Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 9 avril 2019, N° Dossier : 2019/01461

09/04/2019

Renvoi

COUR D’APPEL DE PARIS

34 quai des Orfèvres

75055 PARIS Cedex 01

N° Dossier : 2019/01461

N°BO : P17065000389

Chambre 3 - Pôle 7

ARRÊT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

(n° 3 ,3 pages)

Le 09 avril 2019,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme JAILLON-BRU, Président

Me PUIG-COURAGE, Conseiller

Mme LAPLACE-TERZIEV, Conseiller

tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de procédure pénale.

GREFFIER : aux débats et au prononcé de l'arrêt : Mme FILLERON

MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par M. FONS, Avocat Général

Au prononcé de l’arrêt : Mme JAILLON-BRU, Président, a donné lecture de l’arrêt conformément aux dispositions de l’article 199 alinéa 5 du Code de procédure pénale, en présence du Ministère public.

PROCÉDURE

Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée le 14 mars 2019 par représenté par Me MAUMONT, avocat de la partie civile.

La date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience a été notifiée le 25 mars 2019 à chacune des parties ainsi qu'à leur avocat.

Le ministère public en ses observations écrites du 28 mars 2019 s’oppose à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au motif que celle-ci est dépourvue du caractère sérieux.

DÉBATS

À l'audience, en chambre du conseil, le 04 avril 2019, ont été entendus :

Mme LAPLACE-TERZIEV, Conseiller, en son rapport ;

M. FONS, avocat général, en ses réquisitions ;

Me MAUMONT, avocat des parties civiles, a eu la parole en dernier.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 09 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

[M N] épouse [G], son épouse, et [K L] épouse [G] et [O G], ses parents, (les consorts [G]) en leur qualité d'ayant droits de L'Adjudant[F G] déposaient une plainte à l'encontre du Lieutenant [I J] et de l'Adjudant[C-O E] du chef de « harcèlement moral », compte tenu des circonstances du suicide à ([LOCALITE 1]) de leur fils et époux, l’adjudant [F G], qu’ils imputaient à la commission de cette infraction par les deux mis en cause, chargés de l’encadrement de militaires en opération extérieures au [LOCALITE 2].

Le 4 août 2016, le procureur de la République de Paris notifiait aux parties civiles sa décision de classement sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » l'enquête n’ayant pu caractériser une situation de harcèlement moral de l’adjudant [F G], même s’il était établi que le commandement intermédiaire s’était avéré dysfonctionnel, ce que chacun des militaires concernés avaient ressenli de manière différente.

Le 16 février 2017, les ayant droits de l'Adjudant [F G] déposaient plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du chef de « harcèlement moral» à l'encontre du Lieutenant [I J] et de l'Adjudant [C-O E].

Sur demande du Procureur de la République en date du 27 juillet 2017, le ministre aux années donnait un avis concluant au refus d’informer en application des dispositions de l’article 698-2 du code de procédure pénale, pris en son 2éme alinéa.

Le Procureur de la République requérait le 24 janvier 2018 que soit rendue une ordonnance de refus d'informer.

Le juge d'instruction rendait le 28 mars 2018 une ordonnance en ce sens.

[M N] épouse [G] interjetait appel de cette décision le 29 mars 2018.

À L'AUDIENCE,

Le 14 mars 2019, par un mémoire distinct et motivé, elle demandait que cet article 698-2 alinéa 2 du code de procédure pénale soit déclaré inconstitutionnel, en ce qu’en octroyant au seul Procureur de la République la possibilité de mettre en mouvement l’action publique, il créé un déséquilibre entre les parties du procès, lors même qu’une infraction de droit commun est susceplible d’être caractérisée et de donner lieu à des poursuites. Il prive donc la partie civile du droït à un recours juridictionnel effectif, droit fondamental garanti par la constitution, et ce alors même qu'aucune distinction n’est opérée par ce texte entre délits de droit commun et infractions militaires.

Monsieur Avocat général requiert que la question prioritaire de constitutionnalité ne soit pas transmise à la Cour de cassation, faute pour celle-ci de présenter un caractère sérieux, puisque le 1% alinéa du même texte a été soumis au conseil constitutionnel qui l’a déclaré conforme à la constitution et que le texte ne porte pas atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit.

CELA ETANT EXPOSE :

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu’en l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par Ja Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Considérant que, conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative à la possibilité pour les consorts [G] de déposer plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Doyen des Juges d'instruction, afin de mettre en mouvement l’action publique après s'être vu notifier un classement sans suite par le Procureur de Ja République,

- et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel.

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, CN CE QUE

l'application de ce texte interdit elairement une telle plainte avec constitution de partie civile de l’infraction dénoncée contre l'analyse du Procureur de la République.

11 y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

Les dispositions de l’article 698-2 pris en son second alinéa portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et en particulier les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1989 et les principes d’égalité devant la Loi et du droït à un recours juridictionnel effectif ?

Sur les autres demandes :

Conformément à l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que, dans le cas d’espèce, le sursis à statuer ne risque pas d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie ;

Considérant qu’1l convient donc de surseoir à statuer sur les demandes au fond des parties dans l’attente de la décision à venir sur la constitutionnalité de ce texte.

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur Je Conseil constitutionnel :

Vu les articles KR. 49-21 à KR. 49-29 du Code de Procédure Pénale ;

LA COUR, statuant en chambre du conseil,

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : Les dispositions de l’article 698-2 pris en son second alinéa porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et en particulier les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1989 et les principes d’égalité devant la Loi et du droit à un recours juridictionnel effectif ?

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public et celles de l’autre partie relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sursoit à statuer sur les demandes au fond des parties ;

Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience ultérieurement, lorsque la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel auront informé la Chambre de l’instruction de leur décision :

Dit que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision;

Dit que les parties non comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception ;

LE PRÉSIDENT

LE GREFFIER