Cour administrative d'appel de Douai

Arrêt du 14 décembre 2017 n° 17DA00603

14/12/2017

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE DOUAI

 

 

N°17DA00603

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M. B... A...

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M. Charles-Edouard Minet

Rapporteur

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Mme Amélie Fort-Besnard

Rapporteur public

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Audience du 30 novembre 2017

Lecture du 14 décembre 2017

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54-10-05-03-01

54-10-10

335

C

dd

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

La cour administrative d’appel de Douai

(1ère chambre)

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

 

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler l’arrêté en date du 15 février 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire distinct, il a demandé au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions du IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

Par deux ordonnances n° 1700586 et n° 1700586QPC du 2 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité et rejeté sa demande.

 

 

Procédure devant la cour :

 

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 11 avril 2017, M. A..., représenté par Me Cécile Madeline, demande à la cour :

 

1°) d’annuler les ordonnances du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen ;

 

2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté attaqué ;

 

3°) d’enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

 

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Par ordonnance du 19 octobre 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au 10 novembre 2017.

 

M. A... a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2017 du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me Emmanuelle Lequien, représentant M. A....

 

1. Considérant, d'une part, qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 que la cour administrative d’appel, saisie d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; que le second alinéa de l’article 23-2 de la même ordonnance précise que : « En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’Etat (…) » ;

 

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : « Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission (...) » ;

 

3. Considérant que, dans son mémoire distinct présenté le 31 mars 2017, soit dans le délai d'appel, M. A... soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, la question de la conformité des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n'est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu'il doit ainsi être regardé comme contestant, en application de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le refus du tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu’il lui avait soumise ;

 

4. Considérant que le IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est applicable au présent litige ; que cette disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit à un recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pose une question qui, compte tenu notamment des difficultés, exposées par M. A..., que rencontrent les détenus pour former une action en justice depuis le lieu de leur détention, n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée et d'annuler l'ordonnance du 2 mars 2017 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a refusé de transmettre cette question au Conseil d'Etat ;

 

 

 

 

 

DÉCIDE :

 

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

Article 2 : L'ordonnance n° 1700586QPC du 2 mars 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulée.

 

 

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A... jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

 

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

 

 

 

 

 

Délibéré après l’audience publique du 30 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

 

 

- M. Etienne Quencez, président de la cour,

- M. Michel Richard, président-assesseur,

- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.

 

 

Lu en audience publique le 14 décembre 2017.

 

 

Le rapporteur,

 

 

 

 

 

C.-E. MINET

Le président de la cour,

 

 

 

 

 

E. QUENCEZ

 

 

Le greffier,

 

 

 

 

 

C. SIRE

 

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

 

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

 

 

 

 

 

Christine Sire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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