Conseil d'Etat

Décision du 15 mai 2019 n° 428206

15/05/2019

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

MM

 

 

 

N° 428206

 

__________

 

SOCIÉTÉ AUTOLILLE

__________

 

M. Pierre Boussaroque

Rapporteur

__________

 

M. Charles Touboul

Rapporteur public

__________

 

Séance du 10 mai 2019

Lecture du 15 mai 2019

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)

 

 

Sur le rapport de la 1ère chambre

de la Section du contentieux

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 4 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Autolille demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 janvier 2019 par laquelle le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale a refusé d’abroger le point 6.3 de sa lettre circulaire n° 2013-0000019 du 28 mars 2013, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale.

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 133-4-5 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

 

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

 

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ;

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

2. Sur le fondement de ces dispositions, la société Autolille, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 janvier 2019 par laquelle le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale a refusé d’abroger le point 6.3 de sa lettre circulaire du 28 mars 2013, a soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale. Si la ministre des solidarités et de la santé et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale soutiennent qu’il n’y a pas lieu pour le Conseil d’Etat de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée, au motif que le recours pour excès de pouvoir de la société Autolille serait irrecevable, le Conseil d’Etat n’est pas tenu de se prononcer sur la recevabilité de ce recours avant de statuer, dans le délai de trois mois qui lui est imparti, sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité.

 

3. L’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont la lettre circulaire critiquée prescrit l’interprétation à adopter, et applicable, sous réserve d’une modification de coordination, à la date de la décision de refus d’abrogation dont l’annulation est demandée par l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, dispose que : « Lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l’article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu'il est constaté qu'il a manqué à l'obligation mentionnée à l'article L. 8222-5 du code du travail. / L'annulation s'applique pour chacun des mois au cours desquels les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article sont vérifiées. Elle est calculée selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article L. 133-4-2, sans que son montant global puisse excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. / Les modalités d'application du présent article, en particulier la manière dont est assuré le respect du principe du contradictoire, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

 

4. L’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, est applicable au litige dont le Conseil d’Etat est saisi, au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. Ses dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de proportionnalité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux.

 

5. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

 

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Autolille jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Autolille, à la ministre des solidarités et de la santé et à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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