Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne (Régime autre que le régime agricole)

Ordonnance du 16 juin 2017 n° 20150031

16/06/2017

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PAU

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE BAYONNE

N° DOSSIER : 20150031

CONTENTIEUX GENERAL DE LA SECURITE SOCIALE

Ordonnance du 16 juin 2017

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame Brigitte RFEHM

Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Bayonne,

Présidant l'audience du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bayonne du 14 avril 2017

Secrétaire : Madame [A B]

DEMANDEUR

Dénomination : Société NEOMADES

Adresse (domicile ou siège social) : [adresse 1] [LOCALITE 2]

Comparution : Représentée par Maître HOIN

DEFENDEUR

Raison sociale : U.R.S.S.A.F. [LOCALITE 3]

Adresse (domicile ou siège social) : [adresse 4] [LOCALITE 5]

Comparution : Représentée par Madame [C]

PROCEDURE

Date de la saisine : 20 janvier 2015

Date de la convocation : 18 janvier 2017

Audience de plaidoirie : 14 avril 2017

Notification du jugement : 23 juin 2017

En application des dispositions des articles 44 sexies-0 À du code général des impôts et L 80 B 4° du livre des procédures fiscales, en avril 2008 la société NEOMADES s’est vue reconnaître par les services fiscaux, le statut de jeune entreprise innovante (JET), permettant de bénéficier d’une exonération totale des cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales et ce, jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l’entreprise conformément aux dispositions de l’article 131 de la loi de finances pour 2004 n°2003-1311 du 30 décembre 2003, précision faite que ce texte prévoyait également une exonération totale des cotisations patronales au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles qui a été supprimée à compter du 1” janvier 2008.

Ce dispositif d’exonération a été modifié par le législateur avec effet au 1er janvier 2011 par des dispositions qui, en même temps qu’elle plafonnait le bénéfice de l’exonération, a organisé la sortie progressive du dispositif, par instauration d’un taux dégressif d'exonération des cotisations sociales ; ce dispositif a été à nouveau modifié l’année suivante.

La société NEOMAUDES a néanmoins continué d’appliquer le taux d’exonération de 100% de ces cotisations compte tenu de son statut obtenu en 2008 de jeune entreprise innovante.

À la suite d’un contrôle de l’URSSAF [LOCALITE 6] portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, la société NEOMADES a fait l’objet d’un redressement

intervenu le 21 août 2013 portant sur les points suivants :

l. Exonération Jeunes Entreprises innovantes — Taux applicables : montant du redressement en cotisations : 15 688.00 euros,

2. Exonération Jeunes Entreprises innovantes — Principe du non cumul : montant du redressement en cotisations : 14 025.00 euros,

3. Assiette minimum des cotisation : montant du redressement en cotisations : 288 7,00 euros,

4. Frais professionnels non justifiés — Principes généraux : non contesté,

5. frais professionnels Limites d’exonération : frais inhérents à l’utilisation des NTIC : contesté.

Une mise en demeure a été adressée le 18 décembre 2013 par l’URSSAF [LOCALITE 7] à la société NEOMADES portant réclamation de la somme totale de 37 230,00 euros, soit :

- période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010: cotisations: 43,00 euros -majorations de retard : 8,00 euros,

- période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 : cotisations : 32 557,00 euros -majorations de retard : 4622,00 euros.

Par courrier en date du 10 janvier 2014, la société NEOMADES 2 saisi la commission de recours amiable d’une contestation qui a été rejetée par décision de la commission en date du 29 septembre 2014, notifiée le 24 novembre 2014.

Par courrier reçu au secrétariat le 21 janvier 2015, la société NEOMADES, par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bayonne pour contester cette décision.

Le 07 février 2017, la Société NEOMADES a déposé un mémoire demandant au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de [LOCALITE 8] de transmettre pour renvoi au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

Les dispositions des articles 175 de la loi de finances pour 2011, n°2010-1657 du 29 décembre 2010 et 37 IV de la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011 portent-elles atteinte aux droits acquis garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 et par la Constitution?

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis.

En l’espèce, la société NEOMADES prétend que les dispositions des articles 175 de la loi de finances pour 2011, n°2010-1657 du 29 décembre 2010 et 37 IV de Ia loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus particulièrement à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité, en ce que l’article 16 dispose que «Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution », de sorte qu’en modifiant dans un sens défavorable, la législation sur le fondement de laquelle les JET se sont créées sur la foi de l’existence d’un taux d’exonération des charges patronales immuables pendant 7 ans et en prévoyant l’application de ces dispositions plus défavorables aux JEI créées avant 2011, les articles sus-visés ont porté aux situations légalement acquises, une atteinte qui n’est pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant.

En réplique, l’'URSSAF [LOCALITE 9] a indiqué ne pas avoir d’observation particulière à faire valoir sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société NEOMADES et s’en remettre au Tribunal.

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 09 février 2017 puis, l'avis ayant été retourné non renseigné, a été communiquée à nouveau le 13 mars 2017.

Le ministère public a fait connaître son avis le 27 mars 2017 en concluant à la transmission à la Cour de Cassation de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

L'affaire a été appelée à l’audience du 14 avril 2017 pour être mise en délibéré au 16 juin 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par les dispositions des articles 175 de la loi de finances pour 2011 n°2010-1657 du 29 décembre 2010 et 37 IV de la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011

Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution:

En l'espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 07 février 2017 dans un écrit distinct des conclusions de la société NEOMADES et motivé.

Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce

- les dispositions contestées sont applicables au litige ou à la procédure, puisqu'elles sont relatives au bénéfice de l’exonération des charges sociales patronales accordée au jeunes entreprises innovantes et que le redressement opéré par l’'URSSAF [LOCALITE 10] 2003) est ainsi modifié :

1° À la première phrase du I, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;

2° La deuxième phrase du premier alinéa du V est remplacée par deux phrases ainsi rédigées:

« L'exonération est ensuite applicable à un taux de 80 % jusqu'au dernier jour de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 70 % jusqu'au dernier jour de la cinquième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 60 % jusqu'au dernier jour de la sixième année suivant celle de la création de l'établissement et à un taux de 50 % jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement. Ces taux ne s'appliquent pas sur la base des plafonds mentionnés au I, mais sur les exonérations des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales versées par l'établissement. »

IV. — Le II est applicable aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à : compter du 1er janvier 2012.

Il résulte de ces dispositions que:

- par l’effet de l’article 175 susvisé de la loi de finances pour 2011 n°2010-1657 du 29 décembre 2010, le taux d’exonération des charges sociales patronales applicables aux JET a été ramené à 75% à compter de la 4ème année, 50% pour la 5ème année, 30% pour la 6ème année et 10% pour la 7ème année

- par l’effet de l’article 37 susvisé de la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011- 1978 du 28 décembre 2011, le taux d’exonération des charges sociales patronales applicables aux JET a été ramené à 80% à compter de la 4ème année, 70% pour la Sème année, 60% pour la 6ème année et 50% pour la 7ème année.

Conformément aux dispositions de l’article 1 II 3° de la loi de finances pour 2011, l’article 175 est entré en vigueur le 1er janvier 2011.

L'article 37 IV de la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011 prévoit que les modifications sont applicables aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012.

La question est sérieuse puisqu’il convient d’apprécier si, en modifiant dans un sens défavorable la législation sur le fondement de laquelle les JET se sont créées sur la foi de l’existence d’un taux d’exonération des charges patronales immuables pendant 7 ans et en prévoyant l’application de ces dispositions plus défavorables aux JET créées avant 2011, les articles sus-visés ont porté, aux situations légalement acquises et à la situation juridique des JEI créées avant 2011, une atteinte non justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante:

L'article 175 de la loi de finances pour 2011 n°2010-1657 du 29 décembre 2010 et l’article 37 IV dé la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011, en modifiant dans un sens défavorable la législation sur le fondement de laquelle les JET se sont créées sur la foi de l’existence d’un taux d’exonération des charges patronales immuables pendant 7 ans et en prévoyant l’application de ces dispositions plus défavorables aux JET créées avant 2011, portent-ils atteinte aux droits acquis garantis par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 intégré au bloc de constitutionnalité?

PAR CES MOTIFS:

Le président du tribunal des affaires de sécurité sociale de [LOCALITE 11], statuant après débats en audience publique, par ordonnance mise à disposition au indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNONS la transmission à la Cour de cassation de la question suivante:

L'article 175 de la loi de finances pour 2011 n°2010-1657 du 29 décembre 2010 et l’article 37 IV de la loi de finances rectificative pour 2011 n°2011-1978 du 28 décembre 2011, en modifiant dans un sens défavorable la législation sur le fondement de laquelle les JET se sont créées sur la foi de l’existence d’un taux d’exonération des charges patronales immuables pendant 7 ans et en prévoyant l’application de ces dispositions plus défavorables aux JET créées avant 2011, portent-ils atteinte aux droits acquis garantis par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 intégré au bloc de constitutionnalité?

DISONS que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire,

DISONS que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision,

DISONS que l’affaire sera rappelée à l’audience du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bayonne du 15 décembre 2017 à 09 H 30.

La Secrétaire

La Présidente de la formation de Jugement