Conseil d'Etat

Décision du 13 décembre 2019 n° 431724

13/12/2019

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

EP

 

 

 

N° 431724

 

__________

 

CONSEIL NATIONAL DES CENTRES COMMERCIAUX

__________

 

M. Pierre Vaiss

Rapporteur

__________

 

M. Raphaël Chambon

Rapporteur public

__________

 

Séance du 6 décembre 2019

Lecture du 13 décembre 2019

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)

 

 

Sur le rapport de la 4ème chambre

de la Section du contentieux

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un mémoire distinct et par un nouveau mémoire, enregistrés les 17 septembre et 21 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le conseil national des centres commerciaux demande au Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du e) du 1° du I, du III et du IV de l’article L. 752-6 du code de commerce.

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :

la Constitution, notamment son article 61-1 ;

l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

le code du commerce ;

la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

le code de justice administrative ;

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire,

 

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

 

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du conseil national des centres commerciaux ;

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

2. L’article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 166 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dispose que : « I.- (…) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : (…) / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre (…). / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. / IV.-Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé ».

 

3. A l’appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, le conseil national des centres commerciaux soutient que les dispositions du e) du 1° du I, du III et du IV de l’article L. 752-6 du code de commerce, citées au point 2, méconnaissent la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dès lors qu’elles subordonnent la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale à la prise en considération de la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale concerné, laquelle est appréciée par la commission départementale d’aménagement commercial au vu d’une étude d’impact évaluant les effets du projet sur l’animation et le développement économique des centres-villes de ce territoire et sur l’emploi, cette même étude d’impact devant, en outre, établir qu’aucune friche existante en centre-ville, ou à défaut, en périphérie, ne permet l’accueil du projet.

 

4. D’une part, les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce citées au point 2 sont applicables au litige par lequel le requérant demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, qui est pris pour son application.

 

5. D’autre part, ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

 

6. Enfin, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du e) du 1° du I, du III et du IV de l’article L. 752-6 du code de commerce est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du conseil national des centres commerciaux jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des centres commerciaux, au ministre de l’économie et des finances et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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