Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 17 avril 2018 N° 1703361

17/04/2018

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

 

 

N° 1703361

_________

 

SARL SEMCAR

___________

 

Ordonnance du 17 avril 2018

___________

 

QPC

 

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 2ème chambre,

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017 et une requête rectificative enregistrée le 26 juillet 2017 sous le n° 1703361, la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage (SEMCAR), représentée par Me Moulière, demande au tribunal :

 

1°) de prononcer le dégrèvement des droits de cotisation foncière des entreprises qu’elle a dû acquitter au titre de 2016 à hauteur de 29 148 euros ;

 

2°) de prononcer le dégrèvement de la majoration de 5 % appliquée d’un montant

de 3 380 euros ;

 

3°) de condamner de la direction générale des finances publiques aux dépens et au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

Elle soutient que :

 

- il existe une atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et les charges publiques en ce qui concerne les biens exonérés de cotisation foncière des entreprises ;

- les installations portuaires de carénage qu’elle utilise sont soumises à des règles spécifiques et elles devraient être exonérées en vertu de l’article 1449 2° du code général

des impôts, dans le champ duquel elles entrent parfaitement, et qui exonère également les installations portuaires gérées par les sociétés d’économie mixte ; elle en a financé une partie ; elle est liée avec le département par des conventions spécifiques ayant pour objet la réalisation de mission de service public ; la limitation de l’exonération aux seules SEM constitue une rupture de l’égalité devant la loi et les charges publiques ;

- un abattement de spécificité de 80 % devrait être appliqué à ses équipements en considération de leur affectation à une activité de service public soumise à des sujétions spécifiques ; elle n’est pas la seule bénéficiaire des installations portuaires ; le taux de 50 % retenu est insuffisant ;

- un taux d’intérêt différent devrait lui être appliqué en raison des sujétions particulières auxquelles les équipements sont soumis ;

- elle revendique un plafonnement en fonction de la valeur ajoutée et une majoration de 5 % sur acompte.

 

 

 

Par un mémoire, enregistré le 3 janvier 2018, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

 

Il soutient qu’aucun moyen de la requête n’est fondé.

 

 

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2018, la Société d’exploitation des moyens de carénage demande au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la méconnaissance par le 2° de l’article 1449 du code général des impôts, issu de l’article 2 V de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, des droits et libertés garantis par la Constitution notamment du principe d’égalité devant la loi qui découle de l’article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que du principe d’égalité devant les charges publiques qui découle de l’article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

 

Elle conteste la limitation de l’exonération prévue par les dispositions de l’article 1449-2° du code général des impôts aux seules sociétés d’économie mixte ; ces dispositions issues de la loi 2009-1673 du 30 décembre 2009 n’ont pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité qui créent une différence de traitement entre les sociétés d’économie mixte et les sociétés qui ne le sont pas, sans motivation d’intérêt général.

 

 

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2018, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d’Ille-et-Vilaine conclut ce qu’il n’y a pas

lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour la SARL

Société d’exploitation des moyens de carénage.

 

Il soutient que la question est dépourvue des caractères de nouveauté ou de sérieux au sens de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1°;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

 

 

 

1. Aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

 

 

 

2. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ».

 

 

3. L’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (…) » et l’article

R. 771-3 du code de justice administrative dispose que : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas

échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ” ».

 

 

4. Par la requête susvisée enregistrée le 25 juillet 2017, la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage demande, à titre principal, la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises qu’elle a dû acquitter au titre de 2016 à hauteur de

29 148 euros. A l’appui de ses conclusions, la société requérante invoque, par un mémoire distinct enregistré le 5 mars 2018 au greffe du tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance par les dispositions du 2° de l’article 1449 du code général des impôts des principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle soutient qu’il n’est pas justifié par l’objet de la loi que les sociétés d’économie mixtes bénéficient de l’exonération qui y est prévue et pas les sociétés privées sans capitaux publics.

 

 

5. Les dispositions du 2° de l’article 1449 du code général des impôts sont applicables au litige. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et la question posée par le moyen invoqué n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

 

6. En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage portant sur les dispositions du 2° de l’article 1449 du code général des impôts.

 

 

 

 

O R D O N N E :

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage relative à la méconnaissance par les dispositions

du 2° de l’article 1449 du code général des impôts du principe constitutionnel d’égalité

des citoyens devant la loi et du principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant les charges publiques est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, à la SARL Société d’exploitation des moyens de carénage et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine.

 

 

Fait à Rennes, le 17 avril 2018.

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

Signé

 

 

D. Raymond

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4

N° 1703361