Tribunal de grande instance d'Angers

Jugement du 13 juillet 2017 n° 1581/2017

13/07/2017

Renvoi

Cour d'Appel d'Angers

Tribunal de Grande Instance d'Angers

Jugement du : 13/07/2017

Chambre correctionnelle

N° minute 1581/2017

N° parquet : 171620000001

JUGEMENT CORRECTIONNEL

A l'audience publique du Tribunal Correctionnel d'Angers le TREIZE JUILLET DEUX MILLE DIX-SEPT,

Composé de :

Président : Madame LEGRAND Monique, premier vice-président,

Assesseurs : Madame LE CALLENNEC Geneviève, vice-président,

Monsieur GUERNALEC Joël, juge de proximité,

Assistés de Madame BESSOU-PEYRAT Audrey, greffière,

en présence de Madame VERRON Alexandra, vice-procureur de la République,

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

ET

Prévenu

Nom : [E F]

né le [DateNaissance 1] 1988 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3])

de [E K L] et de [M N]

Nationalité : française

Situation familiale : célibataire

Situation professionnelle : sans emploi

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Demeurant : [adresse 4]

Situation pénale : détenu provisoirement à la [LOCALITE 5]

Mandat de dépôt en date du 11/06/2017

Maintien en détention provisoire en date du 14/06/2017

comparant et assisté de Maître KHANKAN Sami avocat au barreau de NANTES,

Prévenu des chefs de :

- NON RESPECT D'UNE ASSIGNATION À RESIDENCE PRONONCEE PAR LE MINISTRE DE L'INTERIEUR DANS LE CADRE DE L'ÉTAT D'URGENCE

faits commis courant mai 2017 et notamment les 12 mai 2017 et 9 juim 2017 à [LOCALITE 6] ([...])

- CONSULTATION HABITUELLE ET SANS MOTIF LEGITIME D'UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE FAISANT L'APOLOGIE OÙ PROVOQUANT A DES ACTES DE TERRORISME, EN MANIFESTANT UNE ADHESION A L'IDEOLOGIE EXPRIMEE

faits commis les 5 mai 2017 et 12 mai 2017 à [LOCALITE 7] ([...])

DEBATS

À l’appel de la cause, la présidente a constaté la présence et l’identité de [E F] et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

La présidente a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

***

Avant toute défense au fond, conformément aux articles 61 et 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Maître KHANKAN Sami, conseil de [E F], par conclusions déposées et visées par la présidente et le greffier le 13 juillet 2017, pose une question prioritaire de constitutionnalité et saisit la juridiction d'un moyen soulevant l'inconstitutionnalité de l'article 421-2-5-2 alinéa | et alinéa 2 du Code pénal, issu de la loi n°2017-258 du 28 février 2017 en son article 24 relative à la sécurité publique.

Les parties ayant été entendues et le ministère public ayant formulé ses observations (avis écrit le 12 juillet 2017), le tribunal a statué de suite après en avoir délibéré.

***

La présidente a instruit l'affaire, interrogé le prévenu présent sur les faits et reçu ses déclarations.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maître KHANKAN Sami, conseil de [E F] a été entendu en sa plaidoirie.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

▪ Sur la question prioritaire de constitutionnalité

Conformément aux articles 61 et 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique du Conseil Constitutionnel, modifié par la loi organique du 10 décembre 2009, le prévenu demande au tribunal correctionnel que soit transmise à la Cour de Cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

"L'article 421-2-5-2 du Codé pénal, lequel incrimine la consultation habituelle, sans motif légitime, d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie lorsque cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service est-il contraire aux articles 1er, 5, 6, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, 34 et 62 de la Constitution et aux principes de légalité des délits et des peines, de clarté et de précision de la Loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique, d'accès à l'information, de liberté de communication et d'opinion, de nécessité des peines, d'égalité des citoyens devant la Loi et de la présomption d'innocence :

- en ce qu'il a été réintroduit par le législateur malgré une décision rendue par le Conseil Constitutionnel en date du 10 février 2017, laquelle a expressément indiqué qu'une telle incrimination n'apparaissait pas nécessaire, dans son principe même, au sein d'une société démocratique ;

- en ce qu'il incrimine et punit la consultation habituelle sans définir les critères permettant de qualifier une consultation d'habituelle, prévoit une exception de motif légitime non limitative et n'apporte aucune définition de la notion de terrorisme et de manifestation à une idéologie,

- en ce qu'il atteint à la liberté de communication et d'opinion de tout citoyen en punissant d'une peine privative de liberté la seule consultation de messages incitant au terrorisme, alors même que la personne concernée n'aurait commis ou tenté de commettre aucun acte pouvant laisser présumer qu'elle aurait cédé à cette incitation ou serait susceptible d'y céder, quand bien même cette dernière aurait manifesté son adhésion à l'idéologie véhiculée par ce service,

- en ce qu'il crée une rupture d'égalité entre les personnes ayant accès à des tels messages, images ou représentations par un service de communication en ligne et celles y ayant accès par d'autres moyens et supports qu'un service de communication en ligne,

- en ce qu'il crée une rupture d'égalité entre les citoyens souhaitant bénéficier d'un accès à de tels services et ceux excipant d'un motif légitime ou autorisés expressément par la Loi,

- en ce qu'il punit de deux années d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende la seule consultation, même habituelle, d'un service de communication en ligne,

- en ce qu'il institue une présomption de mauvaise foi déduite de la seule consultation habituelle de ces services de communication en ligne ?"

° Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité

Attendu que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ouvert à tout justiciable la possibilité de soutenir à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction judiciaire qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit ;

Attendu au visa de l'article 23-2 de l' ordonnance n° 58-1067 que la question est transmise si les conditions suivantes sont remplies cumulativement :

1° la disposition contestée applicable constitue le fondement des poursuites

2° elle n° a pas été déjà déclarée conforme à la constitution dans les motifs et dispositifs d' une décision du conseil constitutionnel sauf changement des circonstances

3° la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux

Attendu que la juridiction doit statuer sans délai sur la recevabilité de cette question ;

Attendu que l'article 421-2-5-2 du code pénal dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 28 février 2017 qui sert de fondement aux poursuites, n’a jamais fait l’objet d’une déclaration préalable de conformité à la constitution par le conseil constitutionnel auquel il n' a jamais été soumis ; que la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable ;

Attendu en ce qui concerne le caractère sérieux de la question qu'il y a lieu au préalable de constater que le législateur s'est abstenu de saisir le Conseil Constitutionnel aux fins de validation de la nouvelle rédaction de l'incrimination suite à la censure en date du 10 février 2017qui avait jugé que l'incrimination prévue à l'article 421-2-5-2 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 3 juin 2016 portait une atteinte à l'exercice de la liberté de communication qui n'était pas nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée ;

Attendu que les questions posées, à savoir Le respect du principe de légalité des délits et des peines, celui du respect des principes de clarté, de précision de la Loi, de prévisibilité juridique et donc de sécurité juridique dans le domaine des activités terroristes présentent un caractère sérieux et légitime car elles portent sur une éventuelle méconnaissance des droits et libertés que la constitution garantit à chaque citoyen ;

Attendu qu'il convient de constater que la nouvelle rédaction du délit de consultation habituelle d'un site terroriste est similaire à la précédente déclarée inconstitutionnelle ;

Attendu qu’en la forme, et au fond la question prioritaire de constitutionnalité déposée par le conseil du prévenu est recevable, les trois conditions cumulatives étant remplies, qu’il y a lieu de transmettre sans délai à la Cour de cassation l'examen des questions soulevées afin de voir si les conditions sont réunies pour saisir le conseil constitutionnel ;

Attendu que sur l’audience, le président a notifié aux parties en application de l’article R 49-28 du code de procédure pénale sa décision de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Maître KHANKAN Sami, conseil de [E F], dans un écrit distinct et motivé (déposé au greffe le 13 juillet 2017) ;

Attendu qu'il y a lieu de transmettre sans délai la question prioritaire de constitutionnalité énoncée ci-dessus ;

° Sur le sursis à statuer

Attendu qu'aux termes de l'article 23-3 alinéa 2 de la loi du 10 décembre 2009, "il n'est sursis à statuer ni lorsqu'une personne est privée de liberté ni lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté” et de l'article 23-3 alinéa 3 "la juridiction peut également statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence" ;

Attendu que [E F] est détenu provisoirement dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate ;

Qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à sursis à statuer et de juger sur le fond [E F] ;

▪ Sur le fond

[E F] a été déféré le 11 juin 2017 devant le procureur de la République dans le cadre d’une procédure de comparution préalable en application des dispositions des articles 393 à 396 du code de procédure pénale.

Par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 11 juin 2017, il a été placé en détention provisoire.

À l'audience du 14 juin 2017, [E F] a sollicité un délai pour préparer sa défense, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 juillet 2017 et [E F] a été maintenu en détention provisoire.

[E F] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu :

-_ d'avoir à [LOCALITE 8], courant mai 2017 et notamment les 12 mai 2017 et 9 juin 2017, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, enfreint l'assignation à résidence dans le lieu fixé par arrêté du ministre de l'intérieur en date du 27 mars 2017, qui lui a été notifié le 31 mars 2017, en l'espèce en se déplaçant en dehors de son lieu d'assignation à résidence hors les cas prévus par l'arrêté (sans autorisation écrite préalable du préfet de Maine-et-Loire), délit prévu et réprimé par les articles 13 alinéa 2 et 6 alinéa 1 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence., faits prévus par ART.13 AL.2, ART.6 AL.1, ART.2 LOI 55-385 DU 03/04/1955. et réprimés par ARTE AL.2 LOI 55-385 DU 03/04/1955,

- d'avoir à [LOCALITE 9], notamment les 5 et 12 mai 2017, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, consulté habituellement et sans motif légitime un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'acte de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de ces actes en des atteintes volontaires à la vie, cette consultation s'accompagnant d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service, en l'espèce, de services communiquant via l'application Telegram comportant des vidéos d'explication sur la méthode de réalisation d'une bombe, d'un discours d'[H I J], de la décapitation d'un homme à genoux, délit prévu et réprimé par les articles 421-2-5-2, 421-8, 422-3, 422-4, 422-6 du code pénal, , faits prévus par ART.421-2-5-2 C.PENAL. et réprimés par ART.421- 2-5-2 AL.1, ART.421-8, ART.422-3, ART.422-4, ART .422-6 C.PENAL.

- En ce qui concerne le non respect d’une assignation à résidence prononcée par le ministre de l'intérieur dans le cadre de l'état d'urgence le 27 mars 2017, notifié le 31 mars 2017

Attendu qu'il lui est reproché de s’être déplacé en dehors de son lieu d’assignation à résidence à savoir [LOCALITE 10] hors les cas prévus par l’arrêté à savoir sans autorisation écrite préalable du préfet de MAINE ET LOIRE confirmé par le secrétaire général ;

Attendu qu'il est constant que [E F] vit à [LOCALITE 11] à [LOCALITE 12] ;

Attendu qu'il résulte de la procédure que le 9 juin, les gendarmes ont été informés qu’il se trouvait sur la commune de [LOCALITE 13] à la piscine en train de se baigner ;

Attendu que le directeur de la piscine déclarera qu’il vient une à deux fois par semaine depuis 2 mois environ ;

Attendu que lors de son audition, [E F] déclarera avoir pris effectivement connaissance de l’arrêté qui lui interdisait de quitter les limites du territoire de la commune [LOCALITE 14] ; attendu qu'il a allégué qu'il pensait pouvoir circuler dans l’agglomération d’ [LOCALITE 15] et que s’il avait su, il ne l’aurait pas fait et qu'il s'agit d'une erreur ; attendu cependant qu'à chaque notification d'arrêtés du ministre de l'intérieur, le fait d'être astreint de rester dans les limites du territoire de la commune [LOCALITE 16] lui a été rappelé et explicité ; que les violations malgré tout, ont été répétées ainsi que le démontre l'enquête, de sorte que l'élément intentionnel est établi;

Attendu que l'infraction de non respect d' une assignation à résidence est établie ;que [E F] en sera déclaré coupable ; qu'il y a donc lieu d' entrer en voie de condamnation ;

Attendu que le prévenu a déjà été condamné à de nombreuses reprises, et notamment pour des faits de violences, que les mesures de suivi et de mise à l'épreuve se sont avérées insuffisantes, que l'assignation à résidence n'a pas permis d'éviter les infractions reprochées, que le prévenu est installé dans un processus de déni, de provocation et de radicalisation laissant craindre une réelle dangerosité à l'égard des tiers ;

Attendu que le tribunal prononce à son encontre une peine de SIX MOIS d'emprisonnement ferme, toute autre sanction étant inadéquate ;

Attendu qu’il convient, eu égard à la peine d’emprisonnement prononcée et compte tenu des éléments de l’espèce et la personnalité de [F E], d’ordonner son maintien en détention en application des dispositions de l'article 397-4 du code de procédure pénale ;

Qu'en outre, eu égard aux éléments relatifs à la situation personnelle et sociale de l'intéressé dont dispose le tribunal, il n'y a pas lieu à aménagement ab initio de la peine ;

Attendu qu'enfin, le tribunal ordonne la confiscation de l'ensemble des scellés et biens saisis de la présente procédure en ce compris son téléphone SAMSUNG qui a servi de support pour réceptionner des photos en lien avec DAESCH et l'activité terroriste ;

- En ce qui concerne la consultation habituelle et sans motif légitime d’un Service de communication au public en ligne faisant l’apologie ou provoquant à des actes de terrorisme en manifestant une adhésion à l'idéologie exprimée

Attendu s'agissant de la demande de supplément d'information sollicitée par le Ministère Public, qu'il convient de constater que cette demande est formulée pour la première fois ce jour devant le tribunal à l'issue du délai sollicité par le prévenu pour préparer sa défense notamment la présentation de la question prioritaire de constitutionnalité : que sur le fond, la nécessité d'une nouvelle expertise qui serait plus complète en raison de l'octroi d'un délai supplémentaire n'est pas avérée dans la mesure où il n' existe aucune certitude technique de pouvoir remonter jusqu'à la source des documents figurant dans le téléphone de [F E] ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande de supplément d'information ;

Attendu sur le fond, que dans son rapport technique déposé le 10 juin 2017 le technicien de la section de recherches d'ANGERS a mis en évidence dans Le portable (scellé n°1) de [F E] la présence d’une application dite TELEGRAM qui permet l'envoi de messages et fichiers sécurisés chiffrés ou non, de façon individualisée ou groupée,

Attendu qu'en l’espèce, les fichiers dits vidéos de propagande en langue arabe se sont trouvés dans les traces de TELEGRAM et à deux dates à savoir les 5 et 12 mai 2017 ; qu'il est constant que certaines de ces vidéos sont des vidéos de propagande de l'état islamique, une expliquant comment fabriquer une bombe, une autre enfin montre un homme à genoux en train d’être décapité ;

Attendu que [F E] a nié les faits de consultation, reconnaissant la simple réception et détention des fichiers, déclarant ne rien consulter sauf la musique sur TELEGRAM ;

Attendu qu'il résulte de l'expertise technique menée par les gendarmes durant la garde à vue qu'aucun élément ne permet de dire si les fichiers ont été vus ou lus par l'utilisateur du portable ;

Attendu qu'il s'ensuit que [F E] doit être relaxé des fins de la poursuite ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l'égard de [E F],

▪ Sur la question prioritaire de constitutionnalité

DÉCLARE recevable en la forme et au fond la question prioritaire de constitutionnalité posée par [E F] ;

ORDONNE sans délai la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

L'article 421-2-5-2 du Codé pénal, lequel incrimine la consultation habituelle, sans motif légitime, d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie lorsque cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service est-il contraire aux articles 1er, 5, 6, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, 34 et 62 de la Constitution et aux principes de légalité des délits et des peines, de clarté et de précision de la Loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique, d'accès à l'information, de liberté de communication et d'opinion, de nécessité des peines, d'égalité des citoyens devant la Loi et de la présomption d'innocence :

- en ce qu'il a été réintroduit par le législateur malgré 1me décision rendue par le Conseil Constitutionnel en date du 10 février 2017, laquelle a expressément indiqué qu'une telle incrimination n'apparaissait pas nécessaire, dans son principe même, au sein d'une société démocratique ;

- en ce qu'il incrimine et punit la consultation habituelle sans définir les critères permettant de qualifier une consultation d'habituelle, prévoit une exception de motif légitime non limitative et n'apporte aucune définition de la notion de terrorisme et de manifestation à une idéologie,

- en ce qu'il atteint à la liberté de communication et d'opinion de tout citoyen en punissant d'une peine privative de liberté la seule consultation de messages incitant au terrorisme, alors même que la personne concernée n'aurait commis ou tenté de commettre aucun acte pouvant laisser présumer qu'elle aurait cédé à cette incitation ou serait susceptible d'y céder, quand bien même cette dernière aurait manifesté son adhésion à l'idéologie véhiculée par ce service,

- en ce qu'il crée une rupture d'égalité entre les personnes ayant accès à des tels messages, images ou représentations par un service de communication en ligne et celles y ayant accès par d'autres moyens et supports qu'un service de communication en ligne,

- en ce qu'il crée une rupture d'égalité entre les citoyens souhaitant bénéficier d'un accès à de tels services et ceux excipant d'un motif légitime ou autorisés expressément par la Loi,

- en ce qu'il punit de deux années d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende la seule consultation, même habituelle, d'un service de communication en ligne,

- en ce qu'il institue une présomption de mauvaise foi déduite de la seule consultation habituelle de ces services de communication en ligne ?"

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

▪ Sur le fond

[D E F] pour les faits de CONSULTATION HABITUELLE ET SANS MOTIF LEGITIME D'UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE FAISANT L'APOLOGIE OÙ PROVOQUANT A DES ACTES DE TERRORISME, EN MANIFESTANT UNE ADHESION A L'IDEOLOGIE EXPRIMEE commis les 5 mai 2017 et 12 mai 2017 à [LOCALITE 17] ([...]) ;

DÉCLARE [E F] coupable des faits de NON RESPECT D'UNE ASSIGNATION À RESIDENCE PRONONCEE PAR LE MINISTRE DE L'INTERIEUR DANS LE CADRE DE L'ETAT D'URGENCE commis courant mai 2017 et notamment les 12 mai 2017 et 9 juin 2017 à [LOCALITE 18] ([...]);

CONDAMNE [E F] à un emprisonnement délictuel de SIX MOIS

ORDONNE le maintien en détention de [E F] ;

DIT n'y avoir lieu à aménagement &b initio de la peine ;

ORDONNE la confiscation de l'ensemble des scellés et biens saisis de la présente procédure ;

En application de l'article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont est redevable [E F] ;

Le condamné est informé qu’en cas de paiement du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% de la somme à payer.

Le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE