Cour de discipline budgétaire et financière

Arrêt du 21 juin 2016 n° 209-730-I

21/06/2016

Renvoi partiel

Cour de discipline budgétaire et financière

 

Seconde section

 

Arrêt du 21 juin 2016 « Office national des eaux et des milieux aquatiques (ONEMA) - Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) »

 

N° 209-730-I

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

---

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE

Siégeant à la Cour des comptes en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

 

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1, 23-2 et 23-3 ;

 

Vu le code des juridictions financières, notamment son article LO 142-2 et le titre Ier de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

 

Vu les décisions n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015 du Conseil constitutionnel ;

 

Vu les décisions du Conseil d’État statuant au contentieux n° 396696 du 15 avril 2016 et n° 397663 du 27 mai 2016 ;

 

Vu la communication en date du 29 janvier 2013 enregistrée le 1er février suivant, par laquelle le président de la septième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général de la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision prise par ladite chambre, en sa séance du 20 septembre 2012, de déférer des faits laissant présumer l’existence d’irrégularités dans la gestion financière, administrative et comptable de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), intervenues au cours des exercices 2007 à 2011 ;

 

Vu le réquisitoire du 9 juillet 2013, par lequel le procureur général de la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de l’article L. 314-3 du CJF ;

 

Vu la décision du 16 septembre 2013, par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Michel Provost, alors président de section de chambre régionale des comptes ;

 

 

Vu la décision du procureur général du 18 janvier 2016 renvoyant devant la Cour de discipline budgétaire et financière M. Patrick X..., Mme Christiane Y..., Mme Sophie Z...,

M. Alexis A..., Mme Sandrine B..., M. Nicolas C... et Mme Rosine D..., conformément à l’article L. 314-6 du CJF, ainsi que les lettres du même jour qu’il leur a adressées pour les informer de cette décision, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

 

Vu la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Maître Drai et Maître Blanc pour Mme B..., par un mémoire enregistré par le greffe le 21 avril 2016, relative aux articles L. 311-4, L. 312-1, L. 313-1, L. 313-4, L. 313-6, L. 314-1, L. 314-8, L. 314-18 et

L. 314-19 du code des juridictions financières ; Vu les autres pièces du dossier ; Entendu le rapporteur, M. Provost ;

Entendu le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en ses conclusions ;

 

Entendu Maître Blanc, conseil de Mme B..., les personnes renvoyées et leurs conseils ayant été invités à présenter leurs observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

 

Après en avoir délibéré ;

 

1. Considérant que l’article 61-1 de la Constitution dispose : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État […] qui se prononce dans un délai déterminé. » ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article LO 142-2 du code des juridictions financières : « I.- La transmission au Conseil d’Etat, par une juridiction régie par le présent code, d’une question prioritaire de constitutionnalité obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. » ;

 

3. Considérant qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée, « […] le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé […] » ; que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B..., en ce qu’elle porte sur les dispositions de l’article

L. 311-4 n’a pas été présentée de façon motivée ce qui la rend, pour ces dispositions, irrecevable ;

 

4. Considérant qu’en application de l’article 23-2 de l’ordonnance de 1958 précitée, la transmission au Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité est soumise à trois conditions : la disposition législative contestée est « […] applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites […] » ; elle ne doit pas avoir

« […] été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances » ; la question soulevée

« […] n’est pas dépourvue de caractère sérieux. » ;

 

 

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-19 du code des juridictions financières : « Au cas où la Cour n’aurait pas été saisie ou n’aurait relevé aucune infraction susceptible de donner lieu aux sanctions prévues au présent titre, les ministres ou autorités responsables sont tenus d’engager l’action disciplinaire contre les agents mentionnés à l’article L. 312-1 dont la faute aura été relevée par la Cour des comptes dans un référé, dans un rapport annuel ou dans une communication faite au Parlement en application de l’article 47 de la Constitution et des articles LO 132-1, L. 132-3, L. 132-4 et L. 143-5, chaque fois que cette faute aura entraîné un dépassement de crédit ou causé un préjudice à l’une des collectivités visées à l’article L. 312-1. Les sanctions prises à la suite de la procédure instituée par le présent article sont portées à la connaissance du Parlement » ; que ces dispositions, relatives aux conséquences que les autorités compétentes sont tenues, dans

certains cas, de tirer d’une absence de saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière

ou de l’absence de constat par celle-ci d’une infraction, ne sont pas applicables au litige ;

 

6. Considérant que les dispositions des articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, aucun changement de circonstances n’est susceptible de justifier le renvoi de la question soulevée en tant qu’elle porte sur ces dispositions ;

 

7. Considérant qu’eu égard notamment aux décisions visées ci-dessus par lesquelles le Conseil d’État statuant au contentieux, saisi de questions portant sur la conformité à la Constitution des articles L. 314-1 et L. 314-8 du code des juridictions financières ne les a pas transmises au Conseil constitutionnel, la question posée en tant qu’elle vise les mêmes dispositions, dont la constitutionnalité est contestée au regard des mêmes règles, est dépourvue de caractère sérieux ;

 

8. Considérant que l’article L. 312-1 du code des juridictions financières détermine les personnes qui sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière et prévoit des exceptions ; qu’il est invoqué s’agissant des dispositions de cet article une violation de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’elles distingueraient certains élus des autres citoyens et agents publics dans les possibilités de poursuite ;

 

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières : « Les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire. Si l’instruction permet ou a permis de relever à la charge d’une personne mentionnée à l’article L. 312-1 des faits qui paraissent de nature à justifier une sanction disciplinaire, le président de la Cour signale ces faits à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire sur l’intéressé. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître au président de la Cour par une communication motivée les mesures qu’elle a prises. Si l’instruction fait apparaître des faits susceptibles de constituer des délits ou des crimes, le procureur général transmet le dossier au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale et avise de cette transmission le ministre ou l’autorité dont relève l’intéressé. Si la Cour estime, en statuant sur les poursuites, qu’une sanction disciplinaire peut être encourue, elle communique le dossier à l’autorité compétente. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître à la Cour, par une communication motivée, les mesures qu’elle a prises […] » ; que si le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, déclaré ces dispositions conformes, avec une réserve, à la Constitution, les développements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont se prévaut Mme B..., en ce qui concerne le principe non bis in idem, manifestés par les décisions n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015

 

constituent, toutefois, une circonstance de droit nouvelle de nature à ce que cette précédente décision du 24 octobre 2014 ne fasse pas obstacle à ce que la question de la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

 

10. Considérant que les moyens tirés de ce que ces dispositions des articles

L. 312-1 et L. 314-18 du code des juridictions financières porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment ceux prévus aux articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, posent des questions qui ne peuvent être regardées comme dépourvues de caractère sérieux ;

 

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de ne transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B... qu’en ce qui concerne les articles L.312-1 et L. 314-18 du code des juridictions financières ;

 

12. Considérant que l’article 23-3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que « Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’Etat […] ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel […] » ;

 

 

 

 

ARRÊTE :

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 312-1 et

L. 314-18 du code des juridictions financières est transmise au Conseil d’État.

 

Article 2 : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité à la Constitution des autres articles contestés du code des juridictions financières.

 

Article 3 : Il est sursis à statuer sur le fond de l’affaire n° 730.

 

 

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le 3 juin par M. Toutée, président de la section des finances du Conseil d’État, président ; MM. Ménéménis et Boulouis, conseillers d’État ; M. Geoffroy, conseiller maître à la Cour des comptes.

 

Notifié le 21 juin 2016.

 

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

 

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.

 

 

 

 

Le président, La greffière,

 

 

Henri TOUTEE Isabelle REYT

 

 

 

 

 

1