Cour d'Appel de Toulouse

Arrêt du 14 décembre 2017 n° 17/00169

14/12/2017

Renvoi

 

Ch.L/MM

DOSSIER N° 17/00169

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2017

3ème CHAMBRE, N° DE PARQUET : 16201000513

LA COUR D’APPEL DE TOULOUSE

ARRET AVANT DIRE DROIT

3ème Chambre,

N° 17/01123

Prononcé publiquement le JEUDI 14 DECEMBRE 2017 par la 3ème Chambre des Appels Correctionnels, en présence du Ministère Public

Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE TOULOUSE - CHAMBRE COLLEGIALE BIS - du 15 DECEMBRE 2016.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et du prononcé

Président : Monsieur LAUQUE, Président de Chambre

Assesseurs : Monsieur DELMOTTE, Conseiller

Monsieur GUISLAIN, Vice-Président placé

GREFFIER :

Madame MARTY lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC :

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l’arrêt

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

ASSOCTATION AL BADR

Prise en la personne de son représentant légal M. [E G]

N° de SIREN : [N° SIREN/SIRET 1]

demeurant [adresse 2] - [LOCALITE 3]

Prévenue, appelante, comparante en la personne de M. [E G]

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au barreau de Toulouse et Maître Samim BOLAKY, avocat à la Cour d’Appel de Paris, 2 bis [adresse 4] - [LOCALITE 5].

[E G]

Né le [DateNaissance 6] 1973 à [LOCALITE 7] ([LOCALITE 8])

Fils de [E M] et de [I J]

De nationalité française, marié, directeur d'école

Demeurant [adresse 9] - [adresse 10] - [LOCALITE 11]

Prévenu, appelant, comparant, libre

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au Barreau de Toulouse et Maître Samin BOLAKV, avocat à la Cour d’ Appel de Paris, 2 bis [adresse 12] - [LOCALITE 13].

LE MINISTÈRE PUBLIC :

appelant,

INSPECTION D'ACADEMIE

Prise en la personne de son représentant légal

[adresse 14] - [LOCALITE 15]

Partie civile, non appelante, comparante, Représentée en [a personne de M. [K L], Directeur Académique.

En présence de M. [N O], Chef de Bureau, et de Mme [A B épouse D], Inspectrice.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le Tribunal, par jugement en date du 15 décembre 2016, a déclaré l’ ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G], et, M. [E G] coupables du chef de :

DIRECTION D'ÉTABLISSEMENT PRIVE HORS CONTRAT DISPENSANT UN ENSEIGNEMENT NON CONFORME A L'INSTRUCTION OBLIGATOIRE MALGRE MISE EN DEMEURE faits commis du 18 mai 2015 au 28 septembre 2016 à [LOCALITE 16], infraction prévue par les articles 227-17-1 AL. et 227-29 du Code pénal ;

Et, en application de ces articles, a condamné :

- l'Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G] à :

* au paiement d’une amende de cinq mille (5000) euros,

* a prononcé l'interdiction définitive d'exercer, directement ou indirectement, une activité d'enseignement dans le cadre d'un établissement scolaire privé hors contrat,

* a ordonné l'exécution provisoire de cette mesure ;

- M. [E G], à :

* un emprisonnement délictuel de quatre (4) mois ;

* a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine ;

* a prononcé l'interdiction d'enseigner et de diriger un établissement d'enseignement,

* a ordonné la fermeture de l'établissement groupe scolaire “AL BADR” sis [adresse 17] à [LOCALITE 18] ;

* a ordonné l'exécution provisoire de ces mesures ;

SUR L'ACTION CIVILE :

* a reçu l'INSPECTION ACADEMIQUE en sa constitution de partie civile et lui a donné acte de ce qu'elle ne formulait pas de demande de dommages et intérêts ;

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Monsieur [E G], le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal, le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre M. [E G] ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre l’ Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal ;

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l'audience publique du 14 décembre 2017, le Président a constaté l'identité des prévenus ;

Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;

Ont été entendus :

M. [P] en son rapport ;

Me Samin BOLAKY, avocat de M. [E G], a déposé par mémoire et par conclusions visés aux fins de transmettre une Question Prioritaire de Constitutionnalité à la Cour de Cassation ;

M. [E G] en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général en ses réquisitions ;

Maître Samim BOLAK Y, avocat de M. [E G], en ses conclusions (visées) oralement développées ;

M. [E G] a eu la parole en dernier ;

Puis la Cour en ayant délibéré conformément à la loi a rendu l’arrêt sur le siège.

DÉCISION :

À l'audience, tenue le 14 décembre 2017, Maître BOLAKY, Avocat au Barreau de Paris, conseil des prévenus [G E] et de l’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], a entendu soumettre à la cour par écrit distinct, une question prioritaire de constitutionnalité ;

[G E] explique avoir été renvoyé devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, étant directeur du groupe scolaire « AL BADR » établissement d’enseignements privés du premier degré accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d’ Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l’Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131-1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 1531-11 du code de l'Éducation et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

L’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], explique avoir été poursuivie devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, en sa qualité d’ établissement privé ayant effectué le 20 juin 2013 une déclaration d’ouverture d’établissement d’enseignements privés de premier degré Groupe scolaire &« AL BADR », malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d'Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l'Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131- 1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 131-11 du code de l'Education et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

Par le truchement de leur avocat, les exposants font valoir que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal constituant le fondement des poursuites, manque de précision, à la fois sur la norme de comportement incriminée et sur certaines des peines complémentaires qu’il édicte.

Il est soutenu que l’élément matériel de l’infraction s’articule autour de deux exigences cumulatives :

- le fait pour un directeur d'établissement accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’autorité compétente en matière d'Education, de n'avoir pas pris les dispositions pour que l’enseignement soit conforme à l’objet de l’instruction publique obligatoire ;

- le fait de n’avoir pas procédé à la fermeture des dites classes ;

Il est objecté pour cette seconde condition, une indétermination complète du régime juridique entourant la notion de « fermeture de classes » et des conditions de sa mise en œuvre, ne permettant pas à la juridiction pénale d’appréhender clairement un élément constitutif de l'infraction ; qu’il serait également vain de cerner les contours d’une telle notion dans les dispositions de l’article L 442-2 du code de l’Education, inhérentes à la procédure de contrôle de l’objet de l’instruction obligatoire des établissements d'éducation hors contrat, qui n’y font aucunement référence ;

Cette imprécision sur l’un des éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal n’est pas jugée conforme aux droits et libertés garantis par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 34 de la Constitution.

Il est également soutenu que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, en ce qu’il édicte pour la répression de l’infraction, la possibilité pour le tribunal de sanctionner son auteur d’une peine complémentaire d’interdiction de diriger ou d’enseigner et d’une possibilité de fermeture de l’établissement, et ce sans aucune limitation de durée, contrevient au principe de la nécessité des peines édicté à l’article 8 de la Déclaration de 1789 et aux principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine qui en sont les corollaires. Il est ajouté que le libellé du texte de répression relatif à la peine complémentaire « d’interdiction de diriger ou d'enseigner » ne : permettrait pas aux juridictions répressives de se déterminer avec certitude sur le caractère alternatif de la sanction, pouvant ainsi induire des erreurs d’application.

La disposition critiquée afférente à la solution du litige, n'ayant pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et aucune question prioritaire n'ayant été élevée sur la conformité de cette dispositions légale, il est demandé à la juridiction d'appel, au vu du caractère jugé sérieux de la question posée, de procéder dans les formes prévues au chapitre IT bis de l'Ordonnance n°58-1667 du 07 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et de transmettre à la Cour de cassation, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :

« L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

En application de l'article 49-25 du code de procédure pénale, le ministère public et la partie civile, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

Monsieur le Directeur des Services de l’Académie, constitué partie civile, n’a formulé aucune observation ;

Monsieur l’ Avocat général a conclu au rejet de la demande de transmission, estimant la question soulevée dépourvue de caractère sérieux au vu de l’énoncé clair et précis du texte sus-visé, de ses éléments constitutifs et des garanties procédurales entourant son application.

Le prévenu [G E] en son nom personnel et celui de la personne morale « ABDR », a eu la parole en dernier ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité posée :

Attendu que la question tirée d'une atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l'audience du 14 décembre 2017 par le conseil des prévenus dans un écrit motivé et distinct, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de la loi organique ;

Que la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable en la forme ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Attendu que l'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la question prioritaire au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

***

Attendu qu’ [G E] et l’association AL BADR qu’il représente ont été poursuivis sur le fondement des dispositions contestées de l'article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal ;

Que le moyen tiré de la non-conformité de cet article aux droits et libertés garantis par la Constitution, apparaît donc directement en lien avec la procédure et la solution du litige ;

Attendu que cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

Attendu qu’il est apparu à la cour d’appel que la question posée, à travers les motifs qui la sous-tendent, tirés notamment de l’imprécision de l’un des éléments constitutifs de l’infraction défini à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, mais également de l’indétermination dans le temps des peines complémentaires facultatives d’interdiction d’exercice ou de fermeture qu’il édicte, n’était pas dépourvue de caractère sérieux au regard du principe de nécessité des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de Homme et du Citoyen ;

Qu'il convient de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : «L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

Qu'il sera donc sursis à statuer sur le fond ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, et par arrêt avant dire droit, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité ;

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question ainsi libellée :

«L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé, avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

SURSOIT à statuer sur le fond dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Cassation ou s’1l a été saisi du Conseil Constitutionnel ;

DIT que l'affaire sera appelée à une audience ultérieure lorsque la Cour de cassation ou le Conseil Constitutionnel se seront prononcés et auront fait connaître leur décision ;

DIT que les parties comparantes et M. Le Procureur général seront avisés de la présente décision et que les parties non comparantes le seront par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Le tout en vertu des textes sus-visés ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente et le Greffier.

LE GRÉFFIER,

LE PRESIDENT,

M. MARTY

Ch. LAUQUÉ

Ch.L/MM

DOSSIER N° 17/00169

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2017

3ème CHAMBRE, N° DE PARQUET : 16201000513

LA COUR D’APPEL DE TOULOUSE

ARRET AVANT DIRE DROIT

3ème Chambre,

N° 17/01123

Prononcé publiquement le JEUDI 14 DECEMBRE 2017 par la 3ème Chambre des Appels Correctionnels, en présence du Ministère Public

Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE TOULOUSE - CHAMBRE COLLEGIALE BIS - du 15 DECEMBRE 2016.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et du prononcé

Président : Monsieur LAUQUE, Président de Chambre

Assesseurs : Monsieur DELMOTTE, Conseiller

Monsieur GUISLAIN, Vice-Président placé

GREFFIER :

Madame MARTY lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC :

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l’arrêt

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

ASSOCTATION AL BADR

Prise en la personne de son représentant légal M. [E G]

N° de SIREN : [N° SIREN/SIRET 1]

demeurant [adresse 2] - [LOCALITE 3]

Prévenue, appelante, comparante en la personne de M. [E G]

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au barreau de Toulouse et Maître Samim BOLAKY, avocat à la Cour d’Appel de Paris, 2 bis [adresse 4] - [LOCALITE 5].

[E G]

Né le [DateNaissance 6] 1973 à [LOCALITE 7] ([LOCALITE 8])

Fils de [E M] et de [I J]

De nationalité française, marié, directeur d'école

Demeurant [adresse 9] - [adresse 10] - [LOCALITE 11]

Prévenu, appelant, comparant, libre

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au Barreau de Toulouse et Maître Samin BOLAKV, avocat à la Cour d’ Appel de Paris, 2 bis [adresse 12] - [LOCALITE 13].

LE MINISTÈRE PUBLIC :

appelant,

INSPECTION D'ACADEMIE

Prise en la personne de son représentant légal

[adresse 14] - [LOCALITE 15]

Partie civile, non appelante, comparante, Représentée en [a personne de M. [K L], Directeur Académique.

En présence de M. [N O], Chef de Bureau, et de Mme [A B épouse D], Inspectrice.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le Tribunal, par jugement en date du 15 décembre 2016, a déclaré l’ ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G], et, M. [E G] coupables du chef de :

DIRECTION D'ÉTABLISSEMENT PRIVE HORS CONTRAT DISPENSANT UN ENSEIGNEMENT NON CONFORME A L'INSTRUCTION OBLIGATOIRE MALGRE MISE EN DEMEURE faits commis du 18 mai 2015 au 28 septembre 2016 à [LOCALITE 16], infraction prévue par les articles 227-17-1 AL. et 227-29 du Code pénal ;

Et, en application de ces articles, a condamné :

- l'Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G] à :

* au paiement d’une amende de cinq mille (5000) euros,

* a prononcé l'interdiction définitive d'exercer, directement ou indirectement, une activité d'enseignement dans le cadre d'un établissement scolaire privé hors contrat,

* a ordonné l'exécution provisoire de cette mesure ;

- M. [E G], à :

* un emprisonnement délictuel de quatre (4) mois ;

* a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine ;

* a prononcé l'interdiction d'enseigner et de diriger un établissement d'enseignement,

* a ordonné la fermeture de l'établissement groupe scolaire “AL BADR” sis [adresse 17] à [LOCALITE 18] ;

* a ordonné l'exécution provisoire de ces mesures ;

SUR L'ACTION CIVILE :

* a reçu l'INSPECTION ACADEMIQUE en sa constitution de partie civile et lui a donné acte de ce qu'elle ne formulait pas de demande de dommages et intérêts ;

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Monsieur [E G], le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal, le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre M. [E G] ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre l’ Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal ;

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l'audience publique du 14 décembre 2017, le Président a constaté l'identité des prévenus ;

Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;

Ont été entendus :

M. [P] en son rapport ;

Me Samin BOLAKY, avocat de M. [E G], a déposé par mémoire et par conclusions visés aux fins de transmettre une Question Prioritaire de Constitutionnalité à la Cour de Cassation ;

M. [E G] en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général en ses réquisitions ;

Maître Samim BOLAK Y, avocat de M. [E G], en ses conclusions (visées) oralement développées ;

M. [E G] a eu la parole en dernier ;

Puis la Cour en ayant délibéré conformément à la loi a rendu l’arrêt sur le siège.

DÉCISION :

À l'audience, tenue le 14 décembre 2017, Maître BOLAKY, Avocat au Barreau de Paris, conseil des prévenus [G E] et de l’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], a entendu soumettre à la cour par écrit distinct, une question prioritaire de constitutionnalité ;

[G E] explique avoir été renvoyé devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, étant directeur du groupe scolaire « AL BADR » établissement d’enseignements privés du premier degré accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d’ Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l’Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131-1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 1531-11 du code de l'Éducation et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

L’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], explique avoir été poursuivie devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, en sa qualité d’ établissement privé ayant effectué le 20 juin 2013 une déclaration d’ouverture d’établissement d’enseignements privés de premier degré Groupe scolaire &« AL BADR », malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d'Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l'Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131- 1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 131-11 du code de l'Education et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

Par le truchement de leur avocat, les exposants font valoir que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal constituant le fondement des poursuites, manque de précision, à la fois sur la norme de comportement incriminée et sur certaines des peines complémentaires qu’il édicte.

Il est soutenu que l’élément matériel de l’infraction s’articule autour de deux exigences cumulatives :

- le fait pour un directeur d'établissement accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’autorité compétente en matière d'Education, de n'avoir pas pris les dispositions pour que l’enseignement soit conforme à l’objet de l’instruction publique obligatoire ;

- le fait de n’avoir pas procédé à la fermeture des dites classes ;

Il est objecté pour cette seconde condition, une indétermination complète du régime juridique entourant la notion de « fermeture de classes » et des conditions de sa mise en œuvre, ne permettant pas à la juridiction pénale d’appréhender clairement un élément constitutif de l'infraction ; qu’il serait également vain de cerner les contours d’une telle notion dans les dispositions de l’article L 442-2 du code de l’Education, inhérentes à la procédure de contrôle de l’objet de l’instruction obligatoire des établissements d'éducation hors contrat, qui n’y font aucunement référence ;

Cette imprécision sur l’un des éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal n’est pas jugée conforme aux droits et libertés garantis par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 34 de la Constitution.

Il est également soutenu que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, en ce qu’il édicte pour la répression de l’infraction, la possibilité pour le tribunal de sanctionner son auteur d’une peine complémentaire d’interdiction de diriger ou d’enseigner et d’une possibilité de fermeture de l’établissement, et ce sans aucune limitation de durée, contrevient au principe de la nécessité des peines édicté à l’article 8 de la Déclaration de 1789 et aux principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine qui en sont les corollaires. Il est ajouté que le libellé du texte de répression relatif à la peine complémentaire « d’interdiction de diriger ou d'enseigner » ne : permettrait pas aux juridictions répressives de se déterminer avec certitude sur le caractère alternatif de la sanction, pouvant ainsi induire des erreurs d’application.

La disposition critiquée afférente à la solution du litige, n'ayant pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et aucune question prioritaire n'ayant été élevée sur la conformité de cette dispositions légale, il est demandé à la juridiction d'appel, au vu du caractère jugé sérieux de la question posée, de procéder dans les formes prévues au chapitre IT bis de l'Ordonnance n°58-1667 du 07 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et de transmettre à la Cour de cassation, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :

« L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

En application de l'article 49-25 du code de procédure pénale, le ministère public et la partie civile, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

Monsieur le Directeur des Services de l’Académie, constitué partie civile, n’a formulé aucune observation ;

Monsieur l’ Avocat général a conclu au rejet de la demande de transmission, estimant la question soulevée dépourvue de caractère sérieux au vu de l’énoncé clair et précis du texte sus-visé, de ses éléments constitutifs et des garanties procédurales entourant son application.

Le prévenu [G E] en son nom personnel et celui de la personne morale « ABDR », a eu la parole en dernier ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité posée :

Attendu que la question tirée d'une atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l'audience du 14 décembre 2017 par le conseil des prévenus dans un écrit motivé et distinct, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de la loi organique ;

Que la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable en la forme ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Attendu que l'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la question prioritaire au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

***

Attendu qu’ [G E] et l’association AL BADR qu’il représente ont été poursuivis sur le fondement des dispositions contestées de l'article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal ;

Que le moyen tiré de la non-conformité de cet article aux droits et libertés garantis par la Constitution, apparaît donc directement en lien avec la procédure et la solution du litige ;

Attendu que cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

Attendu qu’il est apparu à la cour d’appel que la question posée, à travers les motifs qui la sous-tendent, tirés notamment de l’imprécision de l’un des éléments constitutifs de l’infraction défini à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, mais également de l’indétermination dans le temps des peines complémentaires facultatives d’interdiction d’exercice ou de fermeture qu’il édicte, n’était pas dépourvue de caractère sérieux au regard du principe de nécessité des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de Homme et du Citoyen ;

Qu'il convient de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : «L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

Qu'il sera donc sursis à statuer sur le fond ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, et par arrêt avant dire droit, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité ;

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question ainsi libellée :

«L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé, avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

SURSOIT à statuer sur le fond dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Cassation ou s’1l a été saisi du Conseil Constitutionnel ;

DIT que l'affaire sera appelée à une audience ultérieure lorsque la Cour de cassation ou le Conseil Constitutionnel se seront prononcés et auront fait connaître leur décision ;

DIT que les parties comparantes et M. Le Procureur général seront avisés de la présente décision et que les parties non comparantes le seront par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Le tout en vertu des textes sus-visés ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente et le Greffier.

LE GRÉFFIER,

LE PRESIDENT,

M. MARTY

Ch. LAUQUÉ

Ch.L/MM

DOSSIER N° 17/00169

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2017

3ème CHAMBRE, N° DE PARQUET : 16201000513

LA COUR D’APPEL DE TOULOUSE

ARRET AVANT DIRE DROIT

3ème Chambre,

N° 17/01123

Prononcé publiquement le JEUDI 14 DECEMBRE 2017 par la 3ème Chambre des Appels Correctionnels, en présence du Ministère Public

Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE TOULOUSE - CHAMBRE COLLEGIALE BIS - du 15 DECEMBRE 2016.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et du prononcé

Président : Monsieur LAUQUE, Président de Chambre

Assesseurs : Monsieur DELMOTTE, Conseiller

Monsieur GUISLAIN, Vice-Président placé

GREFFIER :

Madame MARTY lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC :

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l’arrêt

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

ASSOCTATION AL BADR

Prise en la personne de son représentant légal M. [E G]

N° de SIREN : [N° SIREN/SIRET 1]

demeurant [adresse 2] - [LOCALITE 3]

Prévenue, appelante, comparante en la personne de M. [E G]

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au barreau de Toulouse et Maître Samim BOLAKY, avocat à la Cour d’Appel de Paris, 2 bis [adresse 4] - [LOCALITE 5].

[E G]

Né le [DateNaissance 6] 1973 à [LOCALITE 7] ([LOCALITE 8])

Fils de [E M] et de [I J]

De nationalité française, marié, directeur d'école

Demeurant [adresse 9] - [adresse 10] - [LOCALITE 11]

Prévenu, appelant, comparant, libre

Assisté de Maître Saliha SADEK, Maître Louise GAYON, toutes deux avocats au Barreau de Toulouse et Maître Samin BOLAKV, avocat à la Cour d’ Appel de Paris, 2 bis [adresse 12] - [LOCALITE 13].

LE MINISTÈRE PUBLIC :

appelant,

INSPECTION D'ACADEMIE

Prise en la personne de son représentant légal

[adresse 14] - [LOCALITE 15]

Partie civile, non appelante, comparante, Représentée en [a personne de M. [K L], Directeur Académique.

En présence de M. [N O], Chef de Bureau, et de Mme [A B épouse D], Inspectrice.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le Tribunal, par jugement en date du 15 décembre 2016, a déclaré l’ ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G], et, M. [E G] coupables du chef de :

DIRECTION D'ÉTABLISSEMENT PRIVE HORS CONTRAT DISPENSANT UN ENSEIGNEMENT NON CONFORME A L'INSTRUCTION OBLIGATOIRE MALGRE MISE EN DEMEURE faits commis du 18 mai 2015 au 28 septembre 2016 à [LOCALITE 16], infraction prévue par les articles 227-17-1 AL. et 227-29 du Code pénal ;

Et, en application de ces articles, a condamné :

- l'Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal M. [E G] à :

* au paiement d’une amende de cinq mille (5000) euros,

* a prononcé l'interdiction définitive d'exercer, directement ou indirectement, une activité d'enseignement dans le cadre d'un établissement scolaire privé hors contrat,

* a ordonné l'exécution provisoire de cette mesure ;

- M. [E G], à :

* un emprisonnement délictuel de quatre (4) mois ;

* a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine ;

* a prononcé l'interdiction d'enseigner et de diriger un établissement d'enseignement,

* a ordonné la fermeture de l'établissement groupe scolaire “AL BADR” sis [adresse 17] à [LOCALITE 18] ;

* a ordonné l'exécution provisoire de ces mesures ;

SUR L'ACTION CIVILE :

* a reçu l'INSPECTION ACADEMIQUE en sa constitution de partie civile et lui a donné acte de ce qu'elle ne formulait pas de demande de dommages et intérêts ;

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Monsieur [E G], le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

ASSOCIATION AL BADR prise en la personne de son représentant légal, le 19 décembre 2016 tant sur le dispositif civil que pénal ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre M. [E G] ;

Le procureur de la République, le 19 décembre 2016 contre l’ Association AL BADR prise en la personne de son représentant légal ;

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l'audience publique du 14 décembre 2017, le Président a constaté l'identité des prévenus ;

Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;

Ont été entendus :

M. [P] en son rapport ;

Me Samin BOLAKY, avocat de M. [E G], a déposé par mémoire et par conclusions visés aux fins de transmettre une Question Prioritaire de Constitutionnalité à la Cour de Cassation ;

M. [E G] en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Monsieur CHAZOTTES, Avocat Général en ses réquisitions ;

Maître Samim BOLAK Y, avocat de M. [E G], en ses conclusions (visées) oralement développées ;

M. [E G] a eu la parole en dernier ;

Puis la Cour en ayant délibéré conformément à la loi a rendu l’arrêt sur le siège.

DÉCISION :

À l'audience, tenue le 14 décembre 2017, Maître BOLAKY, Avocat au Barreau de Paris, conseil des prévenus [G E] et de l’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], a entendu soumettre à la cour par écrit distinct, une question prioritaire de constitutionnalité ;

[G E] explique avoir été renvoyé devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, étant directeur du groupe scolaire « AL BADR » établissement d’enseignements privés du premier degré accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d’ Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l’Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131-1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 1531-11 du code de l'Éducation et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

L’association « AL BADR » prise en la personne de son représentant légal [G E], explique avoir été poursuivie devant la juridiction correctionnelle de Toulouse et condamné pour avoir entre le 18 mai 2015 et le 28 septembre 2016, en sa qualité d’ établissement privé ayant effectué le 20 juin 2013 une déclaration d’ouverture d’établissement d’enseignements privés de premier degré Groupe scolaire &« AL BADR », malgré la mise en demeure de l’Inspecteur d'Académie en date du 7 mai 2015 signifiée le 18 mai 2015, omis de prendre alors qu’il n’avait pas été procédé à la fermeture des classes, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y était dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que défini par les articles L 131-1-1 et L 131-10 du code de l'Education, faits prévus par l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, articles L 131- 1-1, L 131-10 alinéa 3, L 442-2, L 131-11 du code de l'Education et réprimés par les articles 227-17-1 alinéa 2 et 227-29 du code pénal ;

Par le truchement de leur avocat, les exposants font valoir que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal constituant le fondement des poursuites, manque de précision, à la fois sur la norme de comportement incriminée et sur certaines des peines complémentaires qu’il édicte.

Il est soutenu que l’élément matériel de l’infraction s’articule autour de deux exigences cumulatives :

- le fait pour un directeur d'établissement accueillant des classes hors contrat, malgré la mise en demeure de l’autorité compétente en matière d'Education, de n'avoir pas pris les dispositions pour que l’enseignement soit conforme à l’objet de l’instruction publique obligatoire ;

- le fait de n’avoir pas procédé à la fermeture des dites classes ;

Il est objecté pour cette seconde condition, une indétermination complète du régime juridique entourant la notion de « fermeture de classes » et des conditions de sa mise en œuvre, ne permettant pas à la juridiction pénale d’appréhender clairement un élément constitutif de l'infraction ; qu’il serait également vain de cerner les contours d’une telle notion dans les dispositions de l’article L 442-2 du code de l’Education, inhérentes à la procédure de contrôle de l’objet de l’instruction obligatoire des établissements d'éducation hors contrat, qui n’y font aucunement référence ;

Cette imprécision sur l’un des éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal n’est pas jugée conforme aux droits et libertés garantis par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 34 de la Constitution.

Il est également soutenu que l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, en ce qu’il édicte pour la répression de l’infraction, la possibilité pour le tribunal de sanctionner son auteur d’une peine complémentaire d’interdiction de diriger ou d’enseigner et d’une possibilité de fermeture de l’établissement, et ce sans aucune limitation de durée, contrevient au principe de la nécessité des peines édicté à l’article 8 de la Déclaration de 1789 et aux principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine qui en sont les corollaires. Il est ajouté que le libellé du texte de répression relatif à la peine complémentaire « d’interdiction de diriger ou d'enseigner » ne : permettrait pas aux juridictions répressives de se déterminer avec certitude sur le caractère alternatif de la sanction, pouvant ainsi induire des erreurs d’application.

La disposition critiquée afférente à la solution du litige, n'ayant pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et aucune question prioritaire n'ayant été élevée sur la conformité de cette dispositions légale, il est demandé à la juridiction d'appel, au vu du caractère jugé sérieux de la question posée, de procéder dans les formes prévues au chapitre IT bis de l'Ordonnance n°58-1667 du 07 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et de transmettre à la Cour de cassation, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :

« L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

En application de l'article 49-25 du code de procédure pénale, le ministère public et la partie civile, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

Monsieur le Directeur des Services de l’Académie, constitué partie civile, n’a formulé aucune observation ;

Monsieur l’ Avocat général a conclu au rejet de la demande de transmission, estimant la question soulevée dépourvue de caractère sérieux au vu de l’énoncé clair et précis du texte sus-visé, de ses éléments constitutifs et des garanties procédurales entourant son application.

Le prévenu [G E] en son nom personnel et celui de la personne morale « ABDR », a eu la parole en dernier ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité posée :

Attendu que la question tirée d'une atteinte à certains droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l'audience du 14 décembre 2017 par le conseil des prévenus dans un écrit motivé et distinct, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de la loi organique ;

Que la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable en la forme ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Attendu que l'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la question prioritaire au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

***

Attendu qu’ [G E] et l’association AL BADR qu’il représente ont été poursuivis sur le fondement des dispositions contestées de l'article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal ;

Que le moyen tiré de la non-conformité de cet article aux droits et libertés garantis par la Constitution, apparaît donc directement en lien avec la procédure et la solution du litige ;

Attendu que cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

Attendu qu’il est apparu à la cour d’appel que la question posée, à travers les motifs qui la sous-tendent, tirés notamment de l’imprécision de l’un des éléments constitutifs de l’infraction défini à l’article 227-17-1 alinéa 2 du code pénal, mais également de l’indétermination dans le temps des peines complémentaires facultatives d’interdiction d’exercice ou de fermeture qu’il édicte, n’était pas dépourvue de caractère sérieux au regard du principe de nécessité des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de Homme et du Citoyen ;

Qu'il convient de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : «L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

Qu'il sera donc sursis à statuer sur le fond ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, et par arrêt avant dire droit, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité ;

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question ainsi libellée :

«L'article 227-17-1 du code pénal, est-il conforme aux droits et libertés garanties par les articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ?»

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé, avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

SURSOIT à statuer sur le fond dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Cassation ou s’1l a été saisi du Conseil Constitutionnel ;

DIT que l'affaire sera appelée à une audience ultérieure lorsque la Cour de cassation ou le Conseil Constitutionnel se seront prononcés et auront fait connaître leur décision ;

DIT que les parties comparantes et M. Le Procureur général seront avisés de la présente décision et que les parties non comparantes le seront par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Le tout en vertu des textes sus-visés ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente et le Greffier.

LE GRÉFFIER,

LE PRESIDENT,

M. MARTY

Ch. LAUQUÉ