Cour administrative d'appel de Nantes

Ordonnance du 4 septembre 2019 N° 18NT04279 QPC

04/09/2019

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANTES

 

 

N° 18NT04279 QPC

_____________

 

SOCIETE LES SABLIERES DE L’ATLANTIQUE

_____________

 

Ordonnance du 4 septembre 2019

_____________

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 5ème chambre

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par mémoires distincts, enregistrés le 24 janvier et le 7 mars 2019, la société Les Sablières de l’Atlantique, représentée par Me Genuyt, demande à la cour, sur le fondement de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de son mémoire en défense tendant au rejet des conclusions de la requête du ministre de la culture demandant l’annulation du jugement n° 1210174 du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de la société tendant à la décharge de la redevance d’archéologie préventive mise à sa charge par un avis d’imposition du 3 janvier 2012, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l’article 524-7 du code du patrimoine, dans leur version issue de l’article 8 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009.

 

Elle soutient que ces dispositions, appliquées au litige et qui n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et le principe d’égalité devant les charges publiques garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, eu égard à l’augmentation du montant de la redevance d’archéologie préventive, qui est inadapté aux travaux sous-marins et qui serait confiscatoire par ses effets économiques dans ce domaine d’activité.

 

 

Par un mémoire, enregistré le 15 février 2019, le ministre de la culture conclut à la non-transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Les Sablières de l’Atlantique.

 

Il soutient que :

- la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable, en l’absence de précision sur les dispositions spécifiquement visées ;

- les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies ; en particulier, les dispositions contestées ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-480 DC du 31 juillet 2003 ; la modification du montant de la redevance ne constitue pas un changement de circonstances et la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

 

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ». Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d’appel, saisie d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. En vertu de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

2. Aux termes de l’article L. 524-7 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige issue de l’article 8 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 : « Le montant de la redevance d'archéologie préventive est calculé selon les modalités suivantes : (…) / II.-Lorsqu'elle est perçue sur des travaux visés aux b et c de l'article L. 524-2, son montant est égal à 0,50 € par mètre carré. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction. / La surface prise en compte est selon le cas : / -la surface au sol des installations autorisées pour les aménagements et ouvrages soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ; / -la surface au sol des aménagements et ouvrages non soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement sur la base du dossier transmis pour prescription de diagnostic éventuelle en application des articles L. 522-1 et suivants du présent code ; / -la surface de la zone sur laquelle porte la demande de réalisation du diagnostic prévue au dernier alinéa de l'article L. 524-4 ; / -la surface au sol des travaux soumis à déclaration administrative préalable visés à l'article L. 524-2 du présent code. / La redevance n'est pas due pour les travaux et aménagements réalisés sur des terrains d'une superficie inférieure à 3 000 mètres carrés ».

 

3. Les dispositions du II de l’article L. 524-7 du code du patrimoine sont applicables au présent litige. Ces dispositions, dans leur version issue de l’article 8 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, qui modifie substantiellement le montant de la redevance d’archéologie préventive, n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, à savoir au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

ORDONNE :

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du II de l’article L. 524-7 du code du patrimoine, dans sa version issue de l’article 8 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du ministre de la culture, jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Les Sablières de l’Atlantique et au ministre de la culture.

 

 

Fait à Nantes, le 4 septembre 2019.

 

 

 

 

 

T. CELERIER

 

 

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N° 18NT04279 3

 

 

 

 

1