Tribunal de grande instance de Paris

Ordonnance du 11 octobre 2018 n° 18/55020

11/10/2018

Renvoi partiel

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

N° RG 18/55020 -

N° Portalis

352J-W-B7C-CNEOJ

N° :1

Assignation du : 22 Mai 2018

ORDONNANCE

rendue le 11 octobre 201

par Séverine MOUSSY, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Christine ROY, Greffier.

DEMANDEURS

Monsieur [A D C]

[adresse 1]

[LOCALITE 2]

représenté par Me Laurent DIXSAUT, avocat au barreau de

PARIS - #B1139

Madame [E] [G]

[adresse 3]

[LOCALITE 4]

représentée par Me Laurent DIXSAUT, avocat au barreau de

PARIS -#B1139

DEFENDERESSE

Madame Ia Maire de Paris agissant au nom et pour le compte de la VILLE DE PARIS

HOTEL DE VILLE

75004 PARIS

représentée par Maître Fabienne DELECROIX de l’ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocats au barreau de PARIS - #RO0O229

 

DÉBATS A l'audience du 26 Septembre 2018, tenue publiquement, présidée, par Séverine MOUSSY, Vice-Présidente, assistée de Christine ROY, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Vu l'assignation devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés délivrée le 22 mai 2018 à M. [A D C] et Mme [E G], par laquelle la ville de Paris demande, au visa de l'article 2 de la loi n°89-642 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, des articles L631-7, L632-1 et L651-2 modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 492-1 du code de procédure civile, aux fins de voir :

- constater l'infraction commise par M. [C] et Mme [G] en louant pour de courtes durées les lots n°[...] et [...] dépendant d'un immeuble situé [adresse 5] à [LOCALITE 6];

- condamner in solidum M. [C] et Mme [G] à une amende civile de 50.000 euros,

- ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte,

- se réserver la liquidation de l’astreinte,

- condamner in solidum M. [C] et Mme [G] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu lé mémoire transmis le 20 juin 2018 par M. [C] et Mme [G], à l'appui de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L651-4. L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation en ce qu'ils portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et aux termes duquel ils demandent la transmission à la Cour de cassation des questions suivantes :

1. « Dans la rédaction des articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l’habitation applicables au litige, le pouvoir conféré aux agents assermentés du service municipal du logement de visiter les locaux à usage d'habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement et prévoyant que l'occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter sur présentation de l'ordre de mission, que la visite s'effectue en sa présence et qu’en cas de carence de la part de l'occupant ou du gardien du local, l'agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police, les portes devant être refermées dans les mêmes conditions, ce sans qu’il soit organisé de mécanisme d'autorisation judiciaire préalable ni de recours effectif contre la décision de visite ni enfin de mécanisme de contrôle par l’autorité judiciaire des opérations ainsi menées, sont-ils conformes aux principes de protection de la liberté individuelle et d’inviolabilité du domicile tels que garantis par les articles 66 de la Constitution ainsi que 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

2. « Dans la rédaction des articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation applicables aux faits de l’espèce, le pouvoir général d'audition dévolu aux agents assermentés du service municipal du logement sans qu’il soit notifié aux intéressés leur droit au silence ni leur droit à être assisté d’un conseil est-il conforme aux règles constitutionnelles gouvernant le droit de ne pas s’incriminer soi-même, notamment les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 ? »

3. « Dans la rédaction des articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation applicables aux faits de l’espèce, l’obligation à peine d’amende pour le justiciable de soumettre à l’autorité municipale des documents potentiellement compromettants, ce alors que ces agents se trouvent investis d’un pouvoir général d'audition et de perquisition et que les textes susvisés ne prévoient pas la notification aux intéressés de leur droit à ne pas S’auto-incriminer ni à celui d’être assisté d’un conseil, est- elle conforme avec les règles constitutionnelles gouvernant le droit de ne pas s’incriminer soi-même prévu notamment par les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 ? Plus généralement, le fait que l’article L 651-7 susvisé n’exige pas que l’accusé soit informé de son droit à un défenseur constitue-t-il en lui-même une violation de la «garantie des droits » assurée par les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 ? »

4. « Dans la rédaction des articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation applicables aux faits de l'espèce, l’absence d’une disposition imposant l'information donnée aux intéressés de ce qu'ils possèdent un droit d'accès au dossier de l'enquête les concernant où encore de solliciter un complément d’enquête est-elle contraire aux exigences constitutionnelles des articles 9 et 16 la Déclaration de 1789 ? »

5. « Dans la rédaction des articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation applicables aux faits de l'espèce, l’absence d'une disposition imposant l'information donnée aux intéressés des griefs susceptibles d’être retenus à leur encontre est-elle contraire aux exigences constitutionnelles des articles 9 et 16 la Déclaration de 1789 ? »

Vu la communication pour avis au procureur de la République le 21 juin 2018 et la réponse du ministère public en date du 28 juin 2018 qui n'entend pas conclure sur la question prioritaire de constitutionnalité:

Vu le renvoi à l'audience du 26 septembre 2018:

Vu le mémoire transmis le 20 juin 2018 et développé oralement à l'audience du 26 septembre 2018 par M. [C] et Mme [G], mémoire auquel il sera renvoyé pour un exposé exhaustif des moyens qui y sont exposés;

Vu le mémoire en réponse déposé et développé oralement à l'audience du 26 septembre 2018 aux termes duquel la ville de Paris dit n’y avoir lieu à transmission des questions prioritaires de constitutionnalité et fait valoir, en concluant à l'absence de caractère sérieux des questions, que :

- les trois articles dont la constitutionnalité est mise en doute par M. [C] et Mme [G] définissent les conditions d'intervention des agents assermentés du service municipal du logement habilités à procéder à des visites de contrôle des locaux à usage d'habitation dans leur ressort;

- M. [C] et Mme [G] demandent le respect des règles de procédure pénale destinées à garantir les libertés fondamentales d'un accusé en matière de détention et d'opérations de police judiciaire, douanières ou fiscales;

- une telle transposition n'est pas recevable aux motifs que :

* le Conseil constitutionnel juge de manière constante que le législateur peut apporter des restrictions à l'exercice d'un droit ou d'une liberté dès lors que ces restrictions sont justifiées par un motif d'intérêt général et à condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi;

* la Cour de cassation a considéré que le dispositif général de lutte contre la pénurie de logements constitue un motif d'intérêt général;

* les dispositions critiquées s'inscrivent dans ce dispositif et il n'est pas démontré une disproportion au regard de l'objectif poursuivi;

* l'agent assermenté ne dispose pas du pouvoir d'effectuer des perquisitions ou des visites domiciliaires imposant une autorisation judiciaire; il est autorisé à visiter les locaux à usage d'habitation en justifiant d'un ordre de mission, en respectant des horaires et en présence du gardien ou de l'occupant; il dresse un simple constat dont le juge civil apprécie la valeur probante;

* l'amende encourue est une sanction ayant le caractère d'une punition de sorte que le grief tiré d'une atteinte à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile est inopérant;

- en l'espèce, les consorts [C]/[G] ont été informés des faits susceptibles de leur être reprochés par une lettre recommandée du 13 novembre 2017 dans laquelle leur était rappelée la réglementation applicable au changement d'usage en visant les textes applicables et dans laquelle ils étaient invités à convenir d'un rendez-vous de visite; le courrier invitait les consorts [C]/[G] à remettre des documents dont la liste était annexée et les informait de la remise d'un questionnaire; le courrier reproduisait in extenso les articles relatifs aux pouvoirs de l'agent assermenté et les informait que l'infraction éventuelle relevait de l'appréciation du juge civil;

les consorts [C]/[G] ont été informés des griefs susceptibles de leur être reprochés, des conditions d'intervention de l'agent assermenté et ont disposé de temps pour organiser leur défense, étant observé qu'ils n'ont pas communiqué les documents demandés;

Vu l'article L461-2 du code de l'organisation judiciaire et l’article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel;

Vu les articles L631-7 et L651-2 du code de la construction et de l'habitation;

Vu les articles 126-1 et suivants du code de procédure civile;

SUR CE,

En application des articles 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique, la juridiction devant laquelle est soulevé un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte attente aux droits et libertés garantis par la Constitution, statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.

Il n'est procédé à cette transmission, que si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites;

- Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances;

- la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Sur la recevabilité des moyens tirés de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

Les moyens tirés de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ont été présentés le 20 juin 2018 dans un écrit distinct des conclusions des consorts [C]/[G] et motivé. Ils sont donc recevables.

Sur l'applicabilité des articles L651-4, L65 1-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation au présent litige

L'article L651-6 du code de la construction et de l'habitation dispose :

Les agents assermentés du service municipal du logement sont nommés par le maire. Ils prêtent serment devant le juge du tribunal d'instance de leur résidence et sont astreints aux règles concernant le secret professionnel.

Leur nombre est fixé à 1 par 30 000 habitants ou fraction de ce chiffre. Ce nombre peut être augmenté par décision ministérielle.

Ils sont habilités à visiter les locaux à usage d'habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement.

Ils doivent être munis d'un ordre de mission personnel ainsi que d'une carte d'identité revêtue de leur photographie.

La visite des locaux ne peut avoir lieu que de huit heures à dix- neuf heures ; l'occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter sur présentation de l'ordre de mission ; la visite s'effectue en sa présence.

En cas de carence de la part de l'occupant ou du gardien du local, l'agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions.

L'article L651-7 du code de la construction et de l'habitation dispose :

Les agents assermentés du service municipal du logement constatent les conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu'ils visitent. Ils sont habilités à recevoir toute déclaration et à se faire présenter par les propriétaires, locataires ou autres occupants des lieux toute pièce ou document établissant ces conditions, Sans pouvoir opposer le secret professionnel, les administrations publiques compétentes et leurs agents sont tenus de communiquer aux agents du service municipal du logement tous renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission de recherche et de contrôle.

Quiconque fait volontairement obstacle, en violation des prescriptions ci-dessus, à la mission des agents du service municipal du logement, est passible de l'amende civile prévue à l'article L651-4.

L'article L651-4 du code de la construction et de l'habitation dispose :

Quiconque ne produit pas, dans les délais fixés, les déclarations prescrites par le présent livre et par les dispositions prises pour son application est passible d'une amende de 2 250 euros.

Le ministère public poursuit d'office l'application de cette amende devant le président du tribunal de grande instance du lieu de l'immeuble, statuant en référé,

En l'espèce, 1l est constant et non discuté que ces trois articles sont applicables au litige puisqu'ils concernent les pouvoirs de l'agent assermenté dans le cadre de sa mission de recherche et de contrôle.

Sur l'existence d'une déclaration de conformité à la Constitution

Les parties s'accordent pour dire que le Conseil constitutionnel ne s'est pas encore prononcé sur la constitutionnalité de ces trois articles.

En effet, le Conseil constitutionnel s'est uniquement prononcé sur l'article 16 de la loi du 24 mars 2014 comprenant l'alinéa 6 de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation, qu'il a déclaré conforme à la Constitution.

Sur le caractère sérieux de la première question

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [C]/[G] au début de leur mémoire, les questions de constitutionnalité ne sont pas formulées en l'espèce devant une juridiction pénale mais devant une juridiction civile prononçant, le cas échéant, une amende civile.

Les consorts [C]/[G] considèrent que, dès lors qu'une sanction pécuniaire peut être prononcée à leur égard, les règles et garanties en matière de procédure pénale, fiscale ou douanière relatives aux perquisitions et visites domiciliaires doivent leur être appliquées.

La procédure diligentée par le maire pour sanctionner des faits de location entrant dans la définition donnée par le dernier alinéa de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas de nature pénale. Elle conduit, en cas d'infraction avérée, au prononcé d'une sanction par le juge civil,

La visite à laquelle l'agent assermenté a le pouvoir de procéder dans un local à usage d'habitation ne heurte pas la liberté individuelle et l'inviolabilité du domicile dès lors que l'occupant ou le gardien des locaux a donné son accord et que la visite s'effectue en sa présence. En revanche, en présence d'une carence de l'occupant ou du gardien des locaux, il est prévu que l'agent assermenté peut passer outre et visiter le local en en faisant ouvrir les portes en présence du maire ou d'un commissaire de police. Le terme « visite » renvoie à l'entrée dans des lieux qui, par hypothèse, sont des locaux à usage d'habitation pour faire des constatations. Quand bien même, la visite ne s'apparente pas à une perquisition et n'est pas menée dans un cadre pénal, elle implique l'entrée dans un lieu privé, protégé par le principe d'inviolabilité du domicile, Or, en présence d'une carence - que celle-ci procède d'un refus ou d'une indifférence - il est prévu la possibilité de passer outre et de faire ouvrir les portes et visiter les lieux, en dehors de toute autorisation judiciaire préalable.

À titre de comparaison, un huissier de justice ne peut légalement procéder à des constatations dans un lieu privé qu'en vertu d'une autorisation judiciaire préalable, Il est vrai que, dans ce cas, un objectif d'intérêt général n'est pas nécessairement poursuivi.

A titre encore de comparaison, l'article L461-1 du code de l'urbanisme ne prévoit pas de mesure coercitive autre qu'une sanction pénale pour avoir fait obstacle à l'exercice du droit de visite (article L480-2 du code de l'urbanisme déclaré conforme à la Constitution).

Il importe peu qu'en pratique, les agents assermentés semblent ne pas avoir recours à l'ouverture des portes pour visiter les lieux en cas de carence, dès lors que ce pouvoir est reconnu par le texte et que la seule lecture de ce texte par l'occupant ou le gardien des locaux permet à celui-ci de se convaincre que, s'il refuse la visite, les portes pourront néanmoins être ouvertes et qu'il n'encourt pas seulement l'amende civile prévue à l'article L651-4 du code de la construction et de l'habitation.

Actuellement, en cas d'usage de ce pouvoir par l'agent assermenté, seul un contrôle a posteriori par le juge civil, à condition que celui- ci soit saisi par le maire, est envisageable.

Par conséquent, en ce que l'article L651-6 du code de la construction et de l'habitation autorise une mesure coercitive de nature à porter atteinte à l'inviolabilité du domicile ou à la liberté individuelle de l'occupant ou du gardien des lieux sans autorisation préalable ou contrôle a posteriori systématique du juge judiciaire, la question posée présente un caractère sérieux.

En conséquence, la question posée sera transmise.

Sur le caractère sérieux de la deuxième question

Les consorts [C]/[G] considèrent que les agents assermentés ont un pouvoir général d'audition sans notification aux intéressés de leur droit au silence ni de leur droit à être assisté d'un conseil et que les conditions d'exercice de ce pouvoir ne sont pas conformes aux règles constitutionnelles gouvernant le droit ne pas s'incriminer soi-même, notamment aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [C]/[G], les agents assermentés ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition. Le texte précise seulement qu'ils peuvent recevoir toute déclaration.

Comme il a déjà été rappelé, la procédure n'est pas de nature pénale de sorte qu'il ne peut être reproché aux textes de ne pas prévoir la notification d'un droit au silence et d'un droit à être assisté d'un conseil.

Partant, la question ne présente pas un caractère sérieux et ne sera pas transmise.

Sur le caractère sérieux de la troisième question

Les consorts [C]/[G] considèrent que le pouvoir général d'audition et de perquisition des agents assermentés combiné à l'obligation de leur remettre, sous peine d'amende, des documents potentiellement compromettants, alors que les textes ne prévoient pas la notification aux intéressés de leur droit de ne pas s'incriminer soi-même ni de celui d'être assisté d'un conseil, ne sont pas conformes aux règles constitutionnelles gouvernant le droit de ne pas s'incriminer soi-même prévu notamment par les articles 9 et 16 de la Déclaration des droit de l'homme et du citoyen de 1789.

Ils considèrent plus généralement que le fait que l'article L651-7 du code de la construction et de l'habitation n'exige pas que l'accusé soit informé de son droit à un défenseur constitue une violation de la garantie des droits assurés par les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [C]/[G], les agents assermentés ne sont investis ni d'un pouvoir général d'audition ni d'un pouvoir général de perquisition.

Encore une fois, là procédure n'est pas de nature pénale de sorte qu'il ne peut être reproché aux textes de ne pas prévoir la notification d'un droit à ne pas s'incriminer soi-même et d'un droit à être assisté par un conseil, y compris à l'occasion de la demande de remise de documents.

Le texte précise que l'agent assermenté ne peut demander que des pièces ou documents établissant les conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu'ils visitent, Le droit de communication est donc limité et peut, à ce titre, être sanctionné par une amende civile, au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, sans heurter de règles constitutionnelles.

Partant, la question ne présente pas un caractère sérieux et ne sera pas transmise.

Sur le caractère sérieux de la quatrième question

Les consorts [C]/[G] considèrent que l'absence de disposition dans les articles L651-4, L651-6 et L651-7 du codé de la construction et de l'habitation imposant d'informer les intéressés de leur droit d'accès au dossier de l'enquête les concernant ou encore de solliciter un complément d'enquête est contraire aux exigences constitutionnelles des articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La procédure diligentée ayant un caractère civil, la notification d'un droit d'accès au dossier ou à demander un complément d'enquête ne peut être exigée comme en matière pénale.

En cas d'assignation devant le président du tribunal de grande instance, le caractère contradictoire de la procédure garantit aux intéressés que toute pièce dont le maire entend se prévaloir, à commencer par le constat d'infraction, sera produite et portée à leur connaissance de sorte qu'ils puissent en discuter l'exactitude et la valeur probante.

Corollairement, les intéressés peuvent produire toute pièce de nature à infirmer les éléments produits par le maire, Enfin, le juge civil apprécie les éléments qui lui sont soumis et les conditions dans lesquelles ces éléments ont pu être recueillis,

Il n'est donc pas démontré que les règles et garanties procédurales attachées au procès civil ne sont pas respectées.

Partant, la question ne présente pas un caractère sérieux et ne sera pas transmise.

Sur le caractère sérieux de la cinquième question

Les consorts [C]/[G] considèrent que l'absence de disposition dans les articles L651-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation imposant d'informer les intéressés des griefs susceptibles d'être retenus à leur encontre est contraire aux exigences constitutionnelles des articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Si aucune disposition ne prévoit une notification des griefs reprochés avant la délivrance de l'assignation, l'information est néanmoins donnée concrètement lorsque l'agent assermenté tente d'entrer en contact avec les intéressés en vue d'organiser une visite. En tout état de cause, les griefs sont formulés et donc portés à la connaissance des intéressés dans l'assignation de sorte qu'il n'est donc pas démontré que les règles et garanties procédurales attachées au procès civil ne sont pas respectées.

Partant, la question ne présente pas un caractère sérieux et ne sera pas transmise.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire, susceptible du seul recours prévu par l’article 126-7 du code de procédure civile ;

ORDONNONS la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité suivante à la Cour de cassation :

« Dans la rédaction des articles L65 1-4, L651-6 et L651-7 du code de la construction et de l'habitation applicables au litige, le pouvoir conféré aux agents assermentés du service municipal du logement de visiter les locaux à usage d'habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement et prévoyant que l'occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter sur présentation de l'ordre de mission, que la visite s'effectue en sa présence et qu'en cas de carence de la part de l'occupant ou du gardien du local, l'agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police, les portes devant être refermées dans les mêmes conditions, ce sans qu’il soit organisé de mécanisme d’autorisation judiciaire préalable ni de recours effectif contre la décision de visite ni enfin de mécanisme de contrôle par l’autorité judiciaire des opérations ainsi menées, sont-ils conformes aux principes de protection de la liberté individuelle et d’inviolabilité du domicile tels que garantis par les articles 66 de la Constitution ainsi que 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »:

DISONS que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité:

DISONS que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision:

ORDONNONS le sursis à statuer sur les demandes des parties;

DISONS que l'affaire sera rappelée à l'audience du 22 mai 2019 à 13h30 si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l'audience du 30 janvier 2019 à 13h30 dans le cas contraire:

REJETONS la demande de transmission à la Cour de cassation des autres questions prioritaires de constitutionnalité (en l'espèce, celles numérotées 2 à 5):

RESERVONS les dépens.

Fait à Paris le 11 octobre 2018

Le Greffier,

Christine ROY