Cour d'Appel de Versailles

Arrêt du 30 janvier 2020 n° 18/03913

30/01/2020

Autre

COUR D'APPEL

 

DE

 

VERSAILLES

 

Code nac : 82F

 

14e chambre

 

ARRÊT N°

 

CONTRADICTOIRE

 

DU 30 JANVIER 2020

 

N° RG 18/03913 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SNRC

 

AFFAIRE :

 

Comité d'établissement de la S.A. PSA AUTOMOBILES représenté par son secrétaire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

 

C/

 

[P] [H] ès qualité de président du comité d'établissement [Localité 5] de la SA PSA AUTOMOBILES en liquidation amiable domicilié en cette qualité audit siège

 

...

 

Maître [S] [X] en sa qualité de liquidateur amiable du comité d'établissement de PSA [Localité 5]

 

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 30 Mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

 

N° RG : 18/01026

 

Expéditions exécutoires

 

Expéditions

 

Copies

 

délivrées le :

 

à :

 

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

 

MeIsabelle DELORME-MUNIGLIA

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

 

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

Comité d'établissement de la S.A. PSA AUTOMOBILES représenté par son secrétaire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

 

[Adresse 1]

 

[Localité 5]

 

Représenté par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 10818

 

assisté de Me Zoran ILIC de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 -

 

APPELANT

 

****************

 

Monsieur [P] [H] ès qualité de président du comité d'établissement [Localité 5] de la SA PSA AUTOMOBILES en liquidation amiable domicilié en cette qualité audit siège

 

[Adresse 1]

 

[Localité 5]

 

Représenté par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019950 -

 

assisté de Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

 

SA PSA AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.

 

N° SIRET : 542 065 479

 

[Adresse 2]

 

[Localité 3]

 

Représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019950 -

 

assistée de Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

 

INTIMES

 

****************

 

Maître [S] [X] en sa qualité de liquidateur amiable du comité d'établissement de PSA [Localité 5]

 

de nationalité française

 

[Adresse 7]

 

[Adresse 7]

 

[Localité 4]

 

Représenté par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 10818

 

assisté de Me Zoran ILIC de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 -

 

PARTIE INTERVENANTE

 

Composition de la cour :

 

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 décembre 2019, Madame Marie LE BRAS, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

 

Madame Nicolette GUILLAUME, président,

 

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

 

Madame Marie LE BRAS, conseiller,

 

qui en ont délibéré,

 

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

 

EXPOSÉ DU LITIGE

 

La société PSA Automobiles comprend différents sites dont celui situé à [Localité 5] dont la représentation du personnel est assurée par le comité d'établissement PSA [Localité 5] (CE PSA [Localité 5]).

 

En 2017, un projet de création d'un centre d'excellence Recherche & Développement (R&D) Powertrain a été mis en 'uvre afin de regrouper les activités de R&D Powertrain du groupe sur une même zone géographique implantée en région parisienne. Les salariés du site de [Localité 5] ont été répartis sur les sites de [Localité 8], [Localité 3] et [Localité 6], qui ont chacun un comité d'établissement (CE).

 

Après la mise en oeuvre de la procédure d'information et consultation des institutions représentatives du personnel qui s'est achevée en juin 2017, le transfert des effectifs de l'établissement de [Localité 5] a débuté en juillet 2018 pour se terminer au mois d'août 2018.

 

C'est dans ce contexte que la disparition du CE PSA [Localité 5] a été programmée pour le 31 août 2018, chacun des établissements d'accueil des effectifs de cet établissement disposant également d'un comité d'établissement.

 

Dans cette perspective, le point concernant l'adoption du budget prévisionnel de fonctionnement du comité d'établissement et de celui des activités sociales et culturelles pour l'année 2018 a été porté à l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 27 février 2018.

 

Affirmant que ce budget prévisionnel 2018 présenté et adopté par délibération du même jour ne distinguait pas le budget de fonctionnement de celui dédié aux activités sociales et culturelles, la direction a signifié son opposition à son adoption, en indiquant que le comité d'établissement devait respecter le principe du strict cloisonnement des budgets et qu'il ne pouvait pas anticiper sur les opérations de liquidation en affectant les réserves de fonctionnement des années précédentes au budget dédié aux activités sociales et culturelles de l'année en cours.

 

Puis par acte du 19 avril 2018, la SA PSA Automobiles et M.[H], en sa qualité de président du CE PSA [Localité 5], ont fait assigner le CE PSA [Localité 5] en référé aux fins :

 

- d'injonction au CE PSA [Localité 5] de présenter un nouvel état des budgets ;

 

- d'injonction au CE PSA [Localité 5] de réintégrer les reliquats de budget de fonctionnement des années précédentes au budget de fonctionnement 2018 ;

 

- de remboursement, le cas échéant, des sommes déjà dépensées et issues du budget de fonctionnement et des reliquats des années précédentes pour financer irrégulièrement des activités sociales et culturelles, ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'ordonnance.

 

En cours de procédure, le CE PSA [Localité 5], par une délibération du 26 avril 2018, a annulé la délibération du 27 février 2018 et adopté un nouveau budget prévisionnel 2018 maintenant le transfert des excédents des budgets de fonctionnement antérieurs au budget des activités sociales et culturelles pour un montant de 995 025 euros.

 

Par ordonnance du 30 mai 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a :

 

- fait injonction au CE PSA [Localité 5] de présenter un nouvel état de ses budgets;

 

- fait injonction au CE PSA [Localité 5] de réintégrer les reliquats de budget de fonctionnement des années précédentes au budget de fonctionnement 2018 ;

 

- ordonné le remboursement des sommes déjà dépensées et issues du budget de fonctionnement et des reliquats des années précédentes pour financer irrégulièrement des activités sociales et culturelles, ce sous astreinte de 1500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'ordonnance ;

 

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

 

- dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles ;

 

- condamné le CE PSA [Localité 5] aux dépens.

 

Le 5 juin 2018, le comité d'établissement de la SA PSA Automobiles a interjeté appel de la décision par acte visant expressément toutes les dispositions de l'ordonnance entreprise.

 

Le 23 juillet 2018, un liquidateur amiable du CE PSA [Localité 5] a été nommé.

 

Par leurs dernières conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, le CE PSA [Localité 5] et Mme [X], en sa qualité de liquidateur amiable du comité d'établissement demandent à la cour, au visa de l'article 809 du code de procédure civile ainsi que des articles L2325-43 et L2315-61 du code du travail, de :

 

- les dire et juger recevables et bien fondés en leur demandes,

 

- infirmer l'ordonnance rendue le 30 mai 2018,

 

- constater l'absence de trouble manifestement illicite,

 

En conséquence,

 

- débouter la société PSA de l'ensemble de ses demandes ;

 

- condamner la société PSA Automobiles au paiement d'une indemnité globale de 4200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

 

- condamner la société PSA Automobiles aux entiers dépens.

 

Par leurs dernières conclusions reçues au greffe le 5 décembre 2018 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la SA PSA Automobiles et M. [H], ès qualités, sollicitent de la cour, au visa de l'article 809 du code de procédure civile, de :

 

- les recevoir en leurs conclusions, et les disant bien fondés ;

 

- confirmer l'ordonnance du 30 mai 2018 en toutes ses dispositions ;

 

- condamner le comité d'établissement à verser à la société PSA Automobiles la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Courtaigne Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 décembre 2018.

 

Par arrêt du 14 février 2019, la cour a ordonné une mesure de médiation judiciaire après avoir constaté l'accord des parties pour y recourir.

 

Par lettre du 2 juillet 2019, la médiatrice a informé cette cour de l'échec de la mesure, les parties n'ayant pas réussi à trouver un accord.

 

L'examen de l'affaire a été renvoyée à l'audience du 4 décembre 2019.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

- sur les dispositions légales encadrant l'utilisation des budgets du comité d'établissement :

 

Les appelants concluent à l'infirmation de l'ordonnance entreprise au motif que l'existence du trouble manifestement illicite dénoncé par les intimés n'est pas caractérisée dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit au CE de consacrer l'excédent de son budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles.

 

Ils ajoutent que l'interprétation stricte de l'ancien article L2325-43 du code du travail dont se prévalent les intimées, est devenue obsolète depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, le nouvel article L2315-61 du code du travail relatif à la subvention de fonctionnement du nouveau comité social et économique (CSE), dans sa version antérieure à la loi de ratification du 29 mars 2018 et à son décret d'application du 26 octobre 2018, prévoyant que le CSE peut décider par une délibération de transférer une partie du montant de l'excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles.

 

Selon eux, la délibération du CE du 27 février 2018 contestée par les intimés est conforme à cette disposition applicable entre le 1er janvier 2018 et le 1er avril 2018, avant la modification rédactionnelle résultant de la loi de ratification du 29 mars 2018 qui a posé des conditions et une limitation à ce transfert budgétaire précisées par le décret du 26 octobre 2018.

 

Enfin, les appelants font valoir que, sauf à violer le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, et à supposer que l'ancien article L2325-43 du code du travail demeure applicable au cas d'espèce, cette disposition doit être interprétée conformément aux exigences constitutionnelles en tenant compte de l'assouplissement issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017, aucun élément objectif ne justifiant que les salariés relevant d'un CSE puissent bénéficier du transfert du reliquat du budget de fonctionnement vers le budget consacré aux activités sociales alors que ce ne serait pas le cas des salariés dépendant d'un CE encore actif.

 

Les intimés leur répondent que seul l'ancien article L2325-43 du code du travail s'applique au cas d'espèce. Ils réfutent l'application de l'article L2315-61 issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017, faisant valoir que l'article 9 V de cette ordonnance dispose expressément que les dispositions du code du travail relatives aux CE demeurent applicables dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette ordonnance pendant la durée des mandats en cours et jusqu'à la mise en place du CSE.

 

Il est constant qu'en l'espèce, les délibérations litigieuses ont été adoptées au cours du mandat du CE PSA [Localité 5], les intimés rappelant à juste titre qu'en raison de la fermeture de l'établissement avant la fin de ce mandat, aucun CSE ne devait être mis en place.

 

Selon l'article 9 V de l'ordonnance du 22 septembre 2017, 'pendant la durée des mandats en cours, les dispositions des titres Ier et II du livre III relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III sur les réunion communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail demeurent applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance'.

 

Cette ordonnance a été ratifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 sans modification de son article 9 V.

 

Ainsi, l'ordonnance du 22 septembre 2017 a prévu des dispositions transitoires précises, ratifiées par le législateur, pour tenir compte du mandat des institutions représentatives du personnel toujours en cours à sa date d'entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2018, les dispositions antérieures à cette ordonnance demeurant applicables notamment au CE jusqu'à la fin de son mandat.

 

Il sera en conséquence retenu que le nouvel article L2315-61 du code du travail issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 n'est pas applicable aux CE dont le mandat est en cours, tel que le CE PSA [Localité 5].

 

Il convient dès lors d'apprécier si l'existence du trouble manifestement illicite invoqué par les intimés est caractérisée au regard des dispositions du code du travail antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, et plus précisément de l'ancien article L 2325-43 dudit code qui dispose que :

 

'l'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute.

 

Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute.

 

Le comité d'entreprise peut décider, par une délibération, de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l'entreprise.

 

Cette somme et ses modalités d'utilisation sont inscrites, d'une part, dans les comptes annuels du comité d'entreprise ou, le cas échéant, dans les documents mentionnés à l'article L. 2325-46 et, d'autre part, dans le rapport mentionné à l'article L. 2325-50".

 

Est inopérant le moyen avancé par les appelants tendant à interpréter ce texte à l'aune des dispositions du nouvel article L2315-61 du code du travail en vertu du principe constitutionnel d'égalité devant la loi, l'ancien article L 2325-43 étant clair et précis et le juge judiciaire n'ayant pas, en dehors de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, à vérifier la conformité d'une norme législative aux exigences constitutionnelles.

 

- sur le trouble manifestement illicite :

 

Les appelants font grief au premier juge d'avoir retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite, alors que, selon eux, aucune disposition légale ou réglementaire, notamment l'article L2325-43 du code du travail n'interdit au CE de consacrer l'excédent de son budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles.

 

Ils font ainsi valoir qu'à défaut de disposition légale spécifique, la note ministérielle du 26 juillet 1985 invoquée par les intimés n'ayant aucune valeur normative, le principe d'ordre public de séparation du budget de fonctionnement du CE de celui destiné aux activités sociales et culturelles, tiré de cette disposition, ne vaut que pour le budget en cours et non pour l'utilisation des réserves et reliquats des budgets passés, l'objectif de ce texte étant uniquement de s'assurer que le CE est en capacité de fonctionner et d'exercer l'ensemble de ses prérogatives et missions légales en matière économique grâce à sa dotation de fonctionnement annuelle, sans risque que les fonds soient exclusivement consacrés aux activités sociales et culturelles.

 

Ils soutiennent que cette exigence n'a pas lieu d'être pour l'utilisation des reliquats des années passées dans la mesure où le CE reçoit chaque année une dotation de fonctionnement pour exercer ses missions et que dès lors, il n'a pas été porté atteinte au fonctionnement et à l'exercices des prérogatives légales du CE PSA [Localité 5] par les délibérations du 27 février 2018 puis celle du 26 avril 2018 annulant la précédente, qui ont décidé d'utiliser ces reliquats des années passées pour financer les activités sociales et culturelles.

 

Les appelants font également observer que les réserves de fonctionnement constituées par les reliquats des années antérieures n'étaient plus nécessaires, le CE PSA [Localité 5] devant disparaître 6 mois plus tard en raison de la fermeture de l'établissement.

 

Ils prétendent que l'article R2323-39 du code de travail régissant la dévolution des biens du CE n'est pas applicable en cas de fermeture d'un établissement avec poursuite de l'activité de l'entreprise et ne fait donc pas obstacle à ce que les salariés du site PSA [Localité 5] puissent bénéficier de prestations financées grâce au reliquat du budget de fonctionnement du CE de cet établissement sans attendre qu'il soit dévolu au CE du site auquel ils seront affectés. Ils se prévalent ainsi du droit du CE PSA [Localité 5] d'anticiper l'affectation de ses biens et plus précisément de ses réserves budgétaires avant sa disparition.

 

En réponse, les intimés font valoir que le principe de dualité des budgets du CE fixé par l'ancien article L2325-43 du code du travail est une règle générale d'ordre public, sans aucun transfert possible entre lesdits budgets, même par l'effet d'un accord au sein de l'entreprise, notamment pour les excédents budgétaires passés, l'objectif de cette règle étant de permettre au CE de constituer des réserves pour les dépenses de fonctionnement des années ultérieures.

 

Ils ajoutent que cette même disposition soumet le CE aux obligations comptables dont les modalités d'application sont définies par l'Autorité des normes comptables, le Règlement 2015-01 du 2 avril 2015 stipulant bien que le compte de résultat et le bilan du CE doivent distinguer les deux types de fonds.

 

Enfin, les intimés estiment que la future liquidation du CE PSA [Localité 5] est sans incidence sur l'application de cette règle d'ordre public de séparation des budgets et qu'une telle situation n'autorise pas le CE devant disparaître à décider par anticipation de l'affectation des fonds après sa liquidation, ce pouvoir revenant au CE de l'établissement d'accueil des salariés, rappelant qu'il est de principe qu'en cas de fermeture totale d'un établissement entraînant la mutation des salariés vers d'autres établissements de l'entreprise, les biens du CE fermé doivent être remis aux comités des établissements où le personnel a été réaffecté.

 

Aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal statuant en référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

 

Le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » dont la preuve incombe à celui qui le dénonce.

 

Il sera en premier lieu relevé que les appelants admettent que l'ancien article L2325-43 du code du travail pose le principe d'une séparation des budgets de fonctionnement du CE et de financement des activités sociales et culturelles pour l'exercice en cours.

 

La subvention de fonctionnement a été créée par la loi du 28 octobre 2002, pour permettre le fonctionnement du comité d'entreprise dans ses attributions économiques et professionnelles. Les comités d'entreprise disposaient déjà de la subvention pour les oeuvres sociales et culturelles à laquelle elle s'ajoute. La subvention de fonctionnement a donc un objet clairement distinct de celui des oeuvres sociales et culturelles: elle vise à rendre le comité d'entreprise autonome dans la prise en charge des frais nécessaires à son fonctionnement.

 

Il sera d'ailleurs rappelé que le budget du CE en matière d'activités sociales et culturelles est pour sa part précisément défini par les anciens articles L2323-86 et R2323-84 du code du travail.

 

Les deux budgets sont donc « imperméables » et toute fongibilité entre eux apparaît prohibée.

 

Dès lors, si le CE décide librement de l'utilisation des fonds reçus au titre de son budget de fonctionnement, ses dépenses doivent nécessairement s'inscrire dans le cadre du fonctionnement du comité et de ses missions économiques.

 

Par ailleurs, les fonds non dépensés des années passées demeurant de plein droit inscrits en tant que provision au budget de fonctionnement, le CE ne peut en changer la destination dans le cadre de l'adoption du budget prévisionnel de l'année en cours, sauf à violer le principe de séparation budgétaire qui s'applique à toute somme inscrite auxdits budgets et auquel seule une dispositions légale est susceptible de déroger ainsi que cela est désormais prévu concernant les CSE par les articles L L2315-61 et R 2315-31-1 du code du travail issus de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ratifiée par la loi du 29 mars 2018 et du décret d'application du 26 octobre 2018.

 

Par ailleurs, c'est à raison que les intimés soutiennent que la fermeture à venir de l'établissement de [Localité 5] est sans incidence et n'autorise pas le CE à déroger à cette règle.

 

En effet, les délibérations du 27 février 2018 puis du 26 avril 2018 portent sur l'adoption du budget prévisionnel 2018 du CE tant pour son fonctionnement que pour le financement des activités sociales et culturelles et non sur la dévolution de ses biens après sa fermeture.

 

Or, dans le cadre de l'adoption du budget prévisionnel de fonctionnement destiné à assurer l'exercice de ses missions et prérogatives jusqu'à sa fermeture, le CE se devait de respecter strictement le principe de séparation des budgets, l'affectation du boni éventuel au terme de l'exercice et la dévolution des biens relevant de la mission du liquidateur amiable conformément aux stipulations des articles 2.1 et 2.5 figurant dans la convention conclue entre le CE PSA [Localité 5] et Maître [X] et approuvée par le CE en sa réunion du 26 juillet 2018.

 

Il sera d'ailleurs noté qu'en application de l'article 2.1 de cette convention, la dévolution du boni de liquidation devait s'opérer au profit des différents comités d'entreprise des 3 sites vers lesquels les salariés devaient être transférés au prorata des effectifs transférés.

 

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le non respect du principe de séparation des budget posé par l'ancien article L L2325-43 du code du travail par l'utilisation des réserves du budget de fonctionnement du CE au profit des activités sociales et culturelles constitue une violation de la règle de droit suffisante à caractériser le trouble manifestement illicite qui a en outre eu pour conséquence de réduire d'autant le boni du budget de fonctionnement destinés aux 3 CE des établissements d'accueil des salariés transférés.

 

L'existence de ce trouble manifestement illicite étant ainsi parfaitement démontrée au jour où le premier juge a statué, en l'absence de régularisation avant cette date, il convient de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, la présentation d'un nouvel état budgétaire pour 2018 avec une réintégration au budget de fonctionnement des réserves accumulées les années précédentes et le remboursement des sommes déjà dépensées pour financer irrégulièrement les activités sociales et culturelles étant les seules mesures susceptibles de mettre fin au trouble, étant noté que les appelants ne soutiennent pas qu'à ce jour, cette régularisation soit achevée.

 

- sur les demandes accessoires :

 

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

 

Parties perdantes, le CE PSA [Localité 5] et Maître [X], ès qualités, supporteront la charge des dépens d'appel lesquels seront recouvrés avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

 

L'équité commande de laisser en revanche à chaque partie, la charge des frais irrépétibles qu'elle aura exposés en appel. Elles seront en conséquence déboutées de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS,

 

La cour statuant par arrêt contradictoire,

 

CONFIRME l'ordonnance entreprise en date du 30 mai 2018 en toutes ses dispositions;

 

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

 

DIT que le comité d'établissement PSA [Localité 5] et Maître [X], ès qualités, supporteront la charge des dépens d'appel lesquels seront recouvrés avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

 

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président et Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Le greffier, Le président,