Conseil de Prud'hommes de Bordeaux

Jugement du 1er février 2018 n° 18/00129

01/02/2018

Renvoi partiel

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BORDEAUX

Place de la République 33077 BORDEAUX CEDEX

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RGN°F18/00129

Nature : 80A

MINUTE N° : 18/78

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SECTION COMMERCE

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AFFAIRE

[A B G D E]

contre

SA TEL AND COM

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JUGEMENT DU 01 Février 2018

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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JUGEMENT

du 01 Février 2018

SA TEL AND COM

[adresse 1]

[LOCALITE 2]

Représentée par Me Raphaël ROULEAUX (Avocat au barreau de PARIS) plaidant pour le Cabinet HW&H (Avocats au barreau de PARIS)

DEMANDERESSE aux questions prioritaires de constitutionnalité

DÉFENDERESSE à l’action

Mademoiselle [A B G D E]

née le [DateNaissance 3] 1989

[adresse 4] - [LOCALITE 5]

[LOCALITE 6]

Assistée de Me Alain GUERIN (Avocat au barreau de BORDEAUX) plaidant pour la SELARL A.GUERIN ET J. DELAS (Avocats au barreau de BORDEAUX)

DÉFENDERESSE aux questions prioritaires de constitutionnalité

DEMANDERESSE à l’action

- Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré

Madame Christine LACROIX, Président Conseiller (E)

Monsieur Jean-Luc MONCHICOURT, Assesseur Conseiller (E)

Monsieur Jean-Luc BRUÜ, Assesseur Conseiller (S)

Madame Nadia NATUREL, Assesseur Conseiller (S)

Assistés lors des débats de Madame Loubna EL BAZTA, Greffier

PROCÉDURE

- Date de la réception de la demande : 14 Octobre 2016

- Bureau de Conciliation et d'Orientation du 25 novembre 2016

- Convocations envoyées le 08 Juin 2017

- Renvoi à la mise en état

- Date de la réception de la demande de la question prioritaire de constitutionnalité : 06 Novembre 2017

- Débats à l’audience de Jugement du 06 Novembre 2017 (convocations envoyées le 05 Septembre 2017)

- Prononcé de la décision fixé à la date du 01 Février 2018

- Décision prononcée conformément à l’article 453 du Code de procédure civile en présence de Sandrine GOMES, Greffier

Demandes de la SA TEL AND COM :

- In limine litis, demande de sursis à statuer

- Prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article L.1235-11 du Code du travail pour violation :

- du principe constitutionnel de clarté découlant de l’article 34 de la constitution du 4 octobre 1958

- de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi découlant des article 4,5,6, et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

- du principe d’égalité devant la loi découlant de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen de 1789 et de l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958

- du principe de la proportionnalité des peines et des sanctions découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

- Prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article L.1235-4 du Code du travail pour violation :

- du principe d'égalité devant la loi découlant de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et de l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958

- du principe d’égalité devant les charges publiques découlant de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

- du principe de la proportionnalité des peines et des sanctions découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen de 1789

- du principe de la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

- Constater que les questions soulevées sont applicables au litige ou à la procédure, ou constituent le fondement des poursuites dont est saisi le Conseil de prud’hommes de céans

- Constater que les questions soulevées présentent un caractère sérieux

- Transmettre à la Cour de cassation sans délai les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées afin que celle-ci procède à l’examen qui lui incombe en vue de leur transmission au Conseil constitutionnel pour qu’il relève l’inconstitutionnalité des dispositions contestées, prononce leur abrogation et fasse procéder à la publication qui en résultera

Demandes de Mademoiselle [A B G D E] :

- Ecarter la QPC n°1 et n°2 en ce qu’elles violent les article 15,16 et 132 du Code de procédure civile et le principe du contradictoire

- Subsidiairement :

- Les déclarer irrecevables en application de l’article 74 du Code de procédure civile

- À titre infiniment subsidiaire :

- Vu les articles L.1235-10 et L.1235-11 du Code du travail

- Déclarer la QPC n°1 ni sérieuse ni pertinente

- Constater l’absence de rupture du principe d’intelligibilité, d’égalité, et de proportionnalité des sanctions et des peines

- La rejeter avec toutes conséquences de droit

- Vu l’article L.1235-4 du Code du travail

- Déclarer la QPC n°2 non sérieuse ni pertinente, non nouvelle et infondée

- La rejeter avec toutes conséquences de droit

- En tout état de cause, entendre les parties sur le fond du dossier

- Fixer à 3000 € supplémentaires l’article 700 du Code de procédure civile dû à la concluante sur la QPC n°1 qui s’ajouteront à l’article 700 du Code de procédure civile réclamé sur le fond devant le Conseil de prud'hommes

- Fixer à 3000 € supplémentaires l’article 700 du Code de procédure civile dû à la concluante sur la QPC n°2 qui s’ajouteront à l’article 700 du Code de procédure civile réclamé sur le fond devant le Conseil de prud’hommes

PROCEDURE

Par requête en date du 14 octobre 2016, Madame [A B G D E] a saisi le Conseil de prud'hommes de BORDEAUX afin de :

Voir requalifier son contrat de travail en contrat de droit commun et condamner la société TEL AND COM au versement des sommes suivantes :

- 10 000 euros pour non-respect de son obligation de formation et d'accompagnement dans son contrat initial,

- 5 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1222-1 du Code du travail,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de santé et de sécurité par l'employeur.

Voir dire et juger nul le licenciement intervenu le 17 septembre 2015.

Condamner la société TEL AND COM au versement de la somme de 10 000 euros conformément aux dispositions de l'article L.1235-11 du Code du travail.

Condamner la société TEL AND COM au versement de la somme de 1 249,48 euros de préavis et 124,94 euros de congés payés afférents.

Condamner la société TEL AND COM au versement de la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejeter les pièces, conclusions et arguments adverses comme étant infondés.

Faire application concernant les intérêts de l'article 1154 du Code civil.

Ordonner l'exécution provisoire sur la totalité des chefs de condamnation en application de l'article 515 du Code de procédure civile.

Condamner la société TEL AND COM aux entiers dépens y compris les dépens d'exécution éventuels en totalité y compris les dépens devant normalement restés à la charge du créancier poursuivant.

RAPPEL DES FAITS

Madame [B G D E] a été embauchée par la société TEL AND COM par contrat de professionnalisation, CDI du 9 décembre 2013, à temps plein, en qualité d'employée de vente, niveau 1 coefficient 140, moyennant une rémunération fixée à 1 445 euros brut.

La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détails de papeterie, fournitures de bureautique et informatique (n°3252).

Au dernier état de la relation, Madame [B G D E] travaillait à temps partiel de 15 heures hebdomadaires pour un salaire brut mensuel de 624.73 euros.

Le 18 mai 2015, La DIRECCTE homologuait le document unique fixant les modalités du Plan de Sauvegarde de l'emploi.

Madame [B G H D E] se verra dispenser d'effectuer sa prestation de travail à compter du 12 août 2015. Elle se verra proposer le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle le 21 août 2015 qu'elle acceptera. Son contrat sera rompu pour motif économique et dans le cadre d'un licenciement collectif de plus de 10 salariés sur moins de 30 jours par courrier du 17 septembre 2015.

La procédure d'homologation du PSE sera annulée par le Tribunal Administratif de Lille le 14 octobre 2015.

Contestant l'absence de réaction de la société TEL AND COM. Madame [B G H D E] saisira le Conseil de prud'hommes de Bordeaux afin de faire valoir ses droits.

DEMANDES DES PARTIES

La société TEL AND COM soutient que le dossier ne peut être plaidé. Elle a deux questions prioritaires de constitutionnalité à présenter au Conseil constitutionnel et exige la présence du Procureur de la République pour l'entendre.

Après une suspension d'audience pour en délibérer, le Conseil décide d'entendre les deux questions.

La société TEL AND COM commercialisait des offres de différents opérateurs en matière de téléphonie, de mobiles et accessoires, des services d'assurances, des offres d'accès à Internet dans des commerces du même nom. Elle appartenait à une union économique et sociale (UES) TEL AND COM, rassemblant les sociétés SQUADRA, TEL AND COM et L'ENFANT D'AUJOURD'HUI.

L'arrivée sur le marché de la téléphonie mobile de l'opérateur FREE et l'émergence de nouveaux acteurs «low cost» a bouleversé le secteur d'activité et mis en difficulté l'UES TEL AND COM, dont les sociétés ont vu leurs chiffres d'affaires et leurs « business models » s'effondrer.

Les sociétés de l'UES ont finalement décidé de procéder au licenciement économique de leurs employés et mis en œuvre une procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Suite à l'échec de la négociation avec les organisations syndicales représentatives au sein de l'UES, celle-ci a élaboré un document unilatéral, lequel a été homologué par la [LOCALITE 7], le 18 mai 2015.

Attaquée devant Le Tribunal Administratif de Lille, cette décision d'homologation a été annulée par un jugement en date du 14 octobre 2015, au motif que la DIRECCTE aurait commis une erreur d'appréciation en considérant comme suffisantes les mesures de reclassement. La Cour administrative d'appel de Douai, dans un arrêt du 1 1 février 2016, a confirmé cette décision. Un pourvoi en cassation a été formé à l'encontre de cet arrêt. L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État.

Une seconde procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel a été engagée, afin d'établir un second document unilatéral concernant les salariés toujours présents dans l'effectif de la société TEL AND COM, n'exploitant plus aucun magasin.

Ce document a été homologué par la [LOCALITE 8] le 3 février 2016 et plusieurs salariés ont formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Leur requête a été rejetée par le Tribunal Administratif de Lille le 29 juin 2016, cette décision confirmée par la Cour administrative d'appel de Douai le 17 novembre 2016.

Madame [B G D E], salariée licenciée par la société TEL AND COM sur la base de l'homologation par la DIRECCTE du premier document unilatéral, avant que le Tribunal Administratif n'annule cette décision, a engagé une instance prud'homale devant la section commerce du Conseil de prud'hommes de Bordeaux. Elle fait valoir la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique en raison de l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi.

En application des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009, la société TEL AND COM soulève la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l'article L.1235-11 du Code du travail.

Plus précisément, il est demandé qu'il soit transmis à la Cour de cassation les deux questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

Première question prioritaire de constitutionnalité :

« Les dispositions de l'article L.1235-11 du Code du travail interprétées à la lumière de l'article L.1235-10 du même Code qui prévoient les sanctions applicables alors que la procédure de licenciement est nulle, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus précisément aux principes de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, d'égalité devant la loi et de proportionnalité des peines et des sanctions ? ».

Deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

« Les dispositions de l'article L.1235-4 du Code du travail, qui énoncent que dans les cas prévus notamment à l'article L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, de proportionnalité des peines et des sanctions et de la liberté d'entreprendre ? ».

La société TEL AND COM plaide ensuite le sursis à statuer dans l'attente du pourvoi en cassation qu'elle a formé à l'encontre de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 11 février 2016.

La société TEL AND COM plaide enfin la prescription des demandes de Madame [B G D E].

Madame [B G D E] plaide le caractère tardif et dilatoire de la première question prioritaire de constitutionnalité qui est présentée en dehors du cahier de procédure fixé par le Conseil. Elle demande à ce que soit écartées les questions qui violent le principe du contradictoire. Celles-ci ont été présentées tardivement et le demandeur n'a eu que deux jours ouvrables avant la plaidoirie pour y répondre.

Madame [B G D E] demande l'application de l'article 74 du Code de procédure civile qui impose que les exceptions de procédure soient, à peine d'irrecevabilité, « soulevées simultanément » et « avant toute défense au fond » quand bien même « la règle invoquée serait d'ordre publique ». Or la société TEL AND COM a déjà conclu pour l'audience du 28 février 2017 tant au sursis à statuer que sur le fond du dossier.

Madame [B G D E] soutient donc que l'exception de la question prioritaire de constitutionnalité est 1rrecevable.

Madame [B G D E] plaide à une requalification du contrat en contrat de droit commun, le contrat de professionnalisation n'ayant pas été respecté et l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur qui n'a pas respecté son obligation de santé et de sécurité.

Madame [B G J E] plaide la nullité du licenciement.

Madame [B G D E] rejette la demande de sursis à statuer qui n'est pas motivée. Elle soutient que la demande de prescription est irrecevable.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le Conseil, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus.

SUR QUOI LE CONSEIL

Le Conseil, après avoir entendu les parties, analysé les éléments contradictoirement recueillis et délibéré conformément à la loi, a prononcé le jugement suivant :

Attendu qu'il ne parait pas inutile d'indiquer aux parties que, sauf à vouloir méconnaître les dispositions des articles 5 du Code civil et L.1442-9 du Code du travail, le Conseil doit se déterminer d'après les éléments de l'espèce qui lui est soumise et non en fonction de la décision rendue par un autre juge dans un litige différent de celui qu'il doit trancher, :

Attendu que l'article 126-1 du Code de procédure civile, créé par Décret n°2010-148 du 16 février 2010 - article 3 stipule : «La transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et aux dispositions prévues par le présent chapitre »,

Attendu que l'article 23-1 créé par la loi organique n°2009-1253 du 10 décembre 2009 article 1 stipule : « Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office.

Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis. Si le moyen est soulevé au cours de l'instruction pénale, la juridiction d'instruction du second degré en est saisie.

Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d'assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation »,

Attendu que l'article 126-3 du Code de procédure civile stipule au premier alinéa « le juge qui statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est celui qui connaît l'instance au cours de laquelle cette question est soulevée, sous réserve des alinéas qui suivent»,

Attendu qu'il n'y a aucune réserve et que le Conseil de prud'hommes et dès lors compétent à entendre l'affaire,

Attendu que les deux questions prioritaires de constitutionnalité ont été communiquées sans attendre au ministère public en la personne du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux,

Attendu qu'à la première question prioritaire de constitutionnalité :

Le Procureur de la République a conclu que la question s'applique bien au litige, n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où les circonstances de droit ont changé,

Le Procureur de la République a conclu, sur le principe d'égalité devant la loi : que la question n'est pas sérieuse, sur le principe de proportionnalité des peines et des sanctions : que la question n'est pas sérieuse, sur le principe de clarté et l'objectif de valeur d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi : que la question présente un caractère sérieux,

Le Conseil prend acte des réquisitions du Procureur de la République.

Attendu qu'il appartient au juge du fond de se prononcer,

Attendu que si Madame [B G D E] soutient ne pas avoir eu le temps suffisant du contradictoire, elle n'en a pas moins conclu sans demander le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure,

Attendu que l'article 23-1 créé par la loi organique N°2009-1523 du 10 décembre 2009 prévoit que la question peut être soulevée pour la première fois en appel, ce qui autorise le dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité après le dépôt des premières écritures du demandeur,

Attendu que le Conseil s'est attaché à vérifier que les conditions de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation étaient remplies,

Attendu que le juge du fond a constaté que la disposition contestée est applicable à la procédure en cours entre Madame [B G D E] et la Société TEL AND COM,

Attendu que le juge du fond a constaté que la question n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution,

Attendu que le juge du fond a examiné le point soutenu par la société TEL AND COM à savoir que la rédaction de l'article L.1235-11 du Code du travail, texte devant être interprété à la lumière de l'article L.1235-10 du Code du travail auquel il renvoie expressément, méconnaîtrait le principe de clarté de la loi et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi,

Attendu que le juge du fond a constaté que la rédaction de la première partie du premier alinéa de l'article L.1235-11 du Code du travail ne permet pas de savoir si le législateur vise l'hypothèse de la nullité de la procédure de licenciement ou celle de la nullité du licenciement ou les deux,

Attendu que le juge du fond a constaté que la deuxième partie du premier alinéa de l'article L.1235-11 du Code du travail, qui prévoit que le juge peut « prononcer la nullité du licenciement » lorsque ce dernier est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, paraït en contradiction avec l'alinéa 1 de l'article L.1235-16 du Code du travail qui prévoit qu'en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue, le licenciement est nul de plein droit,

Le Conseil juge que le texte n'apparaît pas suffisamment clair et intelligible, que la question revêt un caractère sérieux et transmet la première question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Attendu qu'à la deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

Le Procureur de la République a conclu que la question s'applique bien au litige, n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où les circonstances de droit ont changé,

Le Procureur de la République a conclu sur le principe d'égalité devant la loi : que la question n'est pas sérieuse, sur le principe de proportionnalité des peines et des sanctions : que la question n'est pas sérieuse, sur le principe de clarté et l'objectif de valeur d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi : que la question n'est pas sérieuse,

Attendu que le Procureur de la République dit n'y avoir pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

Attendu qu'il appartient au juge du fond de se prononcer,

Attendu que le Conseil s'est attaché à vérifier que les conditions de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation étaient remplies,

Attendu que le juge du fond a constaté que la disposition contestée est applicable à la procédure en cours entre Madame [B G D E] et la Société TEL AND COM,

Attendu que le juge du fond a constaté que la question n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution,

Attendu que le juge du fond a examiné le point soutenu par la société TEL AND COM à savoir que l'article L.1235-11 du Code du travail serait contraire avec plusieurs principes à valeur constitutionnelle, et qu'il conviendrait de traiter différemment des situations différentes à savoir qu'il conviendrait de ne pas appliquer la même échelle de sanctions à un employeur qui aurait régulièrement suivi la procédure de licenciement collectif qu'à l'employeur qui s'en serait abstenu,

Attendu que l'ensemble des arguments de contestations de la société TEL AND COM ne repose sur aucun élément factuel, qu'il n'est pas démontré que le principe d'égalité devant la loi ne serait pas respecté, qu'il n'est pas démontré que le principe d'égalité devant les charges est bafoué, qu'il n'est pas démontré que le principe de proportionnalité des peines et des sanctions n'est pas respecté, l'alinéa 1er de l'article L.1235-4 du Code du travail permettant une échelle de sanction de 0 à 6 mois de remboursement à POLE EMPLOI que le principe de la liberté d'entreprendre qui est plaidé est purement spéculatif,

Attendu que la société TEL AND COM procède par allégations sans jamais démontrer de manière sérieuse et rigoureuse que sa question entre dans le champ d'application de la loi du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution,

Attendu que le Conseil juge la deuxième question prioritaire de constitutionnalité de la société TEL AND COM dénuée de sérieux,

Le Conseil dit ne pas avoir lieu à transmettre la deuxième question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Attendu que le Conseil transmet la première question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

Le Conseil sursoit à statuer sur l'examen des autres demandes.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu l'article 700 du Code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1°) À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

2) Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat. »,

Le Conseil laisse les frais exposés à la charge des parties.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de prud'hommes de Bordeaux, section commerce, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant contradictoirement, par jugement avant dire droit, par mise à disposition au greffe, en vertu de l'article 453 du Code de procédure civile,

Transmet la première question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

Ne transmet pas la deuxième question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

Sursoit à statuer sur les autres demandes,

Déboute les parties de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Réserve les dépens.

LE GRÉFFIER

LA PRESIDENTE