Cour administrative d'appel de Versailles

Ordonnance du 19 juillet 2016 N° 14VE00855

19/07/2016

Renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL

DE VERSAILLES

 

 

N° 14VE00855

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SAS ALINEA

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Ordonnance du 19 juillet 2016

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La Cour administrative d'appel de Versailles

 

Le Président de la 6ème Chambre

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

 

La SAS ALINEA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de fixer le montant de sa créance sur le trésor résultant de son option pour le report en arrière de son déficit constaté au titre de l’exercice clos en 2010 à la somme de 1 850 524 euros.

 

Par un jugement n° 1204818 du 27 janvier 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS ALINEA.

 

Procédure devant la Cour :

 

Par une requête enregistrée le 24 mars 2014, la SAS ALINEA, représentée par

Me Stéphane Austry et Me Agnès Rivière-Durieux, avocats, a demandé à la Cour :

 

1° d’annuler ce jugement ;

 

2° de faire droit à sa demande de première instance.

 

Par des mémoires, enregistrés les 9 juin, 6 et 13 juillet 2016, cette même société demande à la Cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 31 du II de la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011.

 

Elle soutient que :

- ces dispositions, qui n’ont jamais été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

- elles portent atteinte à une situation légalement acquise sans pour autant que cette atteinte soit justifiée par un quelconque motif d’intérêt général.

 

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juin et 12 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Société ALINEA au motif qu’elle est dépourvue de caractère sérieux.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique

n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

- le code de justice administrative.

 

 

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé./Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. » ;

 

2. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la Cour administrative d’appel saisie d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de cette question et procède à celle-ci si est remplie la triple condition que la disposition soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

3. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2011-1117 du

19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : « Sous réserve de l’option prévue à l’article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d'un montant de 1 000 000 € majoré de 60 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. Il en est de même de la fraction de déficit non admise en déduction en application de la première phrase du présent alinéa » ; qu’aux termes de l’article 220 quinquies du code général des impôts dans sa rédaction issue de la même loi : « I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ce bénéfice (…). Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du

1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application du troisième alinéa du I de l'article 209. / Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d'être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté. / L'option mentionnée au premier alinéa n'est admise qu'à la condition qu'elle porte sur le déficit constaté au titre de l'exercice, dans la limite du montant le plus faible entre le bénéfice déclaré au titre de l'exercice précédent et un montant de 1 000 000 €. / (…) II. L’option visée au I est exercée au cours de l’exercice au titre duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de cet exercice (…) » ; qu’aux termes de l’article 31 de la loi n° 2011-1978 du

28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : « (…) II - L'article 2 de la loi

n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par un IV ainsi rédigé : « IV. ― Les I, II et III s'appliquent aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi ainsi qu'aux déficits restant à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date » / III. ― Les dispositions du II ont un caractère interprétatif » ;

 

4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 220 du code général des impôts, d’une part, que le report en arrière des déficits n’est possible que sur le bénéfice de l’exercice précédant celui au titre duquel le déficit reporté est constaté, d’autre part, que l’option doit être exercée dans le délai de dépôt de la déclaration de résultats de l’exercice au cours duquel ce déficit est constaté et ne peut porter que sur le déficit constaté au cours de cet exercice et qu’enfin le déficit reporté est plafonné à un million d’euros ; que l’article 31 du II de la loi susvisée du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 précise que ces dispositions s’appliquent aux déficits nés avant la date d’entrée en vigueur de la loi susvisée du 19 septembre 2011 dont elles sont issues ; que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante porte sur les dispositions de cet article 31 ; qu’en raison, selon cette société, de leur caractère rétroactif, elles portent atteinte à une situation légalement acquise sans pour autant que cette atteinte soit justifiée par un quelconque motif d’intérêt général ;

 

5. Considérant que si le ministre des finances et des comptes publics fait valoir que les auteurs de la loi du 19 septembre 2011 ont, dès l’origine, entendu remettre en cause les règles antérieures relatives aux déficits nés avant l’entrée en vigueur de cette loi et que les dispositions de l’article 31 du II de la loi du 28 décembre 2011, qui n’ont ainsi qu’un caractère interprétatif, ne portent pas atteinte à une situation légalement acquise, cette interprétation est contestée par la société requérante, sur la base notamment des travaux parlementaires de la loi du 19 septembre 2011 ;

 

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui porte sur des dispositions applicables au litige en cours et non encore déclarées conformes à la Constitution, présente un caractère sérieux ; qu’il y a lieu de la transmettre au Conseil d’Etat ;

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : Il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS ALINEA.

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS ALINEA et au ministre des finances et des comptes publics.

 

 

Fait à Versailles, le 19 juillet 2016.

 

Le président de la 6ème Chambre,

 

 

 

 

J.-P. DEMOUVEAUX

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

Pour expédition conforme.

Le greffier,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 14VE00855