Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 28 février 2018 N° 1702476

28/02/2018

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

 

 

N° 1702476

___________

 

PRÉFET DU FINISTÈRE

___________

 

Ordonnance du 28 février 2018

___________

 

QPC

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le président de la 4ème chambre,

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un déféré, enregistré le 30 mai 2017, le préfet du Finistère demande au tribunal de prononcer l’annulation de la délibération du 12 décembre 2016 du conseil municipal de Ploudiry relative à la mise en place du nouveau régime indemnitaire des cadres d’emploi de la collectivité ainsi que de la décision non datée prise par le maire de la commune de Ploudiry rejetant son recours administratif dirigé contre cette délibération.

 

Il soutient que les dispositions de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ont été violées.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, la commune de Ploudiry conclut, à titre principal, au rejet du déféré préfectoral, et, à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la délibération, au prononcé de celle-ci avec effet différé de six mois après la date du jugement pour des considérations d’intérêt général.

 

Elle soutient que :

- l’interprétation du préfet du Finistère de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 porte une atteinte excessive à la libre administration des collectivités territoriales ;

- l’effet rétroactif de l’annulation de la délibération de la commune serait disproportionné au regard des conséquences excessives qu’elle engendrerait sur les intérêts publics ou privés en présence et il conviendrait de moduler les effets de l’annulation de cette dernière.

 

Par un mémoire, enregistré le 20 février 2018, la commune de Ploudiry demande au tribunal de :

 

1°) prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, pour méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution ;

 

2°) transmettre au Conseil d'Etat sans délai la QPC soulevée afin que celui-ci procède à l’examen qui lui incombe en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel pour qu’il censure les dispositions de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

 

Elle soutient que :

- les conditions pour qu’une QPC soit posée sont réunies ;

- les dispositions de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, imposant à l'organe délibérant de la collectivité territoriale de maintenir un régime indemnitaire pour les fonctionnaires territoriaux tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) composé de deux parts, lorsque les services de l'Etat servant de référence à la détermination du RIFSEEP bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, sont contraires au principe de libre administration des collectivités territoriale, garanti par l’article 72 de la Constitution.

 

Par un premier mémoire en intervention, enregistré le 23 février 2018, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Finistère demande que son intervention soit déclarée recevable et s’associe aux conclusions à titre principal de la commune de Ploudiry tendant au rejet du déféré préfectoral.

 

Il se réfère aux moyens exposés dans le mémoire de la commune de Ploudiry.

 

Par un second mémoire en intervention, enregistré le 23 février 2018, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Finistère vient au soutien du mémoire susvisé de la commune de Ploudiry posant une QPC en application des articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

 

Il se réfère aux moyens exposés dans le mémoire de la commune de Ploudiry.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. L’article R. 771-7 du code de justice administrative dispose que : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

2. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ». L’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (…) ». Aux termes de l’article R. 771-3 du code de justice administrative : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : "question prioritaire de constitutionnalité" ».

 

3. La commune de Ploudiry doit être regardée comme demandant à instaurer un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) qui n’est constitué que d’une seule part. Elle considère que l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifié par l’article 84 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, en imposant, lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, de maintenir un RIFSEEP composé de deux parts est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution.

 

4. Ces dispositions sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Les moyens mentionnés au point 3 soulèvent une question qui ne paraît pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

 

D E C I D E :

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans ses dispositions issues de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 est transmise au Conseil d'Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le déféré préfectoral du préfet du Finistère jusqu’à ce qu’il ait été statué par le Conseil d’Etat ou, s’il est saisi, par le Conseil constitutionnel, sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, au préfet du Finistère, à la commune de Ploudiry et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Finistère.

 

 

 

Fait à Rennes, le 28 février 2018.

 

 

 

Le président de la 4ème chambre,

 

 

signé

 

 

A. SUDRON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4

N° 1702476