et Mme C...

 

___________

 

Ordonnance du 4 décembre 2020

___________

 

 

mb

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La cour administrative d'appel de Marseille

 

Le président de la 3ème chambre,

 

 

 

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 7 octobre 2020, M. B... A... et Mme D... C..., représentés par Me Coste, demandent à la Cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts.

 

Ils soutiennent que :

 

- ces dispositions, dans leur rédaction issue du III.A. de l’article 30 la loi de finances rectificative pour 2002 du 30 décembre 2002, méconnaissent le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et celui d’égalité devant les charges publiques posé à l’article 13 de cette déclaration, sans que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

- à cet égard, premièrement, des inégalités non justifiées existeraient entre, d’une part, le parent ayant la garde alternée de son enfant et versant une pension alimentaire et, d’autre part, un parent qui, soit, détient la garde principale de son enfant et bénéficie d’une demi-part supplémentaire, soit, n’en a pas la garde et déduit alors la pension alimentaire dont il est débiteur ;

- deuxièmement, s’agissant des parents de l’enfant en résidence alternée au domicile de chacun des parents, qui bénéficient à ce titre du partage de la part de quotient familial correspondant à leur enfant mineur, la disposition en litige entraîne une différence de traitement injustifiée entre celui qui verse la pension alimentaire et celui qui la perçoit ; en effet, cette pension n’est pas imposable entre les mains de celui qui la reçoit en application des dispositions de l’article 80 septies du code général des impôts, alors qu’elle n’est pas déductible des revenus du débiteur en vertu des dispositions en litige.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut à ce que la Cour ne transmette pas au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par M. A... et Mme C....

 

Il soutient que la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux.

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

- la Constitution, notamment son article 61-1, et son Préambule ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

- le code de justice administrative.

 

 

Considérant ce qui suit :

 

 

1. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article ».

 

 

2. Aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat (…), le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office ». Aux termes de l’article 23-2 de cette ordonnance : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’Etat (…) ».

 

 

3. Selon l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

 

 

 

4. Aux termes de l’article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du III.A. de l’article 30 de la loi de finances rectificative pour 2002 du 30 décembre 2002 : « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (…) sous déduction : / (…) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (…) 2° (…) les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice et en cas de révision amiable de ces pensions, le montant effectivement versé dans les conditions fixées par les articles 208 et 371-2 du code civil (…) / (…) Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial. (…). »

 

 

 

5. M. A... et Mme C... soutiennent, par mémoire distinct, que les dispositions précitées du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts méconnaissent les principes d’égalité devant la loi fiscale et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, lorsqu’elles s’appliquent aux parents d’enfants mineurs en résidence alternée en cas de séparation, de divorce, d’instance de séparation ou de divorce. A cet égard, s’agissant des parents de l’enfant en garde alternée, qui bénéficient à ce titre du partage de la part de quotient familial correspondant à leur enfant mineur, la disposition en litige est susceptible d’entraîner une différence de traitement injustifiée entre celui qui verse la pension alimentaire et celui qui la perçoit, cette pension n’étant pas imposable entre les mains de celui qui la reçoit en application des dispositions de l’article 80 septies du code général des impôts, alors qu’elle n’est pas déductible des revenus de son débiteur.

 

 

 

6. Le moyen tiré de ce que les dispositions en cause portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, notamment, aux principes d’égalité devant la loi fiscale et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, soulève une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

 

 

7. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la Cour, qui est applicable au présent litige et porte sur des dispositions qui, dans leur version issue de l’article 30 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par suite il y a lieu de sursoir à statuer sur la requête n° 19MA04387 jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat, ou s’il a été saisi par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

 

 

O R D O N N E :

 

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 19MA04387 jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat, ou s’il a été saisi par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à Mme D... C... et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

 

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

 

 

 

 

Fait à Marseille, le 4 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 19MA04387 QPC