Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 9 février 2017 N° 1620502/1/1

09/02/2017

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

 

 

N° 1620502/1/1

___________

 

M. A... B...

___________

 

Ordonnance du 9 février 2017

___________

 

54-10-05

 

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La présidente de la 1ère section, statuant sur le fondement de l’article L. 771-7 du code de justice administrative,

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une ordonnance en date du 25 novembre 2016, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Paris le dossier de la requête de M. B..., enregistrée le 23 septembre 2016 sous le n° 1607289 au greffe du tribunal administratif de Montreuil.

 

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Paris, M. A... B..., représenté par Me Dervieu, demande au Tribunal de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013 et des pénalités correspondantes, à titre subsidiaire, d’en prononcer la réduction par application du taux d’imposition forfaitaire de 19% et, à titre encore plus subsidiaire, d’en prononcer la réduction par application de l’abattement de droit commun de 65 %.

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 26 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Paris, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 janvier 2017, M. B... demande au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité au principe d’égalité devant la loi fiscale, au principe de capacité contributive du contribuable et à l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 des dispositions de l’article 150-0 D alinea 1er ter du code général des impôts en tant qu’il ne prévoit pas, au regard des abattements de durée de détention, le sort des plus-values sur titres réalisées avant le 1er janvier 2013 rendues taxables après le 1er janvier 2013 par application du IV de l’article 150-0 D ter.

 

Il soutient que :

 

- que la disposition est applicable au litige et constitue le fondement des poursuites,

- que si le Conseil s’est prononcé dans ses décisions n° 2015-515 et 2016-538 sur le caractère constitutionnel de l’article 150-0 D et notamment sur l’application des abattements pour durée de détention à une cession de titre intervenue avant le 1er janvier 2013, l’imposition d’une plus-value dégagée à l’occasion d’une cession de titres réalisée en 2011 par un dirigeant de PME partant à la retraite, taxé en 2013 au taux progressif de l’impôt sur le revenu sans aucune application des abattements de droit commun au motif du non respect de l’une des conditions prévues au IV de l’article 150-0 D ter alors qu’il détenait ces titres depuis plus de huit ans constitue une circonstance de fait particulière et nouvelle affectant la disposition législative contestée et justifiant un nouvel examen,

- que la question présente un caractère sérieux, l’absence d’application des abattements de droit commun entrainant une taxation largement supérieure à celle qu’il aurait pu prétendre si la plus-value avait été réalisée après le 1er janvier 2013, portant atteinte à sa capacité contributive et méconnaissant le principe d’égalité devant la loi et l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2017, la directrice de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. B....

 

Elle soutient que si la disposition contestée est applicable au litige, elle a déjà été déclarée conforme à la Constitution ; que le changement de circonstance de fait invoqué par le requérant n’affecte pas la portée de la disposition législative en jeu.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

 

- la Constitution,

- la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789,

- l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

- le code général des impôts,

- le décret n°2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution,

- le code de justice administrative.

 

 

 

1. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 « (...) les gains nets de cession à titre onéreux d’actions, de parts de société, de droits (...) sont réduits d’un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas au 1ter ou au 1 quater du présent article mentionnés au deuxième alinéa du présent article » ; qu’aux termes du 1 ter susmentionné « L’abattement mentionné au 1 est égal à : a) 50% du montant des gains nets ou des distributions, lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; /b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions, lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. » ; que l’article 17 susmentionné précise en son III, non codifié, que ces dispositions « s’appliquent aux gains réalisées et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2013 »; que M. B... fait valoir que la combinaison de ces dispositions avec celles de l’article 150 0 D ter du même code, dans sa rédaction applicable au titre de l’année 2011, prévoyant en son IV la remise en cause de l’abattement prévu au I du même article en cas de non respect des conditions prévues « au titre de l’année au cours de laquelle la condition précitée cesse d’être remplie » conduit l’administration à taxer les plus values nées antérieurement à l’année 2013 à l’impôt sur le revenu au taux progressif prévu par l’article 10 de la loi 2012-1509 du 29 décembre 2012 sans le bénéfice des abattements pour durée de détention prévus par les dispositions sus rappelées de l’article 150-0 D alinéa 1er ter en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la capacité contributive du contribuable ;

 

3. Considérant d’une part, que les dispositions contestées, telles que rappelées au point précédent, doivent être regardées comme applicables au litige présenté devant le tribunal ;

 

4. Considérant d’autre part, qu’il est constant que le Conseil constitutionnel, saisi des dispositions des 1 ter et 1 quater de l’article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2014, a déclaré conforme à la Constitution les trois premiers alinéas du 1 ter et le A du 1 quater dudit article sous les réserves énoncées aux considérants 11 et 15 de la décision 2016-538; que le requérant fait toutefois valoir que l’imposition de la plus-value dégagée lors d’une cession à l’occasion d’un départ à la retraite ne peut s’apparenter à l’imposition d’une plus-value placée en report d’imposition ; qu’elle découle de la remise en cause des abattements prévus au IV de l’article 150 0 D ter du même code sans que le législateur ait prévu au regard des abattements pour durée de détention le sort de cette plus-value; qu’il y a lieu, dans cette mesure, de regarder cette imposition comme constitutive d’une circonstance de fait et de droit nouvelle, affectant les dispositions contestées, et en justifiant un nouvel examen ;

 

5. Considérant enfin, que la question de la conformité des dispositions contestées aux principes invoqués par le requérant tels qu’énoncés au point 2 n’apparaît pas dépourvue de caractère sérieux eu égard aux modalités d’imposition des plus values en découlant ;

 

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soumise pour M. B... ;

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 150-0 D alinea 1er ter du code général des impôts en tant qu’il ne prévoit pas, au regard des abattements pour durée de détention, le sort des plus-values sur titres réalisées avant le 1er janvier 2013 rendues taxables après le 1er janvier 2013 par application du IV de l’article 150-0 D ter est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu’à ce que le Conseil d’Etat, ou le Conseil constitutionnel s’il en est saisi, se prononce sur la question visée à l’article 1er.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et à la directrice en charge de la direction nationale des vérifications des situations fiscales.

 

 

 

Fait à Paris, le 9 février 2017.

 

 

 

La présidente de la 1ère section,

 

 

 

F. REGNIER-BIRSTER

 

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous les huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4

N° 1620502/1-1