Tribunal administratif de Montreuil

Ordonnance du 18 janvier 2017 N° 1606585

18/01/2017

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

 

 

 

N°1606585

___________

 

M. B... C...

___________

 

Ordonnance du 18 janvier 2017

___________

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 9ème chambre,

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 27 août 2016, M. B... C..., représenté par Me Morand, Me Kempf et Me Pascual, demande au tribunal :

 

1°) d’annuler l’arrêté du 27 juin 2016 par lequel le préfet de police l’a interdit de séjour à Paris le mardi 28 juin 2016, entre 11h et 20h à l’intérieur d’un périmètre délimité, et entre 18h et 7h le lendemain, dans un autre périmètre délimité ;

 

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 20 décembre 2016, M. C..., représenté par Me Kempf et Me Pascual, demande au tribunal, à l’appui de cette requête, de transmettre au Conseil d’Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la constitutionnalité de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil Constitutionnel.

 

Il soutient que :

- les dispositions de l’article 5-3° et de l’article 13 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955, ainsi interprétées, portent atteinte à la liberté d’aller et venir, de travailler, d’expression, de manifester, au droit de mener une vie familiale normale et au droit d’expression collective des idées et des opinions ;

- elles sont entachées d’incompétence négative du législateur ;

- la question ainsi soulevée présente un caractère sérieux ;

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n°55-385 du 3 avril 1955 ;

- la loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- la loi n°2016-629 du 20 mai 2016 ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n°2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n°2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

 

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article » ; qu’en vertu de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux (…) » ; qu’en vertu des dispositions de l’article R. 771-7 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi ci-dessus visée du 3 avril 1955 : «La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2 :/(…) 3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics. » ; que l’article 13 de la même loi punit de peines d’emprisonnement et d’amende toutes les infractions aux mesures décidées en application de l’article 5 ;

 

3. Considérant que les dispositions du 3° de l’article 5 et de l’article 13 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 sont applicables au présent litige, relatif à une interdiction préfectorale de séjour à Paris pour une période déterminée et dans un périmètre déterminé prise dans le cadre de l’état d’urgence ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; que les moyens tirés de ce que lesdites dispositions méconnaissent la liberté d’aller et venir, de travailler, d’expression, de manifester, le droit de mener une vie familiale normale et le droit d’expression collective des idées et des opinions, ne sont pas dépourvus de caractère sérieux ;

 

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu, en application des dispositions précitées de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre la question de constitutionnalité ainsi soulevée au Conseil d’Etat ;

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 5-3° et de l’article 13 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 soulevée par M. C... est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 1606585 de M. C... jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a déjà été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question préjudicielle ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... et au préfet de police de Paris.

 

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l’intérieur.

 

 

 

Fait à Montreuil, le 18 janvier 2017.

 

 

 

Le président de la 9ème chambre,

 

 

Signé

 

 

M. A...

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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