Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 22 février 2016 N° 1505863/1-1

22/02/2016

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

 

 

N°1505863/1-1

___________

 

M. A... B...

___________

 

Ordonnance du 22 février 2016

___________

 

54-10-05

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La présidente de la 1ère section,

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 9 avril 2015, M. A... B..., représenté par Me Planchat demande au Tribunal:

 

1°) la décharge des amendes fiscales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2011 sur le fondement du IV de l’article 1736 du code général des impôts,mises en recouvrement le 29 aout 2014 ;

 

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 11 janvier 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 29 janvier 2016, M. B... demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l’article 1736 du code général des impôts.

 

Il soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi pénale dès lors que l’article L. 152-5 du code monétaire et financier prévoit pour les mêmes faits l’application d’une amende.

 

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 janvier 2016 et le 5 février 2016, la directrice en charge de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

 

Elle soutient que ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux.

 

 

 

 

Vu :

 

-la délégation du président du tribunal accordée en application de l’article R. 771-7 du code de justice administrative,

-les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-481 du 17 septembre 2015,

- le code monétaire et financier,

- le code général des impôts,

- le code de justice administrative.

 

 

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. » ;

 

S’agissant des amendes fiscales appliquées au titre des années 2008 à 2010 :

 

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1649 A du code général des impôts : « (…) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (…) » ;

 

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du IV de l’article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008: « Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires » ;

 

4. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L.152-5 du code monétaire et financier: « Les infractions aux dispositions de l'article L. 152-2 sont passibles d'une amende de 750 euros par compte non déclaré. »;

 

5. Considérant que, pour demander au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, M. B... soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi répressive dès lors que l’article L. 152-5 du code monétaire et financier prévoit pour les mêmes faits l’application d’une amende ;

6. Considérant que par la décision n° 2015-481 du 17 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions suivantes reprises à l’article 1er du dispositif : « Les mots « du deuxième alinéa de l’article 1649 A et » et « compte ou » figurant à la première phrase du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ainsi que la seconde phrase du même paragraphe IV. » ; qu’il ne s’est donc pas prononcé sur la conformité du paragraphe IV de l’article 1736 dans sa totalité, en particulier en ce qu’il inflige une amende de 1 500 euros par compte non déclaré ; qu’ainsi cette décision ne fait pas obstacle à ce que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

 

7. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige ; que le moyen tiré de ce qu’elles méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi pénale dès lors que l’article L. 152-5 du code monétaire et financier prévoit pour les mêmes faits l’application d’une amende soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ;

 

S’agissant de l’amende fiscale appliquée au titre de l’année 2011 :

 

8. Considérant qu’aux termes du IV de l’article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificatives, dispositions appliquées au requérant au titre de l’année 2011 : « 2. Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa du présent 2. » ;

 

9. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige ; que dans leur rédaction issues de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi pénale dès lors que l’article L. 152-5 du code monétaire et financier prévoit pour les mêmes faits l’application d’une amende soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNE :

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi

n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 et de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 est transmise au Conseil d’Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et à la directrice en charge de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF).

 

 

 

Fait à Paris, le 22 février 2016.

 

 

 

La présidente de la 1ère section,

 

 

 

 

 

J. EVGENAS

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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