Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 10 juillet 2017 N° 1621534/2-2

10/07/2017

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

 

 

N°1621534/2-2

___________

 

SCI MARLIN

___________

 

Ordonnance du 10 juillet 2017

______________

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54-10-05

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La vice-présidente de la 2ème section,

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016, la société civile immobilière (SCI) Marlin, représentée par Me Foissac et Me Carcelero, demande au tribunal :

 

1°) de prononcer la décharge de la taxe sur les bureaux, commerces, locaux de stockages et surfaces de stationnement, ainsi que des majorations et intérêts de retard mis à sa charge au titre des années 2012 à 2015 pour un montant de 56 297 euros ;

 

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

 

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 30 décembre 2016 et un mémoire en réplique, enregistré le 3 février 2017, la SCI Marlin demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 231 ter V 2°bis du code général des impôts

 

Elle soutient que cette disposition qui instaure une différence de traitement entre les établissements d’enseignement privé n’ayant pas conclu de contrat avec l’Etat et les autres établissements d’enseignement public ou sous contrat avec l’Etat alors même que leurs activités sont identiques méconnaît les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 car si le législateur peut traiter de façon différente des personnes qui ne sont pas dans la même situation c’est à la condition que la différence de traitement instituée soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

 

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2017, la direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 2) conclut qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI Marlin ;

 

Elle soutient que si la disposition en cause est applicable au litige et n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution, elle ne revêt pas un caractère sérieux ; qu’en effet, les principe d’égalité devant les charges publiques et celui d’égalité devant la loi fiscale n’ont pas été méconnus dès lors que les écoles hors contrat se distinguent des écoles sous contrat par leur liberté pédagogique et d’organisation et sont soumises à un contrôle limité de l’autorité publique aux termes des articles L.442-2 et suivants du code de l’éducation ;

 

Vu :

 

-la délégation du président du tribunal accordée en application de l’article R. 771-7 du code de justice administrative,

-les autres pièces du dossier.

 

Vu :

 

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,

- le code général des impôts,

- le code de justice administrative.

 

 

 

1. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. » ;

 

 

2. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

 

3. Considérant que la SCI Marlin est propriétaire de locaux situés dans le 7ème arrondissement de Paris qu’elle donne en location à un établissement d’enseignement privé dénommé « Lennen Bilingual School » qui n’est pas lié par contrat avec l’Etat pour délivrer son enseignement de niveau primaire; que dans le cadre d’un contrôle, l’administration fiscale a décidé d’assujettir la société à la taxe sur les bureaux pour les années 2012 à 2015 ; que la

SCI Marlin demande la décharge de la taxe sur les bureaux, commerces, locaux de stockages et surfaces de stationnement, ainsi que des majorations et intérêts de retard mis à sa charge au titre des années 2012 à 2015 pour un montant de 56 297 euros ;

 

 

 

 

 

 

 

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

 

 

 

 

 

4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 231 ter du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n°2001-1275 du 28 novembre 2001: « Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France,( …) V.-Sont exonérés de la taxe : (…)/ 2° bis Les locaux administratifs et les surfaces de stationnement des établissements publics d'enseignement du premier et du second degré et des établissements privés sous contrat avec l'Etat au titre des articles L. 442-5 et

L. 442-12 du code de l'éducation ;(…) »

 

 

 

5. Considérant que la société requérante fait valoir que les dispositions de l’article 231 ter V 2° bis du code général des impôts portent atteinte au principe d’égalité devant la loi fiscale posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et au principe de l’égalité devant les charges publiques posé par l'article 13 de la même Déclaration, alors qu’il n’existe aucune différence d’activités entre les établissements d’enseignement privés du primaire sous et hors contrat qui doivent fournir aux élèves un enseignement conforme aux programmes déterminés par l’Etat ; que par ailleurs, cette différence de traitement n’est pas en rapport direct avec le but poursuivi par le législateur qui était d’éviter que les locaux administratifs attenant à des salles de laboratoires privées soient exonérés de taxation; que le fait de ne pas appliquer une exonération identique aux locaux d’enseignement du primaires selon qu’ils sont exploités par des personnes morales de droit public ou des personnes privées liées par un contrat avec l’Etat ou par des personnes privées hors contrat révèle l’existence d’une discrimination condamnable ;

 

 

 

6. Considérant qu’en invoquant la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi fiscale posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que la méconnaissance du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques de l’article 13 de la même Déclaration, la société requérante pose une question prioritaire de constitutionnalité qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; que les dispositions en cause sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que dans ces conditions, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 231 ter V 2°bis du code général des impôts ;

 

 

 

ORDONNE :

 

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité posée par la SCI Marlin portant sur les dispositions de l’article 231 ter V 2°bis du code général des impôts est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

 

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI Marlin et à la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 2).

 

 

 

Fait à Paris, le 10 juillet 2017.

 

 

 

La vice-présidente de la 2ème section,

 

 

 

 

 

D.DEAL

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1621534 /2-2