Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 5 juillet 2018 N° 1704654

05/07/2018

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

 

 

 

N° 1704654

___________

 

FONDATION ILDYS

___________

 

Ordonnance du 5 juillet 2018

___________

 

QPC

 

 

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2017, la fondation ILDYS, représentée par

Me Badin, demande au tribunal :

 

1°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe d’habitation auxquelles elle a été assujettie au titre de 2015 et 2016 dans les rôles de la commune de Roscoff à raison d’un établissement sis sur la presqu’île de Perharidy, à défaut, d’en prononcer la décharge partielle ;

 

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elle soutient que :

- exerçant des missions de service public dans les secteurs sanitaire, social et médico-social et étant un organisme sans but lucratif, elle entre matériellement dans la catégorie des établissements publics d’assistance pouvant en vertu du paragraphe II de l’article 1408 du code général des impôts bénéficier de l’exonération de la taxe d’habitation ;

- l’administration admettant qu’elle exerce des missions d’intérêt général, un abattement d’au moins 30 % de la surface pondérée totale peut lui être appliqué ;

- en utilisant les déclarations n° 6660-REV et modèle CBD pour fonder les impositions, l’administration a fait une application anticipée et irrégulière de l’article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 relative à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels dont l’entrée en vigueur a été finalement reportée au 1er janvier 2017 par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, et, par suite, a méconnu le principe de confiance et le respect de la hiérarchie des normes en ce qu’elle n’a pas loyalement utilisé les déclarations précitées de l’association et a empiété sur les compétences du législateur.

 

 

 

 

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

 

Il soutient qu’aucun moyen de la requête n’est fondé.

 

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 8 mars 2018, la fondation ILDYS demande

la transmission au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article 23-2 de l’ordonnance du

7 novembre 1958, d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et celui d’égalité devant les charges publiques, posés respectivement aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, du 1° du II de l’article 1408 du code général des impôts, en ce qu’il limite l’application de l’exonération de la taxe d’habitation aux seuls établissements publics d’assistance à l’exclusion des établissements privés d’assistance sans but lucratif, et en ce que cette différence de traitement n’est plus justifiée par un intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi, eu égard aux caractéristiques et missions communes des deux catégories d’établissements d’assistance et à leur assujettissement aux mêmes contraintes.

 

Elle soutient que :

- le 1° du II de l’article 1408 du code général des impôts est applicable au litige ;

- ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux, car posant celle de la rupture du principe d’égalité devant la loi et les charges publiques apparue entre les établissements publics d’assistance et les établissements privés d’assistance non lucratifs.

 

 

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2018, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la fondation ILDYS.

 

Il soutient que la question est dépourvue de caractère sérieux.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1°;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

 

 

1. Aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

 

 

 

 

2. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article ».

 

3. L’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue

le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution

dans les motifs et dispositifs d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux (…) ». Et l’article

R. 771-3 du code de justice administrative dispose que : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l’enveloppe qui le contient, portent la mention : ‘question prioritaire de constitutionnalité’ ».

 

4. Par la requête susvisée enregistrée le 16 octobre 2017, la fondation ILDYS, ayant pour activité la gestion d’activités sanitaires, médico-sociales et sociales, demande, à titre principal, la décharge des cotisations de taxe d’habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison de son établissement sis sur la presqu’île de Perharidy (Finistère). A l’appui de ses conclusions, l’association invoque, par un mémoire distinct enregistré le 15 mars 2018 au greffe du tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance par les dispositions du 1° du II de l’article 1408 du code général des impôts des principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Elle soutient que la différence organique opérée entre les établissements publics d’assistance qui bénéficient de l’exonération de la taxe d’habitation et les établissements privés d’assistance non lucratifs n’est plus justifiée par l’objet de la loi.

 

5. Les dispositions du II de l’article 1408 du code général des impôts aux termes desquelles sont exonérées de la taxe d'habitation « 1° Les établissements publics scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les établissements visés aux articles 12 et 13 de la loi

n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale » sont celles dont l’application est refusée à la fondation requérant et sont donc applicables au litige. Elles n’ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution par le

Conseil constitutionnel, et la question posée par le moyen invoqué n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

6. En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la fondation ILDYS portant les dispositions du 1° du II de l’article 1408 du code général des impôts.

 

 

ORDONNE :

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité posée par la fondation ILDYS relative à la méconnaissance par les dispositions du 1° du II de l’article 1408 du code général des impôts du principe d’égalité devant la loi et du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer à statuer sur la requête de la fondation ILDYS jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, à la fondation ILDYS et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine.

 

 

Fait à Rennes, le 5 juillet 2018.

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

Signé

 

 

D. Raymond

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1704654