Tribunal de grande instance de Bobigny

Ordonnance du 2 juillet 2019, N° RG 19/04596

02/07/2019

Renvoi

ANNEXE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY

J.L.D. CESEDA

AFFAIRE N° RG 19/04596

MINUTE N°RG 19/04596

ORDONNANCE

sur demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité

Le 02 Juillet 2019,

Nous, Sylvie MOYSAN, vice-président et juge des libertés et de la détention-au-tribunal de grande instance de BOBIGNY, assistée de Chloé CANTINOL, Greffier

PARTIES :

REQUÉRANT :

Madame [A E C D]

née le [DateNaissance 1] 1975 à [LOCALITE 2]

de nationalité Nicaraguayenne

non comparant, représentée par Me Catherine HERRERO, avocat au SEINE-SAINT-DENIS

DÉFENDEUR :

LE prefet de la SEINE SAINT DENIS

représenté par la SCP ARCO LEGAL, avocats au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Me Rachid HASSAINE, avocat au barreau de la SEINE-SAINT-DENIS,représentant l’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis, non présent

PROCÉDURE:

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce, Madame [A E C D] prétend que les articles L 213-2 et L 221-4 du CESEDA portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu’elle a été privée de son droit à l’assistance d’un avocat lors d’une audition incriminante devant les services de police.

En réplique, le préfet de Seine saint Denis soutient notamment que cette question n’est pas sérieuse au sens du texte et ne concerne pas une liberté.

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 21 juin 2019, qui n’a pas fait connaître son avis.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par les articles L 213-2 et L 221-4 du CESEDA

Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution: Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 21 juin 2019 dans un mémoire et motivé. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

L’article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité a la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu’ au regard des articles L.213-2 et L 221-4 du CESEDA elle est relative à l’audition sans la présence de l' avocat de la personne placée en zone d’attente et ce alors que le législateur a prévu la faculté de communiquer avec un conseil s'exerçant pendant toute la durée de maintien en zone d'attente.

Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel et notamment dans sa décision du 6 septembre 2018, n° 2019770.

En outre, elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce qu’elle pose la question d’une restriction aux droits de la défense pour la personne retenue contre sa volonté et qui s’auto-incrimine lors d'une audition sans conseil devant les services de police, cette auto-incrimination ayant pour conséquence une privation de liberté d’aller et venir.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante:

Les dispositions des articles L 213-2 et L 221-4 du CESEDA portent-t-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 7,9 et 16 de la déclaration des droits de l’homme de 1789?

Sur les autres demandes des parties:

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

En l’espèce, il n’ a pas été décidé d’un sursis à statuer, l’instance ayant eu pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté pour Madame [A E C D]

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE

La transmission à la Cour de cassation de la question suivante: Les dispositions des articles L 213-2 et L 221-4 du CESEDA portent-t-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 7,9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789?

DIT

Que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité;

DIT

Que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision;

DIT

Que l'affaire sera rappelée à l'audience du 05 novembre 2019 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel.

Fait à TREMBLAY EN FRANCE, le 02 Juillet 2019 à 16 heures 16

LE GREFFIER

 

NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE

Reçu le 02 juillet 2019: - copie intégrale de la présente ordonnance

- avis de transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité

L’avocat du PRÉFET DE LA SEINE SAINT DENIS,

Reçu le 02 juillet 2019:

- copie intégrale de la présente ordonnance

- avis de transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité

L’avocat de la personne retenue,

Copie intégrale de la présente ordonnance et l’avis de transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité, ont été transmis par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 02 juillet 2019, au PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE BOBIGNY.