Tribunal de grande instance de Bordeaux

Jugement du 29 novembre 2018, N° minute 5301

29/11/2018

Renvoi

Cour d'Appel de Bordeaux CE D&3 PROCÉDURES

Tribunal de Grande Instance de Bordeaux

Jugement du : 29/11/2018

4 EME CHAMBRE

N° minute 5301

N° parquet 17234000218

JUGEMENT CORRECTIONNEL

AVANT DIRE DROIT- QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

À l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Bordeaux le VINGT-NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX-HUIT,

Composé de :

Président : Madame BARET Caroline, vice-président,

Assesseurs :

Madame MOUNIER Christine, juge,

Monsieur GRANGE Hervé, magistrat à titre temporaire,

Assisté(s) de Monsieur GUERS Christophe, greffier,

en présence de Madame QUERAN Nathalie, vice-procureur de la République,

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

ET

Prévenu

Raison sociale de la société: la SARL ENR GRENELLE HABITAT

Enseigne : COWORKING

N° RCS : [...]

Adresse :[adresse 1] [LOCALITE 2]

pris en la personne de son représentant légal [S B] non comparant représenté avec mandat par Maître TEANI Audrey avocat au barreau de BORDEAUX

Prévenu du chef de :

PRATIQUE COMMERCIALE TROMPEUSE PAR PERSONNE MORALE faits commis du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2017 à [LOCALITE 3]

Prévenu

Nom : [S B, C]

né le [DateNaissance 4] 1979 à [LOCALITE 5] ([LOCALITE 6])

Nationalité : française

Situation familiale : /

Situation professionnelle :/

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Demeurant : [adresse 7] [LOCALITE 8]

Situation pénale : libre

non comparant représenté avec mandat par Maître TEANI Audrey avocat au barreau de BORDEAUX non comparant représenté avec mandat,

Prévenu du chef de :

PRATIQUE COMMERCIALE TROMPEUSE faits commis du ler septembre 2016 au 31 décembre 2017 à [LOCALITE 9]

Prévenu

Nom : [S D, C]

née le [DateNaissance 10] 1986 à [LOCALITE 11] ([LOCALITE 12])

Nationalité : inconnue

Situation familiale :

Situation professionnelle :

Antécédents judiciaires : jamais condamné

Demeurant : [adresse 13]

Situation pénale : libre

non comparant représenté avec mandat par Maître TEANT Audrey avocat au barreau de BORDEAUX non comparant représenté avec mandat

Prévenue du chef de :

PRATIQUE COMMERCIALE TROMPEUSE faits commis du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2017 à [LOCALITE 14]

DEBATS

À l’appel de la cause, la présidente, après avoir informé la personne, de son droit d'être assistée par un interprète, a constaté l’absence du représentant légal de le SARL ENR GRENELLE HABITAT , [S B] et [S D] mais la présence de leurs conseil et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

Une convocation à l’audience du 29 novembre 2018 a été notifiée à la SARL ENR GRENELLE HABITAT pris en la personne de son représentant légal je 12 juin 2018 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

La SARL ENR GRENELLE HABITAT n’a pas comparu mais est régulièrement représenté par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

LA SARL GRENELLE HABITAT est prévenue

Pour avoir à [LOCALITE 15], [LOCALITE 16], [LOCALITE 17], [LOCALITE 18], [LOCALITE 19], [LOCALITE 20], [LOCALITE 21], [LOCALITE 22], [LOCALITE 23], [LOCALITE 24], et sur le territoire national, entre fe mois de septembre 2016 et le mois de décembre 2017 et depuis temps non prescrit, commis une pratique commerciale trompeuse, reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les conditions de vente, le prix, son mode de Calcul ou son caractère promotionnel, en l'espèce en utilisant divers artifices dont notamment : - reposant sur des allégations, indications, ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants: ses qualités substantielles, ses propriétés et les résultats attendus de l'utilisation du bien ou du service, les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou service en l'espèce en annonçant une économie d'énergie d'au moins 20% non vérifié - en mettant en oeuvre une pratique commerciale sans que la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre soit clairement identifiable, en l'espèce en annonçant au téléphone intervenir à la demande ou pour le compte d'EDF au préjudice notamment de Madame [FF S], Monsieur et Madame [V CC], Monsieur et Madame [F G], Madame [U V], Madame [FF GG], Monsieur et Madame [W AA], Madame [I L], Madame [M U], Madame [V Z], Monsieur et Madame [O P Q], Madame [DD EE], faits prévus par ART.L.121-2, ART.L.121-5, ART.L.121-4, ARTL.121-5, ART.L.132-1 CCONSOMMAT. ART.I121-2 C.PENAL. et réprimés par ARTL.132-2, ART.L.132-3 AL3, AL4 C.CONSOMMAT. ART.131-38, ART.131-39 29, 3°, 4° 5°, 6°, 7°, 8°, 9° C.PENAL.

Une convocation à l’audience du 29 novembre 2018 a été notifiée à [S B] le 12 juin 2018 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-I du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

[S B] n’a pas comparu mais est régulièrement représenté par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Une convocation à l’audience du 29 novembre 2018 a été notifiée à [S D] le 12 juin 2018 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

[S D] n’a pas comparu mais est régulièrement représentée par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

La-SARL ENR GRENELLE HABITAT et les Consorts.. [S D] sont poursuivis devant le Tribunal de Correctionnel de BORDEAUX du chef de pratiques commerciales trompeuses,délit prévu et réprimé par les articles L. 132-2, L. 121-2 à L. 121-5, L. 132-1, L. 132-3 et L. 132-8 du Code de la Consommation et, s'agissant de la personne morale, 131-38et131-39duCodePénal.

Il leur est plus exactement reproché d'avoir:

« à [LOCALITE 25], [LOCALITE 26], [LOCALITE 27], [LOCALITE 28], [LOCALITE 29], [LOCALITE 30], [LOCALITE 31], [LOCALITE 32], [LOCALITE 33], [LOCALITE 34], et sur le territoire national, entre le mois de septembre 2016 et le mois de décembre 2017 et depuis temps non prescrit, commis une pratique commerciale trompeuse,reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les conditions de vente, le prix, son mode de calcul ou son caractère promotionnel, en l'espèce en utilisant divers artifices dont notamment: reposant sur des allégations, indications,ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants: ses qualités substantielles, ses propriétés et les résultats attendus de l'utilisation du bien ou du service, les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou service en l'espèce en annonçant une économie d'énergie d'au moins 20% non vérifié en mettant en oeuvre une pratique commerciale sans que la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre soit clairement identifiable, en l'espèce en annonçant au téléphone intervenir à la demande ou pour le compte d'EDF au préjudice notamment de Madame [FF S], Monsieur et Madame [V CC], Monsieur et Madame [F H], Madame [U V], Madame [HH GG], Monsieur et Madame [W AA], Madame [I J K], Madame [M U], Madame [V Z], Monsieur et Madame [O P Q], Madame [DD EE],

Dans le respect des formes requises, les prévenus ont entendu élever une question prioritaire de constitutionnalité, par mémoire séparé, et avant tout débat au fond, demandant au Tribunal de céans de transmettre à la Cour de Cassation la problématique de l’inconstitutionnalité de l'application combinée des dispositions des articles L. 132-2 et L.5221 du Code de la Consommation,en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne,et en raison des mêmes faits,le cumul des poursuites et de sanctions ,administratives et pénales,en ce qu'ils portent atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant au principe de légalité des délits et des peines consacrés par les articles 5 et 7 de la DDHC

SUR QUOI, LE TRIBUNAL :

Il est contesté la constitutionnalité de l'application combinée des dispositions des articles L. 132-2etL.5221 du Code de la Consommation,en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne,et en raison des mêmes faits,le cumul des poursuites et des sanctions administratives et pénales,en ce qu'ils portent atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l article8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, mais également, au principe de légalité des délits et des peines consacrés par les articles 5 et 7 de la DDHC.

Le tribunal constate que la question soulevée est sérieuse, au vu de l’évolution des dernières jurisprudences.

Elle n'a en outre pas fait l'objet d'une décision antérieure, les juges constitutionnels n'ayant pas, à ce jour, statué sur les dispositions des articles contestés qui sont toutes deux issues de l'Ordonnance n°20 16-301 du i4mars2016.

Depuis leur entrée en vigueur et jusqu'à ce jour, les dispositions attaquées n'ont pas fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle constitue enfin le fondement des poursuites dont il est saisi .

Le tribunal considère ainsi, au visa du mémoire séparé déposé le 28 novembre 2018, par motifs adoptés, qu'il y a lieu d’ordonner le renvoi de l'affaire avant dire droit, de transmettre ladite question à la Cour de Cassation, et de surseoir à statuer pour le surplus,

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement,contradictoirement et avant dire droit in susceptible de recours à l'égard de la SARL ENR GRENELLE HABITAT , [S B, C] , [S D],

Vu la Constitution et l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen;

Vu la Constitution et les articles 5 et 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen;

Vu l'article 61-1 de la Constitution;

Vu l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958;

ORDONNE la transmission à la Cour de Cassation de la question portant sur la conformité des dispositions des articles 63-4 et 706-73 du CPP, tel que rédigée ci- après :

«L'application combinée des dispositions des articles L. 132-2 et L. 522-1du Code de la Consommation, en ce qu ‘ils autorisent, a l'encontre de la même personne, et en raison des mêmes faits, le cumul des poursuites et de sanctions, administratives et pénales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et au principe de légalité des délits et des peines consacrés par les articles 5 et 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?»

SURSOIT à statuer sur les poursuites engagées à l'encontre de LA SARL ENR GRENELLE HABITAT COWORKING, [S B] et [S D], jusqu'à la décision à intervenir, soit de la Cour de Cassation, soit du Conseil Constitutionnel.

RENVOIE l'examen de la présente affaire à l'audience du Tribunal Correctionnel de Bordeaux le jeudi 09 mai 2019 -14 heures 4eme chambre

et le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.