Cour de cassation

Arrêt du 5 novembre 2020 n° 20-11.032

05/11/2020

Renvoi

CIV. 1 COUR DE CASSATION CF ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 novembre 2020 RENVOI Mme BATUT, président Arrêt n° 793 FS-P Pourvoi n° E 20-11.032 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020 Par mémoire spécial présenté le 14 août 2020, M. K... P... A..., domicilié [...] , a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° E 20-11.032 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans une instance l'opposant à Mme H... F..., divorcée B..., domiciliée [...] . Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. P... A..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme F..., et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, M. Hascher, Mmes Bozzi, Auroy, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Mme F... et M. B... se sont mariés le [...] sous le régime de la communauté légale. Suivant acte reçu le 29 juin 2001 par M. P... A..., notaire, les époux ont adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec convention préciputaire, Mme F... apportant à la communauté, avec dispense de récompense, divers biens propres pour un montant de 45 700 000 euros au 31 mai 2001. Le changement de régime matrimonial a été homologué par jugement du 18 décembre 2001. 2. Par arrêt du 5 février 2015, la cour d'appel de Versailles a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de M. B.... Un arrêt du 6 juillet 2016 (1re Civ., 6 juillet 2016, pourvoi n° 15-16.408) a rejeté le pourvoi formé contre cette décision par Mme F..., laquelle faisait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pourrait exercer de reprise ni de récompense sur ses apports en communauté réalisés le 29 juin 2001, en retenant qu'il résulte de l'article 33-I et II de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce que ce texte est applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, date de son entrée en vigueur, et qu'en vertu de telles dispositions transitoires, la loi nouvelle a vocation à s'appliquer en toutes ses dispositions concernant les conséquences du divorce pour les époux, y compris celles afférentes au sort des avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci ont été stipulés. 3. Mme F... a assigné M. P... A... en responsabilité. Par arrêt du 5 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a dit que M. P... A... avait manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l'occasion du changement de régime matrimonial ayant causé à Mme F... la perte d'une chance d'introduire, dans l'acte de changement de régime matrimonial, une clause de reprise des apports. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 4. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre cet arrêt, M. P... A... a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions des I et II de l'article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, en ce qu'elles disposent selon la portée que leur donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que cette loi est applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, date de son entrée en vigueur, et qu'en vertu de telles dispositions transitoires, la loi nouvelle a vocation à s'appliquer en toutes ses dispositions concernant les conséquences du divorce pour les époux, y compris celles afférentes au sort des avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci ont été stipulés, méconnaissent-elles la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en remettant en cause les effets qui pouvaient être légitimement attendus d'une situation légalement acquise ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 5. La disposition contestée est applicable au litige. 6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 7. La question posée présente un caractère sérieux en ce qu'en modifiant les conséquences du divorce sur les avantages matrimoniaux consentis avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, les dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, pourraient être de nature à remettre en cause des effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs et porter atteinte à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 8. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. Pourvoi N°20-11.032-Première chambre civile 5 novembre 2020