Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 9 juin 2016 n° 16/04444

09/06/2016

Renvoi

COUR D'APPEL DE PARIS

Palais de Justice

34, quai des orfèvres

75055 PARIS LOUVRE SP

N° Dossier : 16/04444

N° BO : P06118090012

Pôle 4 - Ch.11

ARRET DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

N° de minute : 6

Le 09 juin 2016,

La Cour, composée lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de :

Mme Cécile GARNIER, Président

Mme Isabelle SCHOON WATER. Conseiller

Mme Monique TAFFIN, Conseiller

GREFFIER : Mme Lozie SOKY, Greïtier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt

MINISTÈRE PUBLIC : Mme Dominique PERARD, Avocat Général, lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt ;

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :

Vu les articles R. 49-21 à R. 49-29 du Code de Procédure Pénale et notamment l’article R.49-27 alinéa 2 ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité formée par les sociétés SA APROCHIM, la SAS CHIMIREC et la SAS CHIMIREC EST représentées par Maître CLEMENT Jean-Nicolas, avocat au barreau de Paris, et reçue au greffe par télécopie le 06 juin 2016.

Maître BÜUSSON Benoist, conseil de l'ADEME AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE, de l’ ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et de MAYENNE NATURE ENVIRONNEMENT, avocat au barreau de Paris. est entendu en ses observations,

Maître FARO Alexandre, conseil du CNIID, de ECOLOGIE SANS FRONTIÈRE et de l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, avocat au barreau de Paris, est entendu en ses observations.

Maître AYADI conseil de ASSOCIATION SAUVEGARDE DES VALLEES ET DE PREVENTION DES POLLUTIONS, avocat au barreau d’Epinal se joint aux observations de ses confrères,

Le Ministère public entendu en ses observations demande le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Dans son avis exprimé le 7 mars 2016, le ministère public soutient l’irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité en raison de l’absence d’appel du jugement du 22 octobre 2013, subsidiairement le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité en raison de l’absence de caractère sérieux qu'elle présente.

SUR CE,

SUR LE MOYEN TIRE DE L’INCONSTITUTIONNALITÉ DE LA DISPOSITION LEGISLATIVE FONDANT LES POURSUITES:

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution:

Il convient d'observer que le refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ne peut faire l’objet que d’une contestation , laquelle doit être présentée devant la juridiction saisie de tout ou partie du litige, sous forme d’un écrit distinct et motivé posant de nouveau la question.

La cour est saisie de l’appel du jugement du 18 décembre 2013 sur le fond du dossier. La contestation du refus de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité est présentée par les prévenues les sociétés Chimirec SAS, Aprochim SA et Chinirec Est SAS sous forme d’un écrit distinct et motivé. Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 7 mars 2016 dans un écrit distinct et motivé. Il est recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

Les prévenues sont renvoyées devant la juridiction correctionnelle pour des infractions prévues et réprimées notamment par les textes L541-46-8°, L541-7 et L541-22 du code de l’environnement.

Les dispositions de l'article L. 541-46-8°du code de l’environnement, dans leur version applicable à la période de prévention, soit entre 2000 et 2006, étaient ainsi libellées:

«Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de : (...) 8° Eliminer ou récupérer des déchets ou matériaux sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques et financières de prise en charge des déchets ou matériaux et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541-11, L.541-22, L.541-24, L541-35 et L.541-36. »,

L'article L541-22 du code de l’environnement auquel il est renvoyé disposait dans sa rédaction applicable à la période de prévention que : « Pour certaines des catégories de déchets visées à l'article L. 541-7 et précisées par décret, l'administration fixe, sur tout ou partie du territoire national, les conditions d'exercice de l'activité d'élimination telle qu'elle est définie à l'article L. 541-2».

Dans sa rédaction applicable aux moments des fait soit entre le 21 septembre 2000 et le 19 septembre 2010, l'article L. 541-7 du code de l'environnement disposait : “Les entreprises qui produisent, importent, exportent, éliminent ou qui transportent, se livrent à des opérations de courtage ou de négoce des déchets appartenant aux catégories définies par décret comme pouvant, soit en l'état, soit lors de leur élimination, causer des nuisances telles que celles qui sont mentionnées à l'article L. 541-2 sont tenues de fournir à l'administration toutes informations concernant l'origine, la nature, les caractéristiques, les quantités, la destination et les modalités d'élimination des déchets qu'elles produisent, remettent à un tiers ou prennent en charge.

Selon les requérantes à la QPC, cet article législatif pose ainsi le problème d’une nomenclature des déchets pouvant générer des nuisances particulières au sens de l'article L.541-2 du code de l'environnement par l'autorité réglementaire et en particulier les PCB.

La question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles L.541-7 et L.541-22 du code l’environnement porte sur la violation de l’article 7 de la charte de l’environnement prévoyant l'information du public à propos des décisions de l’autorité publique ayant une incidence sur l’environnement.

Les dispositions contestées n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel et la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux en ce que l’article 7 de la charte de l’environnement dispose que “toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi d'accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement”. Cet article vise les droits et libertés que la Constitution garantit. La question prioritaire de constitutionnalité pose le problème qui en résulte pour le législateur de déterminer et les autorités administratives dans le cadre défini par la loi, les modalités de la mise en oeuvre de ces dispositions.

Les requérantes à la question prioritaire de constitutionnalité soutiennent que pour les articles L.541- 7 et L.541-22, le législateur renvoie au pouvoir réglementaire la fixation d’une nomenclature des déchets dangereux et les conditions d’exercice de l’activité d’élimination au regard desquelles seront notamment octroyées des décisions individuelles d’exploiter sans imposer une participation du public.

Elles mentionnent que la problématique est la même que celle qui a été examinée et tranchée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 14 octobre 2011 n° 2011-183/184 constatant que «les décrets de nomenclature mentionnés à l'article L.511-2 du Code de l'environnement qui déterminent le régime applicable aux installations classées constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » et donc est soumise au principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Elles en concluent qu’à défaut de prévisions sur l'information et la participation du public par le législateur, les dispositions contestées portent atteinte aux droits déterminés par l’article 7 de la Charte.

En outre, les requérantes à la question prioritaire de constitutionnalité font valoir qu’à l’occasion d’une décision du 24 mai 2013, le Conseil Constitutionnel a accepté d’examiner la conformité à la Charte de l’environnement d’une disposition législative antérieure à la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, date d’entrée en vigueur de l’article 7 de la Charte.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question: “les articles L.541-7 et L541-22 du code de l’environnement, dans leur rédaction antérieure à l’Ordonnance du 17 décembre 2010, satisfont-ils au principe de participation tel qu’il résulte notamment des articles 1,2 et 7 de la Charte de l’environnement et partant ont-ils été édictés sans que le législateur méconnaisse, en violation notamment des articles 34 et 37 de la Constitution, l’étendue de sa compétence?”

SUR L'ACTION PUBLIQUE ET L'ACTION CIVILE :

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’action publique et l’action civile, l’examen de l’affaire étant renvoyé à l'audience du 14 mars 2017.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l’encontre de [C], par défaut à l’égard de la partie civile la commission de protection des eaux, contradictoirement à l’égard des autres prévenus et des parties civiles, non susceptible de recours,

AVANT DIRE DROIT

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question suivante: “les articles L.541-7 et L541-22 du code de l’environnement, dans leur rédaction antérieure à l’Ordonnance du 17 décembre 2010, satisfont-ils au principe de participation tel qu’il résulte notamment des articles 1,2 et 7 de la Charte de l’environnement et partant ont-ils été édictés sans que le législateur méconnaisse, en violation notamment des articles 34 et 37 de la Constitution, l’étendue de sa compétence?”

DIT que la présente décision sera adressée par le greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité;

SUR L'ACTION PUBLIQUE

SURSOIT à statuer sur les poursuites engagées à l’encontre des prévenus:

SUR L'ACTION CIVILE

SURSOIT à statuer sur l’action civile ;

RENVOIE l’examen de la présente affaire à l’audience du 14 mars 2017 à heures:

Et Le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,