Tribunal d'instance de Villeurbanne

Jugement du 20 juillet 2017 n° 11-17-001424

20/07/2017

Renvoi

Tribunal d'instance de VILLEURBANNE

3 Rue du Docteur Papillon 69100 VILLEURBANNE

RG N° 11-17-001424

du : 20/07/2017

JUGEMENT

Union Régionale des syndicats de la Construction

C/

UES OREM-ASTRE

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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A l'audience publique du Tribunal d'instance tenue le 20 Juillet 2017, sous la présidence de Jean-Yves POURRET, Président, assisté de Valérie CHATELARD, Greffier,

Après débats à l'audience du 6 juillet 2017 le, le jugement suivant a été rendu :

ENTRE :

DEMANDEURS :

Union Régionale des syndicats de la Construction et du Bois CFDT de Rhône-Alpes (URCB CFDT) Maison des Associations rue du Cardinal Girard, [LOCALITE 1], représentée par Me PEYRARD Laetitia, avocat du barreau de SAINT ETIENNE

Syndicat CFDT CONSTRUCTION BOIS LOIRE ET MONTS DU LYONNAIS 4 cours Victor HUGO, 42028 ST ETIENNE CEDEX 1, représenté par Me PEYRARD Laetitia, avocat du barreau de SAINT ETIENNE

Monsieur [D E F], [LOCALITE 2], représenté par Me PEYRARD Laetitia, avocat du barreau de SAINT ETIENNE

Monsieur [N O] [LOCALITE 3], [LOCALITE 4], représenté par Me PEYRARD Laetitia, avocat du barreau de SAINT ETIENNE

Monsieur [AA O] [adresse 5], [LOCALITE 6]), représenté par Me PEYRARD Laetitia, avocat du barreau de SAINT ETIENNE

D'UNE PART

ET :

DÉFENDEURS :

UES OREM-ASTRE 2 rue Franklin, 69740 GENAS, représentée par Me MAZON Laure, avocat du barreau de LYON

SAS OREM [LOCALITE 7], [LOCALITE 8], représentée par Me MAZON Laure, avocat du barreau de LYON

SASU FRE OREM ASTRE 2 rue Franklin, 69740 GENAS, représentée par Me MAZON Laure, avocat du barreau de LYON

SNEPI - CFE - CGC 35 rue du Faubourg Poissonnière , [LOCALITE 9], représenté par Me BORZAKIAN Jérôme, avocat du barreau de PARIS

Union Départementale Force Ouvrière de la LOIRE 4 cours Victor HUGO, 42000 ST ETIENNE, représentée par Me ILIC Zoran, avocat du barreau de PARIS

Monsieur [BB CC] [adresse 10], [LOCALITE 11], non comparant

Monsieur [P Q] [LOCALITE 12], [LOCALITE 13], non comparant

Madame [A B C] [adresse 14], représentée par Me ILIC Zoran, avocat du barreau de PARIS

Monsieur [Q M] [LOCALITE 15], [LOCALITE 16]. non comparant

Monsieur [S T] [adresse 17], non comparant

Monsieur [G H] [adresse 18], [LOCALITE 19], non comparant

Monsieur [U V] [adresse 20], [LOCALITE 21], non comparant

Monsieur [W X] [adresse 22], [LOCALITE 23],, non comparant

Monsieur [Y Z] [adresse 24], [LOCALITE 25], comparant en personne

Monsieur [I J K] [adresse 26], [LOCALITE 27], comparant en personne

D'AUTRE PART,

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, 1l est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce, la confédération générale du travail force ouvrière (CGT FO) et l’union départementale force ouvrière de la Loire prétendent que l’article L.2324-22-1 du code du travail porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu’il contrevient, d’une part, aux principes fondamentaux d’égalité devant le suffrage, de liberté syndicale et de liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises, et d’autre part, au principe fondamental d'égalité entre les hommes et femmes.

En réplique, Monsieur [E D], Monsieur [O N], Monsieur [O AA], l’union régionale des syndicats de la construction et du bois (CFDT Rhône-Alpes) et le syndicat CFDT construction bois [LOCALITE 28] soutiennent que les défendeurs n’explicitent pas en quoi l’article L.2324-22-1 du code du travail porterait atteinte aux principes constitutionnels qu'ils visent, que la question n’est pas sérieuse et que le législateur peut adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant pour rendre effectif l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives et notamment cette disposition introduisant une mixité proportionnelle.

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 29 mai 2017, qui a fait connaître son avis le 8 juin 2017. Le ministère public soutient que la question posée ne revêt pas de caractère sérieux et qu’il n’y a pas lieu de la transmettre.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par l’article L. 2324-22-1 du code du travail :

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution:

Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté à l’audience dans un écrit distinct des autres observations de la confédération générale du travail force ouvrière (CGT FO) et de l’union départementale force ouvrière de la Loire, et motivé. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La disposition contestée est applicable au litige, puisqu'elle fonde directement la demande d’annulation des élections professionnelles qui se sont déroulées les 23 et 29 mars 2017.

Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

En outre, elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que l’application de l’article L.2324-22-1 du code du travail, spécialement la règle de l’arrondi, est susceptible de conduire, dans le litige opposant les parties où la proportion de femmes employées dans l’entreprise est faible, à l’exclusion de toute candidature féminine aux élections professionnelles alors que le législateur avait pour objectif de favoriser l’accès des femmes aux fonctions électives.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation les questions suivantes :

L'article 7 (V) de la loi n°2015-994 du 17 août 2615 codifié sous l’article L. 2324-22-1 du code du travail est il conforme aux principes fondamentaux d'égalité devant le suffrage, de liberté syndicale et de liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises tels que définis protégés et garantis par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ainsi que par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?

L'article 7 (V) de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 codifié sous l’article L. 2324-22-1 du code du travail est il conforme au principe fondamental d’égalité entre les hommes et les femmes tel que défini, protégé et garanti par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, par les alinéas 3 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ?

Sur les autres demandes des parties et les dépens:

En application des dispositions de l’article 23-3 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu'une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner de conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation des questions suivantes :

L’article 7 (V) de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 codifié sous l’article L. 2324-22-1 du code du travail est il conforme aux principes fondamentaux d’égalité devant le suffrage, de liberté syndicale et de liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises tels que définis protégés et garantis par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen ainsi que par les alinéas 6 et 8 du Préambule de Ia Constitution du 27 octobre 1946 ?

L'article 7 (V) de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 codifié sous l’article L. 2324-22-1 du code du travail est il conforme au principe fondamental d’égalité entre les hommes et les femmes tel que défini, protégé et garanti par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, par les alinéas 3 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ?

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit Jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité remis à l’audience du 6 juillet 2017 ;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l’audience du 6 février 2018 à 14 heures si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l’audience du 14 novembre 2017 à 14 heures dans le cas contraire :

RESERVE les dépens ;

LE GREFFIER

LE JUGE