Cour d'Appel de Nîmes

Arrêt du 5 septembre 2019

05/09/2019

Renvoi

[G F] - 19_0478

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE NIMES,

réunie en Chambre du Conseil, le cinq septembre deux mil dix neuf pour les débats et le délibéré et le MEME JOUR pour le prononcé de l'arrêt,

composée lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de :

- Monsieur TEISSIER, Président,

- Madame [H] et Madame BELLOTTI-LASCOMBES, Conseillers,

tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale,

en présence lors des débats et du prononcé de l'arrêt de :

- Monsieur SENECHAL, Avocat Général

- [A B] et Blandine CHILLET, Greffiers

Vu la question prioritaire de constitutionnalité du 26 mars 2018 déposée par :

[G F]

né le [DateNaissance 1] 1954 à [LOCALITE 2]

de nationalité française

demeurant [adresse 3] - [LOCALITE 4]

Ayant pour avocat :

Maître DUPOND-MORETTI Eric, Avocat au barreau de PARIS

Vu la condamnation à la peine capitale de [C G], prononcée par la Cour d’Assises de Paris le 06 avril 1957 ;

Vu la mise à exécution de cette condamnation le 1° octobre 1957 ;

Vu la requête en réhabilitation judiciaire déposée le 20 mars 2018 par [F G], descendant de [C G] ;

Vu les dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009 et notamment les articles L.O. 630 et R 49-21 à R 49-29 du code de procédure pénale;

Vu le dépôt par Maître DUPOND-MORETTI, au soutien de la requête en réhabilitation sus-évoquée, d’un mémoire aux fins de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité, formulée dans les termes suivants: “Les dispositions des articles 785 et 786 alinéa 1° du code de procédure pénale, font obstacle à. une réhabilitation judiciaire consécutive à l'exécution d’une condamnation à la peine de mort, lorsque l'article 133-12 du code pénal et l'article 782 du code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d'une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d'égalité, tels qu'ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ?”

Vu le réquisitoire écrit de Monsieur l'Avocat Général en date du 27 décembre 2018, et les notification et lettre recommandée par lui expédiées, conformément aux dispositions de l'article 197 du Code de Procédure Pénale, les 14 décembre 2018 et 11 février 2019,

Vu le dépôt du dossier de la procédure au Greffe de la Chambre de l'Instruction et sa mise à la disposition des conseils des parties jusqu'au jour de l'audience dans les formes et délais prévus à l'article 197 alinéas 2 et 3 du Code de Procédure Pénale,

- Ayant entendu en l'audience du 5 septembre 2019 tenue en Chambre du Conseil

- Monsieur TEISSIER Président, en son rapport,

- Me DUPOND-MORETTI, conseil de [G F],

- Le Ministère Public en ses réquisitions,

- [G F] et son conseil ayant eu la parole les derniers,

Et après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l'article 200 du Code de Procédure Pénale,

A STATUE AINSI QU'IL SUIT

Attendu qu'en application de l’article 23-1 de l'ordonnance n° 58- 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le conseil de [F G] a saisi la chambre de l'instruction de la Cour d’Appel de Nîmes sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, d’un moyen soulevant l’inconstitutionnalité des articles 785 et 786 alinéa premier du code de procédure pénale ;

Attendu que le conseil de [F G] considère que ces articles rendent le régime de la réhabilitation judiciaire inapplicable à l'hypothèse d’une condamnation à mort notamment en raison du fait que le dispositif légal de réhabilitation est tourné vers la phase post-sentencielle et tend à un examen du comportement du condamné après l'exécution de la peine” et que dans ces conditions “l'individu condamné à mort dont la peine a été exécutée sort inévitablement du champ de l'article 786 du code de procédure pénale”. En conséquence “cette incompatibilité de principe ne se comprend pas au regard des principes de nécessité et d'égalité tels qu'ils sont constitutionnellement garantis ”;

Attendu que tirant argument de ces éléments le conseil pose la question suivante rédigée en ces termes “Les dispositions des articles 785 et 786 alinéa 1° du Code de Procédure pénale, qui font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l'exécution d’une condamnation à la peine de mort, lorsque l'article 1353-12 et l’article 782 du code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d'une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d'égalité, tels qu'ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?”

Attendu que dans son avis exprimé en date du 27 décembre 2018 Monsieur le Procureur Général soutient que “le mémoire produit ne démontre nullement en quoi les dispositions légales contestées contreviendraient aux normes constitutionnelles et notamment aux principes de nécessité des peines et d'égalité devant la loi et la justice” et que "s‘agissant de la réhabilitation posthume, il convient d'observer que selon les dispositions de l’article 785 du code de procédure pénale, cette possibilité est offerte au conjoint, ascendants et descendants de la personne condamnée, dans le délai de un an à compter de son décès”;

SUR CE :

Attendu que le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. a été présenté à l'audience de la chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de Nîmes le 5 septembre 2019 dans un écrit motivé et distinct de la demande en réhabilitation sollicitée par [E G],; Qu'il est donc recevable.

Attendu que conformément à l’article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 la question prioritaire de constitutionnalité doit répondre à trois critères cumulatifs: “1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux”.

Attendu qu'en l'espèce les dispositions contestées des articles 785 et 786 alinéa 1° du code de procédure pénale fondent la demande de [E G],

Attendu aussi que les dispositions contestées n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, à l'exception par décision en date du 27 novembre 2015 du 3°" alinéa de l’article 786 du code de procédure pénale non visé par la question prioritaire de constitutionnalité posée par le conseil du requérant;

Attendu que la question telle que posée n'est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que la combinaison entre les dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure pénale, en dehors de toutes autres considérations pouvant tenir aux conséquences de la réhabilitation, ne permet pas aux conjoints, ascendants et descendants d’une personne condamnée à mort de pouvoir solliciter une réhabilitation.

Que si l'article 785 du code de procédure pénale prévoit le cas de la réhabilitation en cas de décès de la personne condamnée, dont il n'est cependant pas certain que la notion employée de décès définisse celui résultant de l'exécution de la sanction pénale de la peine de mort, le fait que cette demande ne puisse intervenir que si “les conditions légales sont remplies” exclut les descendants ou ascendants du condamné à mort du champ d'application de la requête en réhabilitation et ce en contradiction avec les dispositions de l’article 782 du code de procédure pénale,

Qu'en effet il ressort des dispositions de l'article 786, établissant les conditions légales de la requête en réhabilitation, que pour que cette dernière puisse prospérer le législateur considère qu’un laps de temps doit nécessairement s ‘écouler après la fin de l'exécution de la peine prononcée et ce notamment afin de permettre aux juridictions devant statuer sur la requête de pouvoir apprécier les efforts effectués par le condamné en vue de sa réhabilitation;

Qu'ainsi tant en lui même que dans sa motivation et justification, ce délai de temps apparaît incompatible avec la notion de peine capitale;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de transmettre à la Cour de cassation la question suivante:

“Les dispositions des articles 785 et 786 alinéa 1° du Code de Procédure pénale, qui font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l'exécution d’une condamnation à la peine de mort, lorsque l’article 133-12 et l’article 782 du code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d'une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d'égalité, tels qu'ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?” Vu les articles R49-21 et suivants du code de procédure pénale,

Vu les articles 199 et 216 du Code de Procédure Pénale,

PAR CES MOTIFS

La chambre de l'instruction statuant par arrêt contradictoire à l’égard du requérant non susceptible de recours,

AVANT DIRE DROIT ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante: “Les dispositions des articles 785 et 786 alinéa 1er du Code de Procédure pénale, qui font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l'exécution d’une condamnation à la peine de mort, lorsque l’article 133-12 et l’article 782 du code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d’une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d'égalité, tels qu'ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?”

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à. la question prioritaire de constitutionnalité;

SURSOIT À STATUER sur la requête en réhabilitation déposée par [F G],

Le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.

le greffier

le président