Tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye

Jugement du 29 octobre 2019, RG N° 11-19-001215

29/10/2019

Renvoi

RG N° 11-19-001215

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE

[A-B C]

[D E]

C/

TRANSDEV ILE DE FRANCE

 

TRIBUNAL D'INSTANCE

22 rue de la Maison Verte

CS 80518

78105 ST GERMAIN EN LAYE CEDEX

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Question Prioritaire de Constitutionnalité

JUGEMENT DU 29 Octobre 2019

DEMANDEUR(S) A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE :

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI-PRECARITE, [adresse 1], [LOCALITE 2], représenté(e) par Me DADI Ghislain, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [A-B C], Union des Syndicats Anti-Précarité [adresse 3], [LOCALITE 4], représenté(e) par Me DADI Ghislain, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [D E], [LOCALITE 5], [LOCALITE 6], représenté(e) par Me DADI Ghislain, avocat au barreau de PARIS

d'une part,

DEFENDEUR(S) A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE:

S.A TRANSDEV ILE DE FRANCE 3 Allée de Grenelle, 92130 ISSY LES MOULINEAUX, représenté(e) par Me BLANC DE LA NAULTE Arnaud, avocat au barreau de PARIS substitué par Maître Noémie NAUDON du même cabinet

d'autre part,

Le MINISTERE PUBLIC :

pris en la personne de Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près le Tribunal de Grande Instance de Versailles élisant domicile en son Parquet au Palais de Justice

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Olivier LESOBRE

Greffier : Sylvie GERARDIN

EXPOSE DU LITIGE Par courrier du 26 juin 2019, l’union des syndicats anti-précarité (USAP) a informé la SA TRANSDEV ILE-DE-FRANCE de la désignation de Monsieur [E D] en qualité de représentant de section syndicale au sein de l’établissement de [LOCALITE 7] ([...]).

La SA TRANSDEV ILE-DE-FRANCE a considéré la désignation comme entachée de nullité en ce que l’USAP ne remplit pas le critère relatif au nombre minimum de deux adhérents permettant de créer une section syndicale au sein de l’établissement et de procéder à la désignation d’un représentant de section syndicale, ni le critère de la transparence financière.

Par requête enregistrée au greffe le 17 septembre 2019, la SA TRANSDEV ILE-DE-FRANCE a saisi le tribunal d'instance de céans aux fins d’annulation de la désignation de Monsieur [E D] comme représentant syndical de section au sein de la société.

Après renvoi, l’affaire a été examinée à l’audience du 17 septembre 2019.

A cette audience, Monsieur [E D] et l’USAP, respectivement assisté et représentée, ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité .

A l’audience du 1er octobre 2019, Monsieur [E D] et l’USAP, représentés, ont indiqué, au soutien de leur question prioritaire de constitutionnalité dont ils estiment qu'elle remplit les conditions légalement prévues, que l’interprétation contra legem par la cour de cassation des articles L. 2121 -1, L.2141-1 et L. 2141 -1 -1 du code du travail ajoutait une condition à la loi et méconnaissait le principe de liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d’égalité devant la loi ainsi que le principe de séparation des pouvoirs.

La SA TRANDEV ILE-DE-FRANCE a repris oralement ses observations écrites auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens. Elle a fait valoir que la jurisprudence de la cour de cassation de juillet 2017 au sujet de l'article L. 213 5-1 du code du travail prévoyait un certain nombre d'obligations comptables (transparence financière) et qu'un syndicat non représentatif avait vocation à le devenir et que la jurisprudence en cause devait être étendue aux syndicats non représentatifs.

Le greffe du parquet du TGI de Versailles a été saisi le 20 septembre 2019.

A l’issue de l’audience, le Président a avisé les parties que le prononcé du jugement aurait lieu le 29 octobre 2019, par la mise à disposition de la décision au greffe du Tribunal. Le dossier adressé au ministère public a été retourné au greffe du tribunal d’instance de Saint Germain en Laye le 15 octobre 2019, sans aucun avis, ni courrier de réponse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu’aux termes de l’article 61-1 de la constitution du 4 octobre 1958, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (...);

Qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.

La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n’est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ;

Qu’il appartient au juge de reformuler la question posée à l’effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, sans en modifier l’objet ou la portée ;

Qu’aux termes de l’article L.2121-1 du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :

1° Le respect des valeurs républicaines ;

2° L'indépendance ;

3° La transparence financière ;

4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;

5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122- 1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ;

6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ;

Qu’aux termes de l’article L.2142-1 du même code, dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 ;

Qu’aux termes de l’article L. 2142-1-1 du même code, chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.

Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise.

Attendu qu’en l’espèce, il ressort du mémoire présenté par Monsieur [E D] et L’USAP qu’ ils considèrent que seules les organisations syndicales représentatives doivent respecter les critères de la transparence financière ; que l’USAP a désigné un représentant de section syndicale et n’entend pas se prévaloir d’une représentativité au sein de l’employeur ; qu’il rappelle que seules les conditions des articles L.2142-1 et L.2142-1-1 du code du travail s’appliquent dans une telle hypothèse ;

Qu’ils rappellent, cependant, que l’interprétation de ces articles par la cour de cassation conduit à considérer que tout syndicat, et pas seulement les syndicats représentatifs, doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ;

Qu’il convient, en réalité de rechercher si la condition obligeant tout syndicat à satisfaire à la condition de transparence financière, prévue à l’article L.2121-1 du code du travail, dans le cadre de l’application des articles L.2142-1 et L. 2142-1-1 du même code, méconnaît le principe de liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d’égalité devant la loi et le principe de séparation des pouvoirs ;

Qu’une telle question, non tranchée par le conseil constitutionnel est clairement applicable au litige et nécessaire à sa résolution ;

Qu’il y a lieu de faire droit à la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation, les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1097 du 7 novembre 1958 étant réunies.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment de la décision tranchant tout ou partie du litige,

DIT y avoir lieu à transmettre à la cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Monsieur [E D] et l’union des syndicats antiprécarité (USAP), tirée de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la condition de transparence financière prévue à l’article L.2121-1 du code du travail dans le cadre de l’application des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du même code ;

DIT y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’instance n° RG. 11-19-984 SA TRANSDEV ILE-DE-France c/ Syndicat Union des syndicats anti-précarité, [E D] et [C A-B] ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition du jugement au greffe le 29 octobre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Monsieur Olivier LESOBRE, juge et par Madame Sylvie GERARDIN, greffière.