Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 3 décembre 2019 N° 1904640

03/12/2019

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

 

 

 

 

N° 1904640

___________

 

M. A... B...

__________

 

Ordonnance du 3 décembre 2019

___________

 

 

QPC

 

 

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019 sous le n° 1904640,

M. A... B..., représenté par la SELARL Jurisdomus, demande au tribunal :

 

1°) de le décharger des rehaussements de l’impôt sur le revenu des années 2015

et 2016 ;

 

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Il soutient, après avoir exposé que séparé de corps puis de biens de son épouse,

celle-ci et lui-même ayant déclaré leurs revenus et payer leurs impôts séparément à compter

de 2011, que :

 

- il a déduit la contribution aux charges du mariage versée à son épouse de ses revenus en application de l’article 156 du code général des impôts ; la première proposition de rectification qui lui a été adressée a violé, à plusieurs titres, ses droits ;

- le litige avec l’administration porte sur la condition de la fixation par le juge de la contribution, ce qui le conduit à poser une question prioritaire de constitutionnalité ;

- à titre subsidiaire, se pose la question de la nature juridique des montants versés à son épouse, le service se méprenant et confondant pension alimentaire et contribution aux charges du mariage ; par suite, les conséquences qu’il tire de son analyse sont erronées.

 

 

 

 

 

 

 

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, M. B..., représenté par

Me Mear, demande au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des dispositions du 2° du II de l’article 156 du

code général des impôts relatives à la déductibilité de la contribution des charges du mariage

du revenu imposable.

 

Il soutient que :

- ces dispositions prévoient deux conditions cumulatives dont celle de la fixation du montant de la contribution par le juge ; or, les époux B... à la suite de leur séparation n’ont pas souhaité engager une procédure judiciaire ; à la suite de la procédure fiscale ils ont cependant saisi le juge judiciaire qui a statué le 6 mai 2019 pour les années à venir mais qui a retenu le même montant que celui déterminé à l’amiable ;

- ces dispositions instituent une différence de traitement injustifiée ; en outre, la contribution aux charges du mariage est de nature différente d’une pension alimentaire ;

- cette différence de traitement selon le mode fixation n’a pas été admise à propos de la réparation du préjudice corporel ;

- cette différence de traitement est aberrante sur le plan de l’équité, méconnait

les principes d’égalité devant la loi et les charges publiques et est sans rapport avec l’objet

de la loi.

 

 

Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2019, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B....

 

Il soutient que la question est dépourvue de caractère sérieux au sens de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. L’article R. 771-7 du code de justice administrative dispose que : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

 

 

 

2. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ». L’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (…) ». Enfin, aux termes de l’article R. 771-3 du code de justice administrative : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ” ».

 

3. Par la requête susvisée enregistrée le 13 septembre 2019, M. B... demande la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2015 et 2016. A l’appui de ses conclusions, il invoque, par un mémoire distinct enregistré le 7 octobre 2019 au greffe du tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance des principes constitutionnels d’égalité des citoyens devant la loi et d’égalité des citoyens devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par les dispositions du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts et du citoyen en faisant valoir que la condition posée par ces dispositions selon lesquelles, dans leur rédaction applicable aux années d’imposition en litige, « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (…), sous déduction : (…) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (…) 2° (…) contribution aux charges du mariage définie à l'article 214 du code civil, lorsque son versement résulte d'une décision de justice et à condition que les époux fassent l'objet d'une imposition séparée ; dans la limite de

2 700 € et, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, les versements destinés à constituer le capital de la rente prévue à l'article 373-2-3 du code civil (…) » en relevant que la déduction n’est possible que lorsque la contribution résulte d’une décision de justice et qu’elle est exclue quand elle résulte d’un accord amiable des époux.

 

4. Ces dispositions susrappelées de l’article 156 du code général des impôts sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La question posée par le moyen invoqué n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

5. En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B... portant sur la constitutionnalité des dispositions du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts.

 

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité posée par M B... relative à la méconnaissance des dispositions du 2° du II de l’article 156 du code général des impôts relative à la contribution aux charges du mariage est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu’à ce qu’il ait été statué

par le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, à M. A... B... et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine.

 

 

Fait à Rennes, le 3 décembre 2019

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

signé

 

 

D. Raymond

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1904640