Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 19 septembre 2016 N° 1609254/2-1

19/09/2016

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

 

 

 

N° 1609254/2-1

___________

 

Société BARNES

M. A... de SAINT VINCENT

_________

 

Ordonnance du 19 septembre 2016

__________

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le vice-président du tribunal administratif

statuant sur le fondement de l’article R. 771-7

du code de justice administrative

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016 sous le n° 1609254, la société Barnes et M. A... de Saint Vincent, son président, représentés par Me Lehman, demandent au tribunal d’annuler la sanction prononcée à leur encontre par la Commission nationale des sanctions le 21 mars 2016 ;

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 juin 2016, la société Barnes et M. A... de Saint Vincent, son président, demandent au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 561-37 et suivants du code monétaire et financier.

 

Ils soutiennent que les dispositions des articles L. 561-41, L. 561-42 et L. 561-45 du code monétaire et financier méconnaissent le principe constitutionnel d’impartialité des juridictions découlant de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dès lors que la Commission nationale des sanctions exerce à la fois les fonctions de poursuite et de jugement.

 

Par un mémoire enregistré le 2 août 2016, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique conclut à la non transmission de la question au Conseil d’Etat.

 

Elle soutient que les conditions prévues à l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies dès lors que la question posée est dépourvue de caractère sérieux.

 

Vu les autres pièces des dossiers.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, ensemble le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de ladite loi,

 

- le code monétaire et financier,

- le code de justice administrative.

 

1. Considérant que l’article R. 771-7 du code de justice administrative dispose que « Les présidents de tribunal administratif (…), les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » ; et qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. » ;

 

3. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif, saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité que soulève la société Barnes et M. A... de Saint Vincent porte sur la procédure applicable en ce qui concerne les décisions prises par la Commission nationale des sanctions instituée par les dispositions de l’article L.561-38 du code monétaire et financier ; que les requérants soutiennent que la procédure devant cette commission méconnaît le principe d’impartialité en ce qu’elle n’assure pas la séparation entre ,d’une part, les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements visés à l’article L.561-37 du code monétaire et financier et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements ; qu’ils font état pour justifier de cette méconnaissance du principe d’impartialité des dispositions des articles L. 561-41, L. 561-42 et L. 561-45 du code monétaire et financier ; que ces dispositions sont applicables au litige présenté devant le tribunal ; qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte au principe d’impartialité découlant de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne peut être regardée comme étant dépourvue de caractère sérieux ; que, par suite, il y a lieu de transmettre cette question au Conseil d’Etat ;

 

 

 

ORDONNE :

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 561-41, L. 561-42 et L. 561-45 du code monétaire et financier est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Barnes, et M. A... de Saint Vincent jusqu’à ce que le Conseil d’Etat, ou le Conseil constitutionnel s’il en est saisi, se prononce sur la question visée à l’article 1er.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Barnes, à M. A... de Saint Vincent et au ministre de l’économie et des finances.

 

 

Fait à Paris, le 19 septembre 2016

 

 

Le vice-président du tribunal

 

 

 

 

A. Mendras

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N° 1609254/2-1

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