Tribunal de grande instance de Paris

Jugement du 10 février 2016 n° 13008072021

10/02/2016

Renvoi

Cour d’Appel de Paris

Tribunal de Grande Instance de Paris

Jugement du : 10 Février 2016

32e chambre correctionnelle

N° minute : 1

N° parquet : 13008072021

Plaidé le 8 février 2016

Délibéré le 10 février 2016

JUGEMENT DE TRANSMISSION D’UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

A l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le HUIT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE, a été appelée l’affaire

ENTRE :

Madame le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FINANCIER, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

PARTIES CIVILES :

L'ETAT FRANÇAIS, dont le siège social est sis Cabinet de Me Xavier NORMAND BODARD, [adresse 1], partie civile, représenté par Maître Xavier NORMAND BODARD, avocat au barreau de Paris (P141).

La DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, dont le siège social est sis Cabinet de Me Xavier NORMAND-BODARD [adresse 2], partie civile,

représentée par Maître Xavier NORMAND BODARD, avocat au barreau de Paris (PMI), qui dépose des conclusions en réponse aux deux questions prioritaires de constitutionnalité déposées par M. [R F] et Mme [B S épouse F], régulièrement datées et signées par le Président et le greffier.

PARTIES CIVILES :

Monsieur [EE DD], demeurant [adresse 3], partie civile,

Comparant.

Monsieur [MM LL], demeurant [adresse 4], partie civile,

Non-comparant.

Le Comité National de Soutien à [RR SS], dont le siège social est sis [adresse 5] , partie civile,

Non-comparant.

Monsieur [PP NN], demeurant [LOCALITE 6] [adresse 7], partie civile,

Comparant.

ET

Prévenu :

Nom : [F R, S]

né le [DateNaissance 8] 1952 à [LOCALITE 9] ([LOCALITE 10])

de [F NN] et de [AA Z]

Nationalité : française

Situation familiale : marié

Situation professionnelle : médecin

Antécédents judiciaires Jamais condamné

demeurant : CHEZ ME JEAN VEIL [adresse 11]

Mesures de sûreté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 16 mai 2013, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 687.076,35 euros en 1 versement avant le 23 mai 2013, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 1.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 686.076,35 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 687.076,35 euros le 23 mai 2013 -cautionnement versé]

-Demande de modification de contrôle judiciaire en date du 29 mai 2013 ; ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 10 juin 2013, modifiant partiellement le montant du cautionnement fixé par l'ordonnance plaçant M. [F] sous contrôle judiciaire et autorisons Monsieur le Régisseur d'avances et de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris à restituer à Monsieur [R F], sur la somme de 687.076,35 versée au titre du cautionnement, la somme de Trente Six Mille Huit Cent Cinquante Trois Euros (36853).

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 19 septembre 2013 ; ordonnance de rejet de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 4 octobre 2013 ;

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 23 janvier 2014 ;

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 18 juin 2014 ; ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 23 juin 2014, modifiant partiellement le montant du cautionnement fixé par l'ordonnance plaçant M. [F] sous contrôle judiciaire et autorisons Monsieur le Régisseur d'avances et de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris, à restituer à Monsieur [R F], sur la somme de 687.076,35 versée au titre du cautionnement, la somme de Quinze Mille Trois Cent Dix Neuf euros ( 15319€) afin de régler le soldé des sommes dues par le mis en examen au titre de l'impôt sur la fortune.

-Demande de modification et de mainlevée du contrôle judiciaire en date du 22 juillet 2014 ; ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 28 juillet 2014, modifiant partiellement le montant du cautionnement fixé par l'ordonnance plaçant Monsieur [F] sous contrôle judiciaire et autorisant Monsieur le Régisseur d'avances et de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris à restituer à Monsieur [R F], sur la somme de 687.076,35 versée au titre du cautionnement, la somme de Quatorze Mille Quatre Cent Trente Trois euros (14433€) afin de régler le solde des sommes dues par le mis en examen au titre de l'impôt sur la fortune.

-Déclaration de demande de mainlevée du contrôle judiciaire en date du 1er octobre 2014 ; ordonnance de rejet de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 13 octobre 2014 ;

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 17 février 2015 ;

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 27 février 2015 ; ordonnance de modification partielle du contrôle judiciaire en date du 10 mars 2015, modifiant partiellement le montant du cautionnement fixé par l'ordonnance plaçant Monsieur [F] sous contrôle judiciaire et autorisant Monsieur le Régisseur d'avances et de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris à restituer à Monsieur [R F], sur la somme de 687.076,35 versée au titre du cautionnement, la somme de Cent Huit Mille Quatre Cent Un euros (108401 euros).

-Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 17 avril 2015 ; ordonnance de modification partielle du contrôle judiciaire en date du 12 mai 2015, modifiant partiellement le montant du cautionnement fixé par l'ordonnance plaçant Monsieur [F] sous contrôle judiciaire et autorisant Monsieur le Régisseur d'avances et de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris à restituer à Monsieur [R F], sur la somme de 687.076,35 versée au titre du cautionnement, la somme Douze Mille Neuf Cent Cinquante Cinq euros (12955€) ;

-Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, art 179 du CPP, en date du 17 juin 2015;

(Reste 499.115,35 euros)

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

comparant, assisté de Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris (T06) et de Maître Jean-Alain MICHEL, avocat au barreau de Paris (D371), qui dépose des questions prioritaires de constitutionnalité pour M. [R F], régulièrement datées et signées par le Président et le greffier.

Prévenu des chefs de :

✓SOUSTRACTION FRAUDULEUSE A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT DE L'IMPOT : DISSIMULATION DE SOMMES - FRAUDE FISCALE ✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS ✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS ✓DECLARATION INCOMPLETE OU MENSONGERE DE SON PATRIMOINE, PAR UN MEMBRE DU GOUVERNEMENT, A LA COMMISSION POUR LA TRANSPARENCE FINANCIERE DE LA VIE POLITIQUE TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 17 juin 2015, suivie d'une citation remise au chef de poste du cabinet d'avocats qui en recevant copie a visé l'original le 29 décembre 2015.

*****

Prévenue : Nom : [S B, C, D épouse F]

née le [DateNaissance 12] 1955 à [LOCALITE 13]

de [S LL] et de [CC C]

Nationalité : française

Situation familiale : séparé de corps

Situation professionnelle : médecin

Antécédents judiciaires : jamais condamnée

demeurant : [adresse 14]

Mesures de sûreté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 21 janvier 2014, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de Trois Millions Cent Deux Mille euros en 2 versements aux dates suivantes : 102000 euros avant le 1er février 2014 et 3000000 avant le 1er juillet 2014, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 102000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 3000000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ;

[le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 102000 euros le 22 janvier 2014 ; la somme de 854630 euros le 15 mai 2014 ; la somme de 1824120 euros le 7 mai 2014 ;

-Demande de modification du contrôle judiciaire en date du 26 mai 2015 ; ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 28 mai 2015, ramenant le montant du cautionnement à la.somme de Six Cent Dix Mille Trois Cent Quarante et Un euros (6103416), le cautionnement restant de 610341 euros garantissant la représentation à tous les actes de la procédure, à concurrence de 10341 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues dans la présente ordonnance ; à concurrence de 600000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l’article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes, et disons que Mme [F] devra justifier du versement intégral de la somme de 21704096 à l'administration fiscale avant le 10 juin 2015 ;

-Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, art 179 du CPP, en date du 17 juin 2015 ;

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

comparante, assisté de Maître Sébastien SCHAPIRA, avocat au barreau de Paris (E314),qui dépose des questions prioritaires de constitutionnalité pour Madame [B F], régulièrement datées et signées par le Président et le greffier.

Prévenue des chefs de :

✓SOUSTRACTION FRAUDULEUSE A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT DE L'IMPOT : DISSIMULATION DE SOMMES - FRAUDE FISCALE

✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS

✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 17 juin 2015, suivie d'une citation remise à étude d’huissier par exploit d’huissier le 24 décembre 2015.

* * * *

Prévenu :

Nom : [K V]

né le [DateNaissance 15] 1965 à [LOCALITE 16] ([LOCALITE 17])

de [K L M N] et de [G née I J]

Nationalité : suisse

française

Situation familiale : /

Situation professionnelle : banquier

Antécédents judiciaires Jamais condamné

demeurant : [V K] AND CO [adresse 18]

Elisant domicile chez Me Kiril BOUGARTCHEV [LOCALITE 19]

Mesures de sûreté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 29 octobre 2013 ;

-Ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 5 décembre 2015 ; acte d'appel en date du 6 décembre 2013 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 30 janvier 2014 infirmant l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

-Déclaration de modification du contrôle judiciaire en date du 20 janvier 2014 ; ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 28 janvier 2014 ;

-Déclaration de demande de mainlevée du contrôle judiciaire en date du 3 juillet 2014 ; ordonnance de mainlevée du contrôle judiciaire en date du 7 juillet 2014.

Situation pénale : libre

comparant, assisté de Monsieur le Bâtonnier Paul-Albert IWEINS, avocat au barreau de Paris (J 10), de Maître Kiril BOUGARTCHEV, avocat au barreau de Paris (J30) et de Maître Emmanuel MOYNE, avocat au barreau de Paris (J30).

Prévenu du chef de :

✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 17 juin 2015, suivie d’une citation remise à son avocat qui en recevant copie a visé l’original le 24 décembre 2015.

* * * * *

Prévenu :

Nom : [FF GG]

né le [DateNaissance 20] 1964 à [LOCALITE 21])

de [FF DD] et de [BB J]

Nationalité : suisse

Situation familiale : marié

Situation professionnelle : avocat consultant Antécédents judiciaires jamais condamné

demeurant : [adresse 22] CABINET DE ME PHILIPPE GOOSSENS [LOCALITE 23]

Situation pénale : libre

comparant, assisté de Maître Philippe GOOSSENS, avocat au barreau de Paris ([LOCALITE 24]).

Prévenu du chef de :

✓BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 17 juin 2015, suivie d'une citation remise à une hôtesse qui en recevant copie a visé l'original le 24 décembre 2015,

* * * * *

Prévenue :

Raison sociale de la société : la SA [K] & Cie

N° SIREN/SIRET : [N° SIREN/SIRET 25]

Adresse : [adresse 26]

Représentant légal : Monsieur [HH II].

Antécédents judiciaires jamais condamnée

non comparante, représentée par Monsieur [HH II], représentant légal, assisté de Monsieur le Bâtonnier Paul Albert IWEINS, avocat au barreau de Paris (J 10), de Maître Kiril BOUGARTCHEV, avocat au barreau de Paris (J30) et de Maître Emmanuel MOYNE, avocat au barreau de Paris (J30).

Prévenu du chef de :

[...] BLANCHIMENT PAR PERSONNE MORALE COMMIS DE FAÇON HABITUELLE

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 17 juin 2015, suivie d'une citation remise à l'assistante de Me Kiril BOUGARTCHEV qui en recevant copie a visé l'original le 24 décembre 2015.

DEBATS

Par ordonnance de l'un des juges d'instruction de ce siège en date du 17 juin 2015, Monsieur [R F], Madame [B S épouse F], Monsieur [V K], la Société [K] & Cie et Monsieur [GG FF] sont renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention :

[R F] :

de s'être à [LOCALITE 27] ([LOCALITE 28]), ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2010 à 2012, et en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement et frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement partiel des impôts dus au titre des années 2009 à 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles d'avoir été minorées en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 à 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, avec la circonstance que les dissimulations présumées excèdent le dixième de la somme imposable,

faits prévus et réprimés par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

d'avoir, à [LOCALITE 29], ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2003 à 2010, et en tout cas depuis temps non prescrit, utilisé des comptes bancaires ouverts au nom de Madame [Z AA] épouse [F] pour y déposer des chèques émis à son profit et dissimulés à la connaissance de l'administration fiscale,

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-3, 324-4, 324-5, 324-6, 324-7 et 324-8 du code pénal, 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts. d'avoir à [LOCALITE 30], en [LOCALITE 31], à [LOCALITE 32], courant 2010 à 2013, et en tout cas depuis temps non prescrit, apporté son concours au placement, à la dissimulation et à la conversion de revenus dissimulés à la connaissance de l'administration fiscale, en l'espèce en transférant les dits avoirs d'un compte nominatif sur un compte ouvert au nom d'une société panaméenne puis sur un compte singapourien ouvert au nom d'une société seychelloise, faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-6, 324-7 et 324-8 du code pénal, et par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

d'avoir, à [LOCALITE 33], courant 2012, et en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, étant membre du gouvernement, sciemment omis de déclarer une part substantielle de son patrimoine à la Commission pour la transparence financière de la vie politique,

faits prévus et réprimés par les articles 1er, 3-5-1 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988, LO 135-1 du code électoral.

* * * * *

[B S épouse F] de s'être à [LOCALITE 34] ([LOCALITE 35]), ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2010 à 2012, et en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement et frauduleusement soustraite à l'établissement et au paiement partiel des impôts dus au titre des années 2009 à 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles d'avoir été minorées en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 à 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, avec la circonstance que les dissimulations présumées excédent le dixième de la somme imposable,

faits prévus et réprimés par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

d'avoir, à [LOCALITE 36], ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2003 à 2010, et en tout cas depuis temps non prescrit, utilisé des comptes bancaires ouverts au nom de Madame [Z AA] épouse [F] pour y déposer des chèques émis à son profit et dissimulés à la connaissance de l'administration fiscale,

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-3, 324-4, 324-5, 324-6, 324-7 et 324-8 du code pénal, 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

pour avoir à [LOCALITE 37], en [LOCALITE 38], sur [LOCALITE 39] et en [LOCALITE 40], courant 1997 au 3 décembre 2013, et en tout cas depuis temps non prescrit, apporté son concours au placement, à la dissimulation et à la conversion de revenus dissimulées à la connaissance de l'administration fiscale, en l'espèce en procédant à l'ouverture de comptes bancaires en [LOCALITE 41], sur [LOCALITE 42] et en [LOCALITE 43] au nom de personnes morales et en réalisant, par leur intermédiaire, des acquisitions immobilières à [LOCALITE 44] et à [LOCALITE 45],

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-6, 324-7 et 324-8 du code pénal, et par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

* * * * *

[V K]

pour avoir en [LOCALITE 46], aux [LOCALITE 47], à [LOCALITE 48], à [LOCALITE 49], courant 2009,2010,2011,2012,2013 et jusqu'au 19 mars 2013, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit de fraude fiscale, en participant activement à la dissimulation des avoirs de M. [R F], détenus et gérés par la banque [K], en les transférant, dans un premier temps, au nom d'une société panaméenne, PENDERLEY CORP, puis, dans un second temps, en les transférant auprès de la banque JULIUS BAER à [LOCALITE 50] via des structures écrans mises en place par la banque [K] pour assurer l'opacité des circuits financiers et la dissimulation de ces avoirs, et enfin en assurant leur gestion, faits prévus par ART.324-1 AL.2,AL.3 C.PENAL, et réprimés par ART.324-1 AL.3, ART.324-3, ART.324-7, ART.324-8 C.PENAL.

* * * * *

La société [K] & Cie pour avoir en [LOCALITE 51], aux [LOCALITE 52], à [LOCALITE 53], à [LOCALITE 54], courant 2009,2010,2011,2012,2013 et jusqu'au 19 mars 2013, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit de fraude fiscale, en participant activement à la dissimulation des avoirs de M. [R F], détenus et gérés par la banque [K], en les transférant, dans un premier temps, au nom d'une société panaméenne, PENDERLEY CORP, puis, dans un second temps, en les transférant auprès de la banque JULIUS BAER à [LOCALITE 55] via des structures écrans mises en place par la banque [K] pour assurer l'opacité des circuits financiers et la dissimulation de ces avoirs, et enfin en assurant leur gestion,

faits prévus et réprimés par les articles 121-2, 324-1, 324-3, 324-4, 324-7 et 324-8 du Code pénal et les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

* * * * *

[GG FF]

pour avoir, en [LOCALITE 56], aux [LOCALITE 57] et à [LOCALITE 58], à [LOCALITE 59], en [LOCALITE 60], courant 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 jusqu'au 19 mars 2013, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit de fraude fiscale, en participant activement à la dissimulation des avoirs de [Y, R F], détenus et gérés par la banque [K],

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-3, 324-4, 324-7 et 324-8 du Code pénal et les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts.

Les débats ont été tenus en audience publique.

A l’appel de la cause, le président a constaté la présence et l'identité de [F R], [S B] épouse [F], [K V], [FF GG] et [II HH], représentant légal de la SA [K] & Cie.

[F R] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[S B] épouse [F] a comparu à l'audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[K V] a comparu à l'audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[FF GG] a comparu à l'audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[II HH], représentant légal de [K] & Cie, a comparu à l'audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Le président a procédé à l'appel des parties civiles et de leurs conseils. Le président a donné lecture de la prévention de Monsieur [R F] et a informé Monsieur [R F] de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

Le président a donné lecture de la prévention de Madame [B S épouse F] et a informé Madame [B S épouse F] de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

Le président a donné lecture de la prévention de Monsieur [V K] et a informé Monsieur [V K] de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

Le président a donné lecture de la prévention à Monsieur [HH II], représentant légal de la SA [K] et Cie, et a informé Monsieur [HH II], représentant légal de la SA [K] et Cie, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

Le président a donné lecture de la prévention de Monsieur [GG FF] et a informé Monsieur [GG FF] de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

Le président a constaté que des questions prioritaires de constitutionnalité et des conclusions in limine litis avaient été déposées.

Le Président a procédé à l'énumération de ces conclusions.

Monsieur [DD EE], partie civile, a été entendu en ses observations.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité

Madame la Procureure de la République financier a d'abord pris la parole pour regretter que les questions prioritaires de constitutionnalité aient été déposées à l'occasion du premier jour de l'audience.

Maître Jean-Alain MICHEL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur [R F], prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité.

Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur [R F], prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité.

Maître Sébastien SCHAPIRA, avocat au barreau de Paris, conseil de Madame [B S épouse F], prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité.

Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris, conseil de la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions en réponse sur les questions prioritaires de constitutionnalité.

Le Ministère Public a été entendu en ses observations.

Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur [R F], prévenu, a été entendu en sa plaidoirie en réponse.

Monsieur [DD EE], partie civile, a été entendu en ses observations et a déposé une note sur les questions prioritaires de constitutionnalité.

Monsieur [R F] et Madame [B S épouse F], prévenus, ont eu la parole en dernier.

Vu la loi du 10 décembre 2009, relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le décret du 16 février 2010 portant application de la loi du 10 décembre 2009 ,

Vu les articles R49-21 et R49-29 du Code de procédure pénale et notamment l’article R49-27 alinéa 2,

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 08 février 2016 à 13h30, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 10 février 2016 à 09h00, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.

A cette date, le Tribunal vidant son délibéré conformément à la loi, a donné lecture de la décision dont la teneur suit.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes : Plan du jugement

1.- Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

2.- Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation

2-1.- Sur l'applicabilité au litige de la disposition contestée et à la procédure

2.1.1.-Sur la procédure pénale fondée sur l'article 1741 du Code général des impôts

2.1.2- Sur la procédure fiscale fondée sur l'article 1729 du Code général des impôts

2.1.3.- Sur les conséquences d'une éventuelle inconstitutionnalité et le critère de l'applicabilité au litige

2.2.- Sur le fait que la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances

2.2.1- En ce qui concerne l'article 1729 du Code général des impôts

2.2.2.- En ce qui concerne l'article 1741 du Code général des impôts

2.2.3.- L'analyse portant sur un changement de circonstances de droit

2.2.3.1- Le droit de l'Union

2.2.3.2.- Le droit de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des Libertés fondamentales et la jurisprudence de Cour européenne des droits de l'Homme

2.2.3.2.1.-L'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

2.2.3.2.2.- La question de la réserve française au protocole n°7

2.2.3.3.- La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens)

2.2.3.3.1.- La jurisprudence de la Cour de cassation postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens)

2.2.3.3.2.-La jurisprudence du Conseil constitutionnel postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens)

2.3.- sur le caractère sérieux de la question

- Les critères posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015

- Des critères confirmés à l’identique par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 janvier 2016

2.3.1.- les dispositions contestées tendent-elles à réprimer les mêmes faits

2.3.2.- les répressions protègent-elles les mêmes intérêts sociaux

2.3.2.1. Sur la place des dispositions concernées dans le code général des impôts

2.3.2.2. Sur la question des intérêts sociaux protégés dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme

2.3.2.3.-Sur la question des intérêts sociaux protégés dans la jurisprudence de la Cour de cassation

2.3.2.2.1.- Rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation

2.3.2.2.2.- Position du tribunal sur la notion d'intérêts sociaux protégés

2.3.2.2.2.1.-Sur la finalité au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015

2.3.2.2.2.2.-Sur le groupe social concerné

2.3.3.- Les faits prévus par les articles doivent-ils être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente ?

2.3.3.1- Sur le niveau de sévérité de l'article 1741 du Code général des impôts

2.3.3.2.- Sur le niveau de sévérité de l'article 1729 du Code général des impôts

2.3.3.3.- Sur la mesure de l'équivalence de sévérité

2.3.4.- La sanction encourue par l’auteur d’un manquement ou la sanction encourue par l’auteur d'un délit relève-t-elle du même ordre juridictionnel ?

2-3-5.-Sur l'argument tiré de l'absence de décision définitive

3.- Sur les suites à donner à la procédure au fond

4. Sur le sursis à statuer et le renvoi

En application de l’article 61-1 de la Constitution, «lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé». En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, «devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé».

L’article R.49-25 du code de procédure pénale prévoit que «la juridiction statue sans délai, selon les règles de procédure qui lui sont applicables, sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, après que le ministère public et les parties, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité».

En l'espèce, aux termes de conclusions déposées le 8 février 2016 à l'audience et développées à l'oral, M. [R F] demande que soit adressée la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

«En matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, les articles 1729 et 1741 du code général des impôts, dans leurs versions applicables lors de la période de prévention, en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ?»

Dans des conclusions distinctes et déposées le même jour, Madame [B S épouse F] a déposé également une question prioritaire de constitutionnalité rédigée en des termes similaires, à la seule différence qu'elle ne précise pas qu’il s'agit des textes «dans leurs versions applicables lors de la période de prévention».

Le tribunal constate que cette circonstance découle nécessairement de l'analyse qu'il lui est demandé d'effectuer et qu'il s'agit de la même question.

Le tribunal décide de joindre ces deux questions pour y répondre par un seul et même jugement.

1,- Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés Garantis par la Constitution

La question prioritaire de constitutionnalité a été présentée par M. [R F] et Mme [B F], dans deux écrits distincts et motivés, versés aux débats le 8 février 2016.

Elle est fondée sur la méconnaissance des dispositions à valeur constitutionnelle de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Elle est en conséquence recevable.

* * *

2.- Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation L’article 23-2 de l’ordonnance précitée du 7 novembre 1958 prévoit que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige et à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

***

Le tribunal constate que la Direction générale des finances publiques et le Procureur de la République financier s'opposent à la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité et que M.M. [EE], [MM] et le Comité national de soutien à [RR SS] demandent qu'il soit sursis à statuer sur cette transmission pour que soit transmise leur question prioritaire de constitutionnalité supraconstitutionnelle.

***

L'article 1741 du Code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, applicable dans sa version en vigueur entre le 14 mai 2009 et le 11 décembre 2010 dispose que :

«Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende de 37 500 euros et d'un emprisonnement de cinq ans. Lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d’achats ou de ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'Etat des remboursements injustifiés, leur auteur est passible d’une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de cinq ans.

Toutefois, cette disposition n'est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros.

Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal.

Le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la publication et de l'affichage dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné.

Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux article L 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales».

Dans sa décision n°2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le quatrième alinéa de l'article 1741 du Code général des impôts sur la publication du jugement.

Dans sa rédaction issue de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 et applicable jusqu'au 13 octobre 2013, l'article 1741 a prévu une amende de 500 000 euros, au lieu d'une amende de 37 500 euros, passant à 750 000 euros, au lieu de 75 000 euros, en cas d'usage de fausses factures. La peine de 5 ans d'emprisonnement est demeurée inchangée.

L'article 15 de la loi précitée du 14 mars 2012 a, en outre, complété le premier alinéa de l'article 1741 du Code général des impôts en prévoyant que «Lorsque les faits mentionnés à la première phrase ont été réalisés ou facilités au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un État ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France, depuis au moins cinq ans au moment des faits, une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale française, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis dans l'un de ces États ou territoires, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende». ***

L’article 1729 du Code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, dispose que :

«Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :

a. 40 % en cas de manquement délibéré ;

b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l'article 792 bis».

2-1.- Sur l’applicabilité au litige et à la procédure des dispositions contestées

2.1.1.- Sur la procédure pénale fondée sur l'article 1741 du Code général des impôts Par ordonnance du 17 juin 2015, M. [R F] est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris notamment pour :

«s'être, à [LOCALITE 61] ([LOCALITE 62]), ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2010 à 2012, et en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement et frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement partiel des impôts dus au titre des années 2009 à 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles d'avoir été minorées en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 à 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, avec la circonstance que les dissimulations présumées excèdent le dixième de la somme imposable, faits prévus et réprimées par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du code général des impôts».

Mme [B F] est renvoyée devant le tribunal correctionnel, pour «s'être à [LOCALITE 63] ([LOCALITE 64]), ou en tout autre lieu du territoire national, au cours des années 2010 à 2012, et en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement et frauduleusement soustraite à l'établissement et au paiement partiel des impôts dus au titre des années 2009 à 2012, notamment en souscrivant des déclarations susceptibles d'avoir été minorées en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 à 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, avec la circonstance que les dissimulations présumées excèdent le dixième de la somme imposable, faits prévus et réprimées par les articles 1741, 1742, 1743 et 1750 du Code général des impôts». Aux termes de l'ordonnance de renvoi, «M. et Mme [F], mariés sous le régime de la communauté légale, ont constitué des avoirs à l'étranger, non déclarés, provenant de revenus non déclarés. M. [F] a ainsi disposé depuis 1992 d'un compte à l'UBS, transféré chez [K] puis à [LOCALITE 65]. Mme [F] disposait d'un compte à [LOCALITE 66] depuis 1997. M. et Mme [F] ont aussi masqué des revenus en utilisant les comptes bancaires de Mme [AA] depuis 2003.

Ces faits apparaissent constitutifs de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale.

Les faits de fraude fiscale, au titre de l'impôt sur le revenu et l'ISF, sont imputables aux deux époux qui avaient connaissance de la fraude et y ont participé à des degrés divers. La période non prescrite fiscalement porte sur les années 2009 à 2012. Les déclarations de M. et Mme [F] de 2010 à 2012 ne font aucunement état d'avoirs et de revenus à l'étranger».

Les faits pénalement reprochés à M. et à Mme [F] portent en conséquence et notamment sur l'absence de déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune.

2.1.2.- Sur la procédure fiscale fondée sur l'article 1729 du Code général des impôts

La défense de M. [F] fait valoir, sans que ce point ait été contesté par la Direction générale des finances publiques ou par le Procureur de la République financier, qu'il a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale, débuté le 5 avril 2013 et qu'à l'issue de cette procédure, il a notamment reçu le 20 décembre 2013 et le 5 septembre 2014 plusieurs propositions de rectification concernant son impôt sur le revenu respectivement au titre des années 2009,2010,2011 et 2012.

Selon la défense, l'administration fiscale a reproché à M. [F] de ne pas avoir déclaré les revenus de capitaux mobiliers provenant des fonds détenus sur le compte bancaire dont il était bénéficiaire effectif ouvert au nom de la société Cerman group limited. Elle expose qu'en plus des droits résultant de la régularisation fiscale et des intérêts de retard, la DGFIP lui a infligé, pour les déclarations de 2010 à 2012, une majoration de 80 % «prévue à l'article 1729 du Code général des impôts au titre de rectification résultant de la détention de la société seychelloise Cerman group Ltd», «pour manœuvres frauduleuses». La défense ajoute que «M. [R F] a accepté sans réserve ces propositions de rectification et s'est acquitté du paiement des droits provenant de cette rectification, intérêts de retard et pénalités. Cette sanction est donc devenue définitive».

Dans leurs écritures et à l'audience, tant la Direction générale des finances publiques que le Procureur de la République financier soutiennent le caractère non définitif de cette sanction.

Indépendamment du caractère établi ou non de cette circonstance qui sera discutée ultérieurement dans le jugement, le tribunal constate que les mêmes faits reprochés à M. [R F], ont donné lieu à une poursuite fiscale diligentée par le DGFIP et à des sanctions fiscales en application de l'article 1729 du Code général des impôts, ainsi qu'à une poursuite pénale, fondée sur l'article 1741 du Code général des impôts.

La même analyse doit être faite à l'endroit de Mme [B F], pour laquelle il ressort des éléments du dossier qu'elle a fait l'objet de procédures de rectification en application de l'article 1729 du Code général des impôts avec l'application notamment d'une majoration de 80 %.

2.1.3.- Sur les conséquences d'une éventuelle inconstitutionnalité et le critère de l'applicabilité au litige

Il y a lieu de relever, à ce stade, que le Procureur de la République financier, en pages 12 et 13 de ses observations, soulève la question de l'application de la décision du Conseil constitutionnel au présent litige, et qu'il a précisé dans ses réquisitions orales, que cette circonstance pourrait avoir une incidence sur le critère tenant à l'applicabilité au litige.

Selon le Procureur de la République financier :

«Dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er septembre 2016 les pleins effets de sa décision d'inconstitutionnalité afin de laisser au législateur le soin de prévoir un nouveau système de répression des abus de marché.

Dans l'objectif toutefois de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée dès sa décision, et sans attendre le 1er septembre 2016, le Conseil constitutionnel a prévu, dans son considérant n°36, un mécanisme mettant fin immédiatement au cumul de poursuites, dont les modalités sont les suivantes :

♦ " des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le [plan administratif] à l’encontre d’une personne [non professionnelle] dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale [...] ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne " ;

♦"que, de la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le [plan pénal] dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers [...] ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l’encontre de la même personne". Le Procureur de la République financier fait valoir «qu'en l'espèce, s'agissant d'une question de principe similaire à celle traitée dans la décision du 18 mars 2015, il est raisonnable de penser que le Conseil constitutionnel, en cas de déclaration de non conformité des doubles poursuites en matière fiscale, disposerait de la même façon».

«Au cas présent, un réquisitoire supplétif des chefs de fraude fiscale à l’impôt sur le revenu, à l'impôt de solidarité sur la fortune et à la contribution exceptionnelle sur la fortune a été établi le 2 mai 2013, contre [R F] et son épouse, à la suite de la plainte de l'administration du 26 avril 2013. Ce réquisitoire vaut poursuites sur le plan pénal». «Sur le plan fiscal, l'ensemble des propositions de rectification, mentionnant l'application de majorations, et constitutives d'actes de poursuite, ont été établies après le 17 novembre 2013, la première émise portant sur des faits de la prévention datant du 18 novembre 2013, soit à une date postérieure aux poursuites pénales».

Le Procureur de la République financier soutient également, à l'instar de l'administration fiscale que «la procédure fiscale n'est pas terminée de manière définitive», «bien que lès [époux F] aient réglé l'ensemble des sommes dues au titre de l'application des majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts», dès lors que «conformément aux dispositions de l'article R 196-3 du livre des procédures fiscales, dans le cas où un contribuable fait l’objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de L'Administration fiscale, celui-ci dispose d'un délai égal à celui de L'Administration pour présenter ses propres réclamations» et qu'«e« pratique, le délai de réclamation expire le 31 décembre de la troisième année suivant celle où les rectifications ont été notifiées, indépendamment des paiements effectués. En l’espèce, le délai de réclamation ouvert aux [époux F] sur le plan fiscal prendra fin au plus tôt le 31 décembre 2016».

Le Procureur de la République financier conclut de l'ensemble de ces éléments que «dans l'hypothèse même où le Conseil constitutionnel constaterait l'inconstitutionnalité des doubles poursuites en matière fiscale, une telle décision n'aurait pas d'incidence sur la procédure pénale dans la mesure où :

♦ les poursuites pénales sont antérieures aux poursuites fiscales ; ♦ et où l'administration fiscale n'a pas encore statué de manière définitive, des réclamations et recours étant encore possibles. La conséquence d'une éventuelle inconstitutionnalité serait dès lors à tirer seulement au niveau des décisions de l'administration fiscale et non sur un plan pénal».

***

Pour le tribunal, la question des conséquences à tirer d'une éventuelle inconstitutionnalité ne saurait entrer en ligne de compte dans l'analyse de la condition liée à l'examen du critère tenant à l’applicabilité au litige de la disposition contestée et à la procédure.

En effet, au titre du contentieux objectif que constitue la question prioritaire de constitutionnalité, il apparaît, aux termes de la jurisprudence même du Conseil constitutionnel, que les problématiques liées à la constatation d'une inconstitutionnalité d'une part, et à la question de l'applicabilité au litige de la disposition contestée d'autre part, sont traitées de manière autonome, ce qui implique nécessairement que les conséquences à tirer d'une décision d'inconstitutionnalité, qui relèvent au demeurant de la seule compétence du Conseil constitutionnel, ne sauraient entrer en ligne de compte comme a priori du raisonnement.

En effet, en application du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les effets dans le temps de cette déclaration d'inconstitutionnalité, d'une part, en fixant la date de l'abrogation et, d'autre part, en déterminant les «conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produit sont susceptibles d'être remis en cause».

C'est ainsi que, tirant les conséquences de cette disposition, le Conseil constitutionnel a jugé, dans deux décisions du 25 mars 2011 (n°2010-108 QPC et n°2010-l 10 QPC), que «si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration».

Le Conseil constitutionnel avait déjà considéré dans une décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, sur la garde à vue, que le report de l'abrogation pouvait être justifié lorsque l'abrogation immédiate aurait des conséquences manifestement excessives.

En conséquence de l'ensemble de ces considérations, le tribunal ne saurait, ainsi que le Procureur de la République financier l'y invite, apprécier le critère de l’applicabilité au litige de la disposition contestée en tenant compte des conséquences éventuelles d'une déclaration d'inconstitutionnalité de cette même disposition. *** Le tribunal constate que les dispositions contestées, tant de l'article 1741 que de l'article 1729 du Code général des impôts sont applicables au litige.

***

2-2.- Sur le fait que les dispositions contestées n 'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances.

Il y a lieu pour le tribunal d’examiner si les dispositions contestées n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

2.2.1- En ce qui concerne l'article 1729 du Code général des impôts

Dans sa décision n°2010-103 QPC du 17 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à l'article 8 de la Déclaration de 1789 le 1° de l'article 1729 du Code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant 1er janvier 2006 en considérant qu'«en instituant, dans le recouvrement de l'impôt, une majoration fixe de 40 % du montant des droits en cas de mauvaise foi du contribuable, l'article 1729 du code général des impôts vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt ; que le même article prévoit une majoration de 80 % si le contribuable s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit» et que «la disposition contestée institue une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction ; que la loi a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser à la charge du contribuable que des intérêts de retard s'il estime que l'administration n'établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de manœuvres frauduleuses ni qu'il aurait agi de mauvaise foi ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n'est pas manifestement disproportionné».

Le tribunal constate que le considérant n°7 de la décision précitée du 17 mars 2011, en conclusion de son analyse sur les nouvelles dispositions modifiant l'article 1729 du Code général des impôts, précise par ailleurs que «la disposition contestée n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit». Le principe de la majoration de 40% ou de 80 % figurant à l'article 1729 du Code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2006, et déclaré conforme à la Constitution en application de la décision précitée du 17 mars 2011 est demeuré inchangé dans les versions successives de l'article, résultant de l'ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005, de la loi n°2007-211 du 19 février 2007, et, en dernier lieu, dans la version applicable dans sa version résultant de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable aux faits de l'espèce.

2.2.2.- En ce qui concerne l'article 174J du Code général des impôts

Les dispositions de l'article 1741 alinéa 2 à 7 et alinéa 11 ont été déclarées conformes à la Constitution dans la décision DC 2013-679 en date 4 décembre 2013, à l'occasion de l'examen de la loi 2013-1117 en date du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Si l'ensemble des dispositions de l'article 1741 du Code général des impôts n'ont pas, en tant que telles, été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, il pourrait être considéré que la validation par le Conseil constitutionnel, aux considérants n°19 à 24 des modifications apportées à l'article 1741 par l'article 9 de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, remplaçant les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 1741 par les alinéas 2 à 7, impliquerait nécessairement que le Conseil constitutionnel aurait considéré, à l'occasion de leurs modifications, les dispositions du premier alinéa, qui en constituent le support nécessaire, comme conformes à la Constitution.

En tout état de cause, et indépendamment même de la question de la déclaration de conformité à la Constitution de l'ensemble des dispositions des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts, le tribunal constate un changement de circonstances de droit qui va être analysé ci-après.

2.2.3.- L'analyse portant sur un changement de circonstances de droit

Le changement de circonstances de droit invoqué par M. et Mme [F], et non contesté par le Procureur de la République financier (page 3 de ses écritures) et par la Direction générale des finances publique résulte des éléments suivants :

2.2.3.1- Le droit de l'Union L'article 50 de la Charte des droits fondamentaux dispose que «nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi».

Dans un arrêt rendu dans l'affaire C-617/10 Aklagaren/Hans Akerberg Fransson, la Cour de justice, le 26 février 2013 a rappelé que «le champ d’application de la Charte, pour ce qui est de l’action des Etats membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s'adressent aux Etats membres uniquement lorsqu 'ils mettent en œuvre le droit de l’Union.»

Elle a précisé que : «Lorsque, en revanche, une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juillet 2012, Currà e.a., C-466/11).

Elle a ensuite précisé que «les Etats membres disposent d’une liberté de choix des sanctions applicables» et que «ce n’est que lorsque la sanction fiscale revêt un caractère pénal, au sens de l'article 50 de la Charte, et est devenue définitive que ladite disposition s‘oppose à ce que des poursuites pénales pour les mêmes faits soient diligentées contre une même personne» (cons. 34), le caractère pénal de l'infraction s'analysant au regard, d'une part, de la qualification juridique en droit interne et, d'autre part, de la nature même de l'infraction et, enfin, de la nature ainsi que du degré de sévérité de la sanction que risque de subir l'intéressé (arrêt du 5 juin 2012, Bonda C-489/10).

Pour la Cour, le cumul est contraire aux standards de la Charte, à condition que les sanctions restantes soient effectives, proportionnées et dissuasives (voir en ce sens, notamment, arrêt Commission/Grèce du 10 juillet 1990 cité dans la décision Aklagaren/Hans Akerberg Fransson).

A cet égard, le tribunal précise que saisi d'une argumentation tirée de l'application de la Charte pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, la présente 32ème chambre du tribunal a jugé que, s'agissant de poursuites pénales fondées sur les articles 1741 et 1752 du Code général des impôts, le régime de l'impôt sur le revenu ainsi que de l'impôt de solidarité sur la fortune n'apparaissent pas régies par le droit de l'Union.

2.2.3.2.- Le droit de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des Libertés fondamentales et la jurisprudence de Cour européenne des droits de l'Homme 2.2.3.2.1.-L'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

Le premier alinéa de l’article 4 du Protocole n°7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que «nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat».

La Cour européenne des droits de l’homme a considéré, dans un arrêt du 10 février 2009 Sergueï Zolotoukhine c. Russie (14939/03), que l'article 4 du Protocole n°7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde «infraction» pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou qui sont en substance les mêmes, quelle que soit les qualifications qui ont pu leur être successivement données et quelle que soit la nature de l’organe qui a statué sur les poursuites.

Le 4 mars 2014, dans son arrêt de section Grande Stevens et autres C/. Italie (18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10, 18698/10), la Cour européenne a examiné la réserve de l'Italie au Protocole, par laquelle elle a déclaré «que les articles 2 à 4 du Protocole ne s'appliquent qu 'aux infractions, aux procédures et aux décisions qualifiées de pénales par la loi italienne » et a considéré qu’en raison «de l’absence dans la réserve en question d’un "bref exposé” de la loi ou des lois prétendument incompatibles avec l’article 4 du protocole n° 7», celle-ci «ne satisfait pas aux exigences de l’article 57, § 2 de la Convention». Ce faisant, la Cour a écarté la réserve italienne et fait application de la jurisprudence précitée Zolotoukine c. Russie.

Le 27 novembre 2014, dans un arrêt Lucky Dev/Suède (n°7356/10), la Cour a jugé que les procédures impliquant des pénalités fiscales devaient être considérées comme des affaires «pénales» au sens de l'article 4 du Protocole n°7 et qu'en conséquence, tant la procédure fiscale que l'instance pénale tombaient sous l'empire de cette disposition. La Cour rappelle que l'article 4 précité interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde «infraction» pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes.

Dans un arrêt Case of Osterlund v. Finland du 10 février 2015, la Cour, dans sa quatrième section, a réitéré sa jurisprudence en matière fiscale.

Dans un arrêt BUTNARU et BEJAN-PISER c. ROUMANIE du 23 juin 2015, la Cour européenne des droits de l'homme a stigmatisé les doubles poursuites dans son considérant 33 : «la Cour souligne que peu importe quelles parties des nouvelles accusations sont finalement retenues ou écartées dans la procédure ultérieure puisque l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention énonce une garantie contre de nouvelles poursuites ou le risque de nouvelles poursuites, et non l'interdiction d’une seconde condamnation ou d’un second acquittement (Sergueï Zolotoukhine, précité, §83)». 2.2.3.2.2.- La question de la réserve française au protocole n°7

Il y a lieu de relever que la France a posé une réserve à la ratification de ce protocole. Aux termes de la réserve française, «seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 et 4 du présent Protocole».

La Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 juin 1996 (n°94-85.796) a jugé que «la règle "non bis in idem" consacrée par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif».

Saisie à plusieurs reprises de la question de l'application du principe Ne bis in Idem, sur le fondement du Protocole n°7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la présente juridiction a jugé dans deux décisions devenues définitives (TC 32ème chambre 12 mars 2015 et 18 mars 2015) que s'il appartient au juge d'interpréter une réserve à un traité, le principe de la séparation des pouvoirs ne lui permet pas d'apprécier la validité d'une telle réserve.

Elle a jugé ainsi qu'il n'appartenait pas au tribunal d'écarter la réserve formulée par l'État français en marge du Protocole n°7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, étant rappelé que les organes de la Convention européenne des droits de l'homme se reconnaissent compétents pour se prononcer sur la conformité à la CEDH, notamment à son article 57, d'une réserve.

***

Si ces changements de circonstances de droit résultant des décisions tant de la Cour européenne des droits de l'Homme que de la Cour de Justice de l'Union européenne, n'ont pas eu d'incidence directe dans la jurisprudence des juridictions du fond compte tenu des éléments développés précédemment, ces évolutions ont cependant eu des conséquences en droit national.

2.2.33.- La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens)

2.2.3.3.1.- La jurisprudence de la Cour de cassation postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens) En matière fiscale, la Cour de cassation a décidé, le 3 décembre 2014, dans une affaire où le principe invoqué était celui de la nécessité des peines (n°J 1490.040), de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux motifs que «la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux, dès lors que, d'une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l’une de l'autre et ont des objets et finalités différents, d'autre part, en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l’une de celles encourues».

Cet arrêt s'inscrit dans une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, affirmée dans un arrêt du 25 juin 2014 (Crim. 25 juin 2014, n°13-87.692), rappelant le principe posé par le Conseil constitutionnel selon lequel le principe de proportionnalité des peines implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (Décisions n°97-395 DC du 30 décembre 1997, § 41 - n°2012-266 QPC du 20 juillet 2012 - n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014).

Le tribunal observe cependant une évolution dans la jurisprudence de la Cour de cassation en décembre 2014.

En effet, si le 3 décembre 2014, la Cour de cassation a refusé la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, elle a jugé, le 17 décembre 2014 (n° N14-90.043), en matière boursière, que «la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 mars 2014 (Grande Stevens et autres c. Italie) est de nature à constituer un changement de circonstances».

La Cour de cassation transmettait ainsi une question prioritaire de constitutionnalité qui aboutissait à une décision n°2014-453-454 QPC et 2015462 du 18 mars 2015 qui sera développée ci-dessous.

Au surplus, dans un arrêt du 28 janvier 2015 (n° 14-90049), la Cour de cassation, pour transmettre une question prioritaire de constitutionnalité en matière boursière au Conseil constitutionnel, a jugé que «la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 mars 2014 (Grande Stevens et autres c. Italie) est de nature à constituer un changement de circonstances».

Le tribunal constate, en tout état de cause que, postérieurement à ces arrêts précités du 17 décembre 2014 et du 28 janvier 2015, qui peuvent être regardés comme une prise en compte de la jurisprudence résultant de l'arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, la Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 en matière fiscale, s'agissant tout particulièrement de l'application des dispositions de l'article 1729 et de l'article 1741 du Code général des impôts. 2.2.3.3.2.- La jurisprudence du Conseil constitutionnel postérieurement à l'arrêt du 4 mars 2014 (Grande Stevens) .

Le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision n°89-269 du 28 juillet 1989 sur la loi sur les prix et les revenus que «si l’éventualité d’une double procédure peut ainsi conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique, qu ’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues» ; «qu 'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence».

Saisi en 2014 de la question du cumul de poursuites pénales, disciplinaires et administratives, le Conseil constitutionnel écartait ce grief dirigé contre ce cumul des poursuites en jugeant, dans sa décision n°2014-423 QPC du 24 octobre 2014 que «le principe de la nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou pénale en application de corps de règles distincts devant leurs propres ordres de juridictions».

Dans sa décision n°2014-453-454 QPC et 2015-462 du 18 mars 2015, saisi une nouvelle fois du grief tenant à un cumul de poursuites, le Conseil constitutionnel va, selon les propres commentaires du Conseil constitutionnel parus le même jour à l'occasion de cette décision «modifier son considérant de principe en ce qui concerne le cumul de poursuites dans la mesure où les limites constitutionnelles à un tel cumul résultent tant du principe de nécessité des peines que de celui des délits», en jugeant que :

«Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : ” La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition ; que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction; que, si l’éventualité que soient engagées deux procédures peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu 'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues». L'examen au regard, non seulement du principe de nécessité des peines, mais également du principe de nécessité des délits, emporte une vision nouvelle des conditions posées par la jurisprudence afin d'apprécier si les mêmes faits peuvent faire l'objet d'un cumul de poursuites.

Le changement du prisme du contrôle et de son intensité doit en conséquence être regardé comme un changement de circonstance de droit.

Si précédemment, le Conseil ne s'en tenait qu'à l'examen du cumul des peines et des sanctions, en s'assurant seulement du respect du principe de proportionnalité, il étend désormais ce contrôle aux poursuites dont les peines procèdent nécessairement.

Le tribunal constate que le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence dans une décision n°2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 rappelant, dans son considérant n°ll, l'attendu de principe de la décision précitée du 18 mars 2015 et la double référence au principe de la nécessité des peines et à celui de la nécessité des délits.

Le tribunal constate en conséquence qu'un changement de circonstances de droit est intervenu, résultant des décisions précitées du 18 mars 2015 et 15 janvier 2016 du Conseil constitutionnel, un tel changement de circonstances de droit pouvant en effet résulter de l'évolution de la propre jurisprudence du Conseil constitutionnel (voir notamment décision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013 Société Numéricable SAS et autres).

Il apparaît en conséquence nécessaire de s'interroger sur le caractère sérieux de la question.

2.3.- Sur le caractère sérieux de la question

*Les critères posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015

Au regard du principe général exposé dans le considérant 19 de la décision précitée du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a précisé les hypothèses dans lesquelles ne peuvent être «engagées deux procédures pouvant conduire à un cumul de sanctions».

Au regard du principe de nécessité des délits et des peines, le Conseil constitutionnel a précisé les quatre critères cumulatifs qui, s'ils sont remplis, ne permettent pas l'engagement de deux procédures pouvant conduire à un cumul de sanctions :

-les dispositions contestées doivent tendre à réprimer les mêmes faits (considérant 24) ;

-les répressions doivent protéger les mêmes intérêts sociaux (considérant 25) ;

-les faits prévus par les articles doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente (considérant 26) ;

-la sanction encourue par l’auteur d’un manquement ou la sanction encourue par l’auteur d’un délit doivent relever du même ordre juridictionnel (considérant 27) ;

Selon le Conseil constitutionnel, la réunion de ces quatre critères ne permet pas «l’éventualité que soient engagées deux procédures (pouvant) conduire à un cumul de sanctions» ;

*Des critères confirmés à l'identique par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 janvier 2016

Dans sa décision n°2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a confirmé dans son considérant n°ll les principes posés dans sa décision du 18 mars 2015, et ce, de manière identique, reprenant ainsi les critères d'appréciation des doubles poursuites déjà posés.

A cet égard, la décision du 14 janvier 2016 doit être regardée et analysée comme s'inscrivant dans la continuité de la décision du 18 mars 2015, confirmant à l'identique les critères précités.

Les commentaires parus par le Conseil constitutionnel à l'occasion de ces décisions confortent cette analyse.

***

En application de l'article 62 de la Constitution, il appartient en conséquence au tribunal correctionnel, pour l'examen du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier l'application des quatre critères posés :

2.3.1.- les dispositions contestées tendent-elles à réprimer les mêmes faits ?

L’article 1729 du code général des impôts prévoit l’application d’une majoration en cas & «inexactitudes ou (d)omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour

l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État».

Le comportement incriminé par l’article 1741 du même code est similaire, en désignant «quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse».

La Direction générale des finances publiques ne conteste pas dans ses écritures le fait que les dispositions contestées tendent à réprimer les mêmes faits.

L'analyse du Procureur de la République financier ayant porté exclusivement sur le troisième critère, aucun avis n'a été émis sur cette première condition.

Pour le tribunal, il résulte suffisamment du rapprochement des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts qu'il s'agit, pour le législateur, de viser les mêmes faits liés au comportement de celui qui, soit omet de déclarer l'impôt, soit dissimule une partie des sommes sujettes à l'impôt, soit établit des déclarations inexactes, le tout pour échapper à l'impôt, s'y soustraire totalement ou partiellement ou bénéficier de la restitution par l'État d'une créance de nature fiscale.

Les dispositions contestées tendant à réprimer les mêmes faits, la première condition posée par le Conseil constitutionnel apparaît en conséquence remplie.

2.3.2- Les répressions protègent-elles les mêmes intérêts sociaux ?

Si la Direction générale des finances publiques a demandé au tribunal de juger, contrairement à ce qui est soutenu dans les questions prioritaires de constitutionnalité, que les intérêts sociaux protégés par les articles 1729 et 1741 du Code général des impôts sont distincts, le Procureur de la République financier n'a, sur question posée par le tribunal, formulé aucune observation sur ce point.

2.3.2.1 Sur la place des dispositions concernées dans le code général des impôts

En premier lieu, le tribunal relève que les articles 1729 et 1741 du code général des impôts figurent dans le même chapitre II : «Pénalités» du livre II : «Recouvrement des impôts».

La Direction générale des Finances publiques argue cependant de ce que «s'il est exact que les deux articles précités font partie du même chapitre intitulé «pénalités» du Code général des impôts, (...) figurent, toujours dans ce même chapitre «pénalités», les dispositions des articles 1727 et 1727-OA du Code général des impôts, relatives aux intérêts de retard, dont il est incontestable qu'ils ne constituent pas des sanctions et qu'ils n'ont pas pour finalité de dissuader les éventuelles candidats à la fraude fiscale».

Cependant, le tribunal observe que dans le chapitre II : «Pénalités», figurent au sein d'une même section A : «Dispositions communes» trois parties : A. Intérêt de retard, B. Sanctions fiscales et C. Sanctions pénales, D. recouvrement et contentieux des pénalités et solidarité et E. Mesures diverses

Pour le tribunal, cette différenciation démontre suffisamment la distinction faite par le législateur entre ce qui relève des sanctions proprement dites, qu'elles soient fiscales ou pénales, des autres aspects inhérents au recouvrement de l'impôt en cas de défaillance du contribuable.

Cette différenciation se manifeste au surplus au premier alinéa de l'article 1727 du Code précité qui précise : «A cet intérêt (de retard) s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code».

23.2.2.- Sur la question des intérêts sociaux protégés dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

Selon l'administration fiscale, la Cour européenne des droits de l'Homme a considéré, dans un arrêt SEGAME c/ FRANCE du 7 juin 2012 que «ce contentieux ne faisait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la Convention» (considérant 54).

Le tribunal constate que l'objet de cet arrêt, en visant le fait que «ce contentieux ne faisait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la Convention», a été de déclarer conforme à la Convention européenne des Droits de l'Homme, le dispositif des «amendes administratives», qualifiées par la Cour de «pénalités fiscales», relevant du juge administratif, lequel dispose notamment du pouvoir de modulation de la sanction.

C'est ainsi que pour la Cour, «un système d'amendes administratives, telles les pénalités fiscales (...) n'est pas contraire à l'article 6 §1 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de cet article».

Aussi, les développements de cet arrêt semblent indifférents à la résolution de la question posée au tribunal sur la définition des intérêts sociaux protégés.

Au surplus, la Direction générale des finances publiques vise, à l'instar de l'arrêt SEGAME, l’arrêt JUSSILA c/ FINLANDE. Le tribunal constate que, dans cette affaire, la Cour va, dans son considérant n°43, juger que «les majorations d’impôt ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, les garanties offertes par le volet pénal de l'article 6 ne doivent pas nécessairement s'appliquer dans toute leur rigueur», pour juger conforme à l'article 6 §1, la procédure de redressement fiscal portant sur une majoration de 10 % des droits, soumise à l'appréciation du tribunal administratif.

Le tribunal relève surtout dans cette affaire que la Cour met en exergue le caractère pénal des sanctions fiscales et le fait que les procédures fiscales visent à empêcher la réitération de comportements délictuels. C'est ainsi que dans son considérant n°38, la Cour va juger que «les majorations d’impôt ne tendaient pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice mais visaient pour l’essentiel à punir pour empêcher la réitération des agissements incriminés», que «les majorations infligées étaient fondées sur une norme poursuivant un but à la fois préventif et répressif», pour conclure que «cette considération suffit à elle seule à conférer à l’infraction infligée un caractère pénal».

L'administration fiscale argue encore de ce que «précédemment, la Cour Européenne des Droits de l'Homme avait expressément jugé, le 11 mai 2010, dans un arrêt VERSINI cf FRANCE (requête n°11898/05), concernant une double poursuite et pénale, que ces deux procédures, indépendantes, «ont des objets et finalités différents».

Le tribunal observe que si la Cour européenne des droits de l'Homme juge en effet que «la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes et ont des objets et finalités différents», c'est à la lumière de l'argumentation tendant à soutenir que la cour d'appel avait statué sans attendre la résolution du litige devant le juge administratif.

Ainsi, pour la Cour européenne des droits de l'Homme, la différence d'objets et de finalités est à rechercher dans le fait que «le juge administratif est le juge de l'impôt», et qd«il lui appartient de rendre une décision sur l'assiette et l'étendue de l'imposition», alors que «de son côté, le juge pénal est le juge de la fraude» et «doit rechercher, selon les termes de la Cour de cassation, si l’intéressé a échappé ou a tenté d'échapper à l'impôt par des manœuvres répréhensibles», pour souligner encore que «les décisions du juge administratif n'ont pas l'autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal» et qu'il en résulte que ce dernier peut condamner un prévenu pour fraude fiscale, alors même que le juge administratif a prononcé la décharge des impositions correspondantes.

Il résulte en réalité de cette décision, contrairement à ce que soutient la Direction générale des finances publiques, que la notion «d'objets et finalités différents» visés dans cet arrêt ne porte en réalité que sur les différences procédurales pouvant exister entre les deux ordres de juridictions au regard de l'indépendance de l'une par rapport à l'autre.

Pour le tribunal, la notion «d'objets et finalités différents», tel que jugé par la Cour européenne des droits de l'homme, n'apparaît pas avoir la même portée et la même signification que la notion «d'intérêt social protégé», au sens de la décision du 18 mars 2015 précitée du Conseil constitutionnel.

2.3.2.3.-Sur la question de l'identité des intérêts sociaux dans la jurisprudence de la Cour de cassation

2.3.2.2.1.- Rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, le 3 décembre 2014, (n° 14-90040) que, s'agissant du cumul des poursuites attachées aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, la question posée ne présente pas à l'évidence un caractère sérieux, «dès lors que, d'une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l'une de l'autre et ont des objets et finalités différents, d'autre part, en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une de celle encourues».

Selon l'administration fiscale, cet arrêt permet de considérer que la condition de l'identité d'intérêts sociaux n'est pas remplie.

Le tribunal relève que cet arrêt s'inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1968.

C'est ainsi que la chambre criminelle, dans un arrêt du 16 mai 1968 (B.C. n°161 p. 391) a jugé que «Les poursuites pénales instaurées sur les bases de l'article 1741 du Code général des impôts et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impositions sont par leur nature et leur objet différentes et indépendantes l’une de l'autre» et que «le juge répressif saisi d'une infraction prévue et réprimée par ledit article 1741 n'a donc pas à surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative ait rendu sa décision».

Le 9 janvier 1969, la Chambre criminelle va encore juger que «Les poursuites exercées par l'administration fiscale (Contributions directes) sur la base de l'article 1741 du Code général des impôts ex article 1835, ne sauraient éteindre l'action de l'administration pour les infractions spéciales qui ont pu concourir à caractériser matériellement les premières poursuites» (B.C. n°20, p. 39)

La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 avril 1970 (n°68-92282) a de nouveau jugé que : «les poursuites pénales instaurées sur les bases de l'article 1741 du Code général des impôts et la procédure administrative tendant à la fixation de l’assiette et de l'étendue des impositions sont, par leur nature et leur objet, différentes et indépendantes l'une de l'autre», et «que la mission du juge qui se prononce sur une poursuite intentée en vertu de l’article 1741 se borne à rechercher si le prévenu a échappé ou a tenté d'échapper à l'impôt par des manœuvres répréhensibles et pour des sommes dépassant la tolérance légale ; que si, avant qu'il se soit prononcé sur ces points, intervient une décision de la juridiction administrative par laquelle sont définitivement annulés les titres de perception établis, sur rehaussements, par l'administration des impôts, cette décision ne fait pas obstacle à une condamnation par le juge répressif sur la base de l'article 1741 susvisé». La Chambre criminelle ajoute «qu'en effet la juridiction administrative ne se prononce que selon les règles de preuve qui lui sont propres et qu'au regard d'une imposition poursuivie sur un titre de perception, alors que dans les poursuites pénales, la dissimulation peut être établie par tous les moyens de preuve concourant à former la conviction des juges ; que dès lors la décision administrative ne peut avoir au pénal l'autorité de la chose jugée, qu'elle ne s'impose pas aux juridictions correctionnelles, qui ne sauraient être tenues d'en déduire que le contribuable ainsi exonéré n'en a pas pour autant fraudé ou tenté de frauder».

Ces différents arrêts vont forger la jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, peuvent être mentionnés notamment les arrêts du 27 février 1974 (B.C. n°85, p. 209) ou 20 juin 1996, (B.C. n°268, p. 806), espèce dans laquelle la Cour de cassation va confirmer une cour d'appel ayant jugé que «les poursuites pénales du chef de fraude fiscale, qui visent à réprimer des comportements délictueux tendant à la soustraction à l'impôt, ont une nature et un objet différents de ceux poursuivis, par l'Administration, dans le cadre du contrôle fiscal et qui tend au recouvrement des impositions éludées».

Dans un arrêt du 6 novembre 1997 (n°96-86127), cité par l'Administration fiscale dans ses conclusions (page 10), la Chambre criminelle réitère sa jurisprudence en jugeant une nouvelle fois que «les poursuites pénales du chef de fraude fiscale, qui visent à réprimer des comportements délictueux tendant à la soustraction à l'impôt, ont une nature et un objet différents de ceux des poursuites exercées par l'administration, dans le cadre du contrôle fiscal, qui tendent au recouvrement des impositions éludées»;

De cette indépendance des procédures, la Cour de cassation tirera les conséquences procédurales suivantes :

-dans un arrêt du 9 avril 1970 (n°68-93615), elle énonce que «Le juge répressif saisi de poursuites pour fraude fiscale, n'est pas tenu de prendre en considération les décisions des juridictions administratives qui déterminent l'assiette et l'étendue d'impositions contestées», position qu'elle réitérera le 18 novembre 1976 (B.C. n°332, p: 847), et le 10 mars 1986 (RJF 7/86, n°742).

-dans un arrêt du 23 novembre 1995, la Cour de cassation précise que «le juge pénal n’a pas à attendre la décision du juge administratif pour se prononcer sur le délit de fraude fiscale et qu'il peut ainsi condamner le prévenu pour fraude fiscale alors même que le juge administratif a prononcé la décharge des impositions correspondantes» (RJF 11/96, n°1353)(tous ces arrêts sont cités dans la décision VERSINI à son considérant n°38).

-dans un arrêt du 12 mai 1976, la haute juridiction souligne que le juge pénal ne peut se contenter d'asseoir sa décision «en fondant l'existence de ces dissimulations sur les seules évaluations que l'administration a été amenée à faire, selon ses procédures propres pour établir des valeurs d'assiette en vue de rehaussement d'office» (Cass. Crim, 12 mai 1976, n°75.91792), position réitérée dans un arrêt du 27 février 1978 (B.C. 1979, n°74 p. 183).

2.3.2.2.2.- Position du tribunal sur la notion d'intérêts sociaux protégés

Il résulte de l'ensemble de ces éléments rappelés ci-dessus que la jurisprudence de la Cour de cassation s'inscrit dans une logique procédurale et d'indépendance des procédures qui justifie qu'elles puissent chacune être continuées sans que l'une puisse interférer sur le déroulement de l'autre et permettant, dans le respect du principe de proportionnalité, le cumul des sanctions.

Le tribunal note en outre que la notion de finalité différente est apparue, pour la première fois, dans l'arrêt du 3 décembre 2014 précité. Aussi, il n'apparaît pas suffisamment que, par cet arrêt, la Cour de cassation ait voulu marquer que l'indépendance des procédures impliquait une différence d'intérêt social protégé.

En effet, il apparaît pour le tribunal que la notion d'intérêts sociaux protégés, telle qu'utilisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015, dépasse la seule logique de procédure, pour s'inscrire dans une logique législative destinée à mettre en lumière, pour l'analyse des dispositions contestées devant lui, les intérêts sociaux que le législateur a entendu consacrer par l'adoption d'une loi.

En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que «ta répression du manquement d'initié et celle du délit d’initié poursuivent une seule et même finalité de protection du bon fonctionnement et de l'intégrité des marchés financiers ; que ces répressions d'atteintes portées à l'ordre public économique s'exercent dans les deux cas non seulement à l'égard des professionnels, mais également à l'égard de toute personne ayant utilisé illégalement une information privilégiée ; que ces deux répressions protègent en conséquence les mêmes intérêts sociaux».

Pour le Conseil constitutionnel, et au regard de la décision du 18 mars 2015, l'intérêt social s'identifie d'une part, en considération de la finalité des ordres sanctionnateurs et, d'autre part, en considération du champ d'application aux personnes concernées.

2.3.2.2.2.1.- Sur la finalité au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015

Lorsque dans son considérant 25, le Conseil constitutionnel évoque la finalité poursuivie par les dispositions contestées devant lui en matière boursière, il inscrit cette notion dans l'ordre public qui est protégé par celle-ci, à savoir, en l'espèce, l'ordre public économique.

Il se déduit, sous ce prisme, de l'analyse des dispositions tant de l'article 1729 du Code général des impôts que de l'article 1741 du même Code, que leur finalité, au sens de la décision du 18 mars 2015 du Conseil constitutionnel doit être recherchée au regard de l'ordre public protégé, à savoir l'ordre public fiscal, qui tend à prévenir et réprimer la fraude et l'évasion fiscale.

En effet, tant les majorations prévues à l'article 1729 du Code général des impôts que les infractions résultant de l'article 1741 du même Code tendent à la prévention et la répression de la fraude fiscale.

***

Cette analyse est confortée tant par la jurisprudence du Conseil d'État que par celle du Conseil constitutionnel.

S'agissant de l'article 1729 du Code général des impôts, le tribunal relève que le Conseil d'État a jugé que les pénalités fiscales répondent à des «objectifs de prévention et de répression de la fraude et de l'évasion fiscales» (arrêt du 23 juillet 2014 - n°359902 ; arrêt du 23 juin 2014, n°352990 ; arrêt du 9 avril 2014, n°359913 ; arrêt du 17 juillet 2013, n°356523 et n°360706).

Le conseil constitutionnel, dans sa décision précitée n°2010-103 QPC du 17 mars 2011 a considéré, s'agissant de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du Code général des impôts que «l'article 1729 du code général des impôts vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt» et que «la disposition contestée institue une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction».

Le tribunal note au surplus que cette analyse rejoint celle de la Cour européenne des droits de l'Homme dans sa décision précitée VERSINI dans laquelle elle juge que «les majorations d'impôt ne tendaient pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice mais visaient pour l’essentiel à punir pour empêcher la réitération des agissements incriminés, qu’elles étaient fondées sur une norme de caractère général dont le but était à la fois préventif et répressif et que les montants exigés de ce chef revêtaient une ampleur considérable» et celle du Conseil d'État, qui a considéré dans un avis du 31 mars 1995 que sont des sanctions fiscales, les pénalités, majorations ou amendes «qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice».

Si la vocation première des procédures fiscales est le recouvrement de l'impôt, tel n'est pas le cas des majorations prévues qui ne visent pas à recouvrer l'impôt mais, dans ce processus de recouvrement, à dissuader, sanctionner et prévenir les comportements de fraude fiscale et d'évasion fiscale, ce qui constitue la même finalité que les infractions pénales. Cette analyse rend en conséquence inopérante la distinction opérée par la DGFIP dans ses conclusions (page 11) selon laquelle, devant le juge pénal, «c'est l'atteinte aux intérêts de la société dans son ensemble qui est poursuivie» et devant l'administration fiscale, «c'est l'atteinte au système fiscal national et aux intérêts de l'État qui est poursuivie».

***

Au surplus, la Direction générale des finances publiques soutient que la différence d'objet et de finalité résulte encore du fait que la procédure pénale se caractérise par la volonté du législateur de lui donner un caractère d'exemplarité, du fait du caractère public de l'audience, - qui s'oppose au caractère secret de la procédure fiscale - et de la possibilité pour le juge pénal d'ordonner l'affichage et la diffusion de sa décision.

Pour le tribunal, si cette différence illustre encore les spécificités propres de chaque procédure, selon qu'elles soient conduites par l'autorité administrative ou par l'autorité judiciaire, elle ne saurait pour autant caractériser une différence d'intérêt social protégé.

2.3.2.2.2.2.- Sur le groupe social concerné

Appliquant les critères relevés dans le considérant n°25 de la décision précitée du 18 mars 2015, le tribunal relève que les deux champs de répression ont vocation à s'appliquer à toute personne, contrairement aux procédures disciplinaires ordinales ou administratives tendant à réguler un secteur et les seules personnes participant à l'activité de celle-ci.

***

En définitive, les intérêts sociaux protégés par les sanctions fiscales, prévues à l'article 1729 du Code général des impôts, sont similaires aux intérêts sociaux protégés par l'article 1741 du Code de général des impôts, à savoir la prévention et la répression de la fraude fiscale et de l'évasion fiscale.

***

Le tribunal observe au surplus que ces mêmes intérêts sociaux constituent un objectif d'ordre constitutionnel. Dans sa décision 99-424 DC du 29 décembre 1999, s'agissant de l'article 1728 du Code général des impôts, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur d'assurer la conciliation de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, qui découle nécessairement de l'article 13 de la Déclaration de 1789, avec le principe énoncé par son article 8, aux termes duquel : «La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée».

L'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale a encore été rappelé dans la décision 99-424 DC du 29 décembre 1999, 2001-457 DC, du 27 décembre 2011, 2003-489 DC, du 29 décembre 2003, 2009-597 DC et 2009-598 DC du 21 janvier 2010.

Dans sa décision 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a également jugé que la lutte contre l’évasion fiscale constituait un objectif constitutionnel, précisant dans sa décision 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, qu'il découlait de l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Le Conseil constitutionnel a par la suite inscrit cet objectif dans sa jurisprudence (voir les décisions 2011-638 DC, du 28 juillet 2011, 2012-236 QPC du 20 avril 2012, 2013-679 DC du 4 décembre 2013,2013-684 DC du 29 décembre 2013).

Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale dans sa décision n°2015-481 QPC du 17 septembre 2015.

***

2.3.3.- Les faits prévus par les articles en cause doivent-ils être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente ?

Il importe, pour le tribunal, au regard des décisions précitées du Conseil constitutionnel des 18 mars 2015 et du 14 janvier 2016, d'examiner si les faits prévus par les articles 1729 et 1741 du Code général des impôts doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne seront pas de, nature différente.

Sur la notion de «sanctions qui ne sont pas de nature différente», le tribunal relève les propres commentaires du Conseil constitutionnel à l'occasion de la décision précitée du 18 mars 2015 (page 23) selon lesquelles «ce n’est (...) pas la coexistence de deux arsenaux répressifs d’une grande sévérité qui suffit à considérer que les sanctions encourues ne sont pas de nature différente, mais le fait que chaque " ordre sanctionnateur" dispose de sanctions qui, quoique différentes, peuvent être regardées comme d’une sévérité équivalente».

A l'occasion de la décision précitée du 14 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a rappelé dans ses propres commentaires (page 20) la nécessité d’évaluer l'équivalence de sévérité, indépendamment du fait que coexistent deux arsenaux répressifs, en eux-mêmes d'une grande sévérité.

Le tribunal relève, pour la période des faits concernés, soit au cours des années 2010 à 2012, que l'article 1741 du Code général des impôts prévoit des niveaux de répression différents :

2.3.3.1- Sur le niveau de sévérité de l'article 1741 du Code général des impôts du 1er janvier 2010 (en vigueur depuis le 14 mai 2009) jusqu'au 16 mars 2012

*37500 euros d'amende

* emprisonnement de 5 ans

* privation des droits civiques, civils et de famille

* publication automatique du jugement (devenant à compter du 16 mars 2012 une possibilité pour le tribunal, suite à la déclaration d'inconstitutionnalité du 4ème alinéa de l'article 1741 du Code général des impôts)

-du 16 mars 2012 au 31 décembre 2012 (en vigueur jusqu'au 13 octobre 2013)

*500000 euros d'amende (750000 euros si fausses factures)

* emprisonnement de 5 ans

La peine est aggravée à 1 000 000 euros d'amende et à 7 ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France, depuis au moins cinq ans au moment des faits, une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale française, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis dans l'un de ces États ou territoires

*privation des droits civiques, civils et de famille

* possibilité d'ordonner l'affichage de la décision

***

Selon le Procureur de la République financier, en plus des sanctions prévues à l'article 1741 du Code général des impôts, il y a lieu de prendre en compte d'autres peines pouvant être prononcées par le juge pénal :

-L'article 1750 du code général des impôts prévoit ainsi, à titre de peine complémentaire, et pour une durée maximum de trois ans, ou six ans en cas de récidive :

❖ l'interdiction d'exercer, directement ou par personne interposée, pour son compte ou le compte d'autrui, toute profession industrielle, commerciale ou libérale,

♦ la suspension du permis de conduire un véhicule automobile, en autorisant le cas échéant le condamné à faire usage de son permis pour l'exercice d'une activité professionnelle.

-Le Procureur de la République financier précise également qu'en application des dispositions de droit commun prévues à l'alinéa 1er de l'article 131-21 du code pénal, la confiscation de tout bien immobilier ou mobilier peut être prononcée et que par ailleurs, au titre de l'article 131-21, alinéa 5 du code pénal, lorsque une infraction, punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, a procuré un profit direct ou indirect, la confiscation peut porter sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l’origine.

- Le Procureur de la République financier ajoute qu'en cas de condamnation pénale pour fraude fiscale, la contrainte judiciaire prévue par l'article 749 du code de procédure pénale, s'applique et vient sanctionner lourdement le non paiement des amendes pénales. Pour le Procureur, «Si la contrainte judiciaire ne constitue pas en tant que telle une peine supplémentaire encourue, son existence est de nature à modifier sérieusement le régime des sanctions financières encourues sur le plan pénal».

- Le Procureur de la République financier expose enfin que d'autres sanctions sont encourues en cas de condamnation pour fraude fiscale :

♦ conformément à l'article 8 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, ne peuvent soumissionner à un marché passé par un pouvoir adjudicateur défini à l'article 3 ou par une entité adjudicatrice définie à l'article 4, les personnes qui ont fait l'objet, depuis moins de cinq ans, d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues [...] par l'article 1741 du code général des impôts.

♦ Toute condamnation pénale de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour fraude fiscale, en application de l'article 1741, entraîne la caducité du plan d'apurement obtenu en application des dispositions de l'article 32 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 (loi sur le développement économique des outre-mer).

Sur le niveau de sévérité de l'article 1729 du Code général des impôts

L'article 1729 du Code général des impôts prévoit l'application d'une majoration de :

- 40 % en cas de manquement délibéré ;

- 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L 64 du livre des procédures fiscales; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

- 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis.

Le tribunal observe à ce stade du jugement que si le Conseil constitutionnel a été amené à statuer sur la question de la proportionnalité des amendes fiscales, il n'a pas, pour autant, examiné cette question sous l'angle des doubles poursuites.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d'État d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 1736 du code général des impôts qui institue une amende fiscale égale à 50 % des sommes déclarées, destinée à sanctionner le non-respect d’obligations de déclaration de versement mises à la charge de personnes identifiées par le législateur comme des “tiers déclarants’’. La requérante faisait valoir que ce texte méconnaissait les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil a retenu, dans sa décision n°2012-267 QPC du 20 juillet 2012, que «la disposition contestée sanctionne le non respect d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations fiscales, qu'en fixant l'amende encourue par l'auteur des versements en proportion des sommes versées, le législateur a poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'il a proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés appréciée à raison de l'importance des sommes non déclarées ; que le taux de 50 % retenu n'est pas manifestement disproportionné ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit être écarté».

Saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux majorations fiscales de 40% prévues par les articles 1728 et 1729 du CGI (en cas respectivement de non-déclaration après mise en demeure et de mauvaise foi du contribuable), et posant donc la question des amendes à taux unique et fixe, le Conseil, par deux décisions du 17 mars 2011, a déclaré les articles en cause conformes à la Constitution, dans les termes quasiment similaires dans les deux décisions :

«5. Considérant (...) que le principe d’individualisation des peines (...) implique que la majoration des droits, lorsqu 'elle constitue une sanction ayant le caractère d’une punition, ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l’a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu ’il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression efficace des infractions (...)» ;

«7. Considérant que la disposition contestée institue une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l’infraction ; que la loi a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de lui substituer un autre taux parmi ceux prévus par les autres dispositions de l'article 1728 s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n'est pas manifestement disproportionné».

***

Sur les majorations prévues à l'article 1729 du Code général des impôts, le Procureur de la République financier précise que :

«Le montant des majorations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune demeure strictement proportionnel au montant des droits éludés, eux-mêmes estimés au regard de l'importance du patrimoine du contribuable. Conformément aux dispositions de l'article 885 U du code général des impôts, le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune est fixé au regard d'un pourcentage de la valeur nette taxable du patrimoine, pourcentage qui s'élève au maximum à 1,8 %.

La majoration fiscale applicable atteint ainsi au maximum 1,44 % de la valeur nette du patrimoine. Il en résulte que la majoration fiscale ne constitue jamais une sanction de grande sévérité, dans la mesure où elle représente toujours une fraction du patrimoine du contribuable, fraction qui ne peut jamais dépasser 1,44 %. Même si la majoration peut constituer en valeur absolue un montant important, elle demeurera en tout état de cause faible au regard de la surface financière et immobilière de la personne».

2.3.33.- Sur la mesure de l'équivalence de sévérité

Selon M. [R F], «en considération de sa décision du 14 janvier 2016, le conseil constitutionnel pourrait apprécier différemment les dispositions de l’article 1741 du code général des impôts antérieures au 16 mars 2012, et celles postérieures à cette date qui prévoient une sanction jusqu ’à dix fois supérieure. En tout état de cause, les dispositions antérieures à cette date sont de toute évidence de même sévérité que la sanction fiscale, et le conseil constitutionnel n’a pas dégagé de seuil qui permettrait automatiquement de considérer que les dispositions postérieures ne le sont pas. Par principe, la majoration de 80% du montant éludé s’avère être particulièrement sévère».

La Direction générale des finances publiques soutient que «ces sanctions sont incontestablement de nature différente, puisque l'amende pénale n'est pas corrélée au moment de la fraude et est plafonnée, à l'inverse de la pénalité fiscale, dont le montant dépend de l'impôt redressé et peut donc varier très sensiblement».

***

Le tribunal rappelle les développements précédents selon lesquels il importe de mesurer si les sévérités institués par chacun des ordres sanctionnateurs peuvent être regardées comme de sévérité équivalente.

En effet, il ne résulte pas, en l'état des décisions du Conseil constitutionnel, que la seule différence tenant à ce que l'amende fiscale soit proportionnée et la sanction pénale, plafonnée, suffise à caractériser la différence de nature de sanction.

Le Conseil constitutionnel mesure la gravité respective des deux arsenaux répressifs l'un par rapport à l'autre, et ce n'est que dans l'hypothèse où leur sévérité se révèle équivalente que les sanctions peuvent être considérées comme étant de même nature.

***

A cet égard, le tribunal observe qu'en la matière, l'appréciation de l'équivalence de sévérité est fonction de l'importance des droits éludés, puisqu'elle conditionne le montant des majorations de l'article 1729 du Code général des impôts.

Il y a lieu de relever, au demeurant, que le si le juge pénal, faisant application de l'article 1741 du Code général des impôts, a le devoir de personnaliser la peine prononcée en application du principe d'individualisation des peines, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, le 29 avril 1997 (n°95-20001), s'agissant de l'application de l'article 1729 du Code général des impôts que le juge judiciaire, lorsqu’il est compétent pour se prononcer sur cette majoration fiscale, doit moduler le montant des pénalités fiscales en considération des circonstances de l’espèce et du comportement du contribuable.

La Cour de cassation, a par la suite précisé, dans un arrêt du février 2000 (Bull. IV, n° 39) «qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que la majoration prévue par l'article 1728-3 du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, bien que cette disposition n'ait pas institué à l'encontre de la décision de l'administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende, il résulte de l'article 6, paragraphe 1,susvisé que l'application de l'article 1728-3 doit être dans cette mesure écartée et qu'il appartenait dès lors au tribunal, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, précité, de se prononcer en l'espèce sur le principe et le montant de l'amende».

En tout état de cause, indépendamment même de la période des faits à prendre en considération, à savoir du 1er janvier 2010 au 16 mars 2012 ou du 16 mars 2012 au 31 décembre 2012, le tribunal constate que la sévérité de l'article 1729 du Code général des impôts dépend de l'importance des droits éludés, sur la base desquels la majoration sera appliquée.

*Sur la question de la prise en compte des sommes versées par M. et Mme [F]

Selon les éléments communiqués par l'administration fiscale, la pénalité fiscale appliquée à M. et Mme [F] pour l'impôt de solidarité sur la fortune s'est élevée à 46 553 euros pour les trois années visées par la prévention.

Pour l'administration fiscale, «un tel montant de pénalité est (...) sans rapport avec les peines encourues au plan pénal», précisant à l'audience «qu'il y avait lieu de tenir compte de la réalité d'un dossier».

Au titre de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité qui constitue un contentieux objectif, le tribunal ne saurait, pour l'examen d'une disposition législative, prendre en considération les seuls faits de l'espèce, et donc les montants des sanctions fiscales prononcées à l'encontre de M. et de Mme [F], mais se doit de procéder à un examen général de la norme dont la constitutionnalité est contestée.

En effet, s'en tenir à une appréciation liée strictement aux faits de la prévention ne serait pas conforme au rôle que le législateur organique a confié au juge du fond dans le premier examen tenant au caractère sérieux du moyen de constitutionnalité.

***

*Sur la question de la disproportion ou de l'équivalence de sévérité entre les sanctions prévues à l'article 1741 du Code général des impôts et de l'article 1729

Selon le Procureur de la République financier, «une personne poursuivie sur le plan pénal du chef de fraude fiscale à l'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune encourt, au minimum, sept sanctions de nature différente : un emprisonnement de 5 ans (voire 7 ans), une amende de 37 500 € (voire jusqu'à un million d'euros), la privation des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer toute profession, la suspension du permis de conduire, la confiscation de tous biens mobiliers et immobiliers et l'interdiction de postuler à un certain nombre de dispositifs.

Il s'agit de sanctions particulièrement attentatoires aux droits essentiels d'une personne (liberté d'aller et venir, droit de propriété, droit au travail et droit de participer à la vie de la collectivité).

Sur le plan fiscal, la personne poursuivie encourt uniquement une sanction de nature financière, demeurant, quelle que soit l'hypothèse, modérée au regard de l'étendue de son patrimoine».

La Direction générale des finances publiques fait part à l'audience de ses interrogations quand à la mise en rapport entre une sanction pécuniaire et une peine d'emprisonnement.

Sur cet argument, le tribunal rappelle que dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a procédé à une telle mise en rapport, considérant qu'à un certain niveau de sévérité, une relation d'équivalence pouvait exister entre une peine d'emprisonnement et une sanction pécuniaire. A cet égard, le Procureur de la République financier a, dans ces réquisitions orales, indiqué, s'agissant de la décision du 18 mars 2015, que «10 millions d'euros, pouvaient correspondre pour le Conseil constitutionnel à 2 ans d'emprisonnement et 1,5 millions d'euros», reconnaissant qu'un rapport d'équivalence avait été établi par le Conseil constitutionnel entre une amende et une peine d'emprisonnement.

S'agissant de l'argument avancé tenant à la prise en compte de l'ensemble des peines complémentaires, le tribunal observe que le Conseil constitutionnel, dans ses décisions du 18 mars 2015 et 14 janvier 2016 n'a pas pris en considération l'ensemble de l'arsenal répressif encouru pour la mesure d'équivalence. En effet, si la peine de dissolution de la personne morale a été prise en compte - au regard certainement de la peine d'emprisonnement pour la personne physique -, le Conseil constitutionnel n'a pas tenu compte notamment de la peine de confiscation.

***

En tout état de cause, et indépendamment même de la question de la prise en compte de l'ensemble des sanctions de l'ordre sanctionnateur pénal, il apparaît que l'analyse de l'équivalence de sévérité entre l'article 1729 du Code général des impôts d'une part et l'article 1741 de ce même code d'autre part, se heurte à la variabilité des droits éludés dont dépend le montant des majorations. Il n'est donc pas possible de déterminer la sévérité intrinsèque de l'article 1729 du Code général des impôts.

En outre, l'argument selon lequel la majoration de 80 % ne peut atteindre que 1, 44 % de la valeur nette du patrimoine ne répond qu'imparfaitement à la question posée de l'équivalence de sévérité :

-la valeur d'un patrimoine pouvant être d'une importance considérable, il ne saurait être prétendu que 1, 44 % de cette valeur totale serait nécessairement inférieur aux sanctions pénales encourues,

- procéder au rapport d'équivalence entre le patrimoine total d'une personne et le fait que la sanction ne correspond qu'à une infime partie de ce patrimoine ne correspond pas à l'opération de mesure d'équivalence auquel le Conseil constitutionnel demande de procéder. En effet, il ne s'agit pas de comparer la sanction fiscale au patrimoine, mais la sanction fiscale à la sanction pénale.

En conséquence, le tribunal constate que si les sévérités respectives des deux ordres sanctionnateurs ne sont pas toujours équivalentes, compte tenu de la variabilité des droits éludés d'une situation à l'autre, elles peuvent cependant l'être dans certaines situations.

Lorsque le montant des droits éludés et le patrimoine du contribuable sont très importants, l'application de la majoration de 40 % et de 80 %, même plafonnées à 1,44 % du patrimoine en application de l'article 885-U du Code général des impôts, aboutit à une sévérité tout aussi équivalente que la peine d'amende et la peine d'emprisonnement prévues à l'article 1741, auxquels s'ajouteraient le cas échéant d'autres peines résultant de l'arsenal répressif.

Le tribunal doit donc prendre en compte, dans son analyse, la potentialité de sévérité de l'article 1729 du Code général des impôts qui ne connaît aucune limite théorique puisque le montant des droits éludés et le patrimoine d'une personne peuvent être d'une ampleur exceptionnelle.

L'équivalence de sévérité des sanctions peut donc exister dans les hypothèses de répressions prévues à l'article 1741 du Code général des impôts dans sa version applicable au 16 mars 2012.

Cette équivalence apparaît aussi possible postérieurement au 16 mars 2012 -contrairement à ce que soutient l'administration fiscale s'appuyant sur les commentaires d'un auteur - puisque, s'agissant de la pénalité proportionnelle prévue à l'article 1729 du Code général des impôts, elle peut se révéler d'une extrême sévérité, au point que les peines d'emprisonnement et d'amende encourues, assorties le cas échéant des peines complémentaires, pourront être regardées comme d'une sévérité équivalente.

Au surplus, s'en tenir à l'argumentation de l'administration fiscale et du parquet national financier s'attachant aux montants éludés des faits de l'espèce, non seulement est contraire à l'esprit de l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité, mais aboutirait à la singulière situation tenant à ce que, pour une même version des textes applicables au même moment, les doubles poursuites pourraient être regardées, selon les procédures concernées, tantôt comme conformes à la Constitution, tantôt contraires à celle-ci.

La constitutionnalité d'une disposition ne saurait dépendre des faits d'une espèce, sauf à admettre une forme de constitutionnalité à géométrie variable.

En cet état, le tribunal constate que les faits prévus et réprimés par les articles 1729 et 1741 du Code général des impôts, en ce qu'ils peuvent aboutir dans certains cas à des sévérité équivalentes, doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente.

***

2.3.4.- La sanction encourue par l’auteur d’un manquement ou la sanction encourue par l’auteur d’un délit relève-t-elle du même ordre juridictionnel ?

Selon M. [F] et Mme [F], en matière d’impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, le juge judiciaire est compétent pour prononcer la sanction pénale fondée sur l’article 1741 du code général des impôts, et pour juger le contentieux opposant l’administration fiscale et le contribuable concernant l’application de l’article 1729 de ce code.

S'agissant de l'article 1741 du Code général des impôts :

Le juge judiciaire est compétent pour prononcer la sanction pénale.

S'agissant de l'article 1729 du Code général des impôts :

Il résulte de l’article L199 du Livre des procédures fiscales qu'^en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif 11 en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles.

En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. Les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application ».

L'article 885 D du Code général des impôts dispose que «l'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre».

Enfin, selon l'article 4 de la loi n°2012-958 du 6 août 2012 de finances rectificative pour 2012 instituant la contribution exceptionnelle sur la fortune, «la contribution est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l'impôt de solidarité sur la fortune».

Il résulte de ces dispositions que les sanctions fiscales prononcées en application de l'article 1729 du Code général des impôts en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune relève, comme en matière de droits d'enregistrement, du juge judiciaire.

En conséquence l'auteur d'une minoration frauduleuse d’une déclaration d'impôts de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune encourt dès lors des sanctions, en application de l'article 1741 du Code général des impôts d'une part et en application de l'article 1729 du Code général des impôts d'autre part, qui relèvent toutes deux du même ordre de juridiction.

***

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que, d'une part, les sanctions attachées à l'article 1729 du Code général des impôts et, d'autre part, les sanctions de la fraude fiscale issues de l'article 1741 du Code général des impôts, en ce qu'elles concernent l'impôt de solidarité sur la fortune et la contribution exceptionnelle sur la fortune, apparaissent ne pas pouvoir être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction.

Il revient au tribunal, en ce état, de dire que la question qui lui est posée, n'est pas dénuée de sérieux et qu'en conséquence, il y a lieu de la transmettre à la Cour de cassation.

2.3.5.- Sur l'argument tiré de l'absence de décision définitive La partie civile fait valoir que dans le cas d'espèce, et contrairement à celui qui a donné lieu à la décision du 18 mars 2015, il n'existe à ce jour aucune décision définitive rendue soit sur un plan fiscal soit sur un plan pénal.

Ainsi, selon la Direction générale des impôts, M. et Mme [F], bien qu'ils aient «accepté et payé les redressements (...), restent en effet en droit de les contester d'une part dans le délai normal de réclamation, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle les impositions ont été mises en recouvrement (c'est-à-dire en 2014 et 2015 -application de l'article R. 196-1 du Livres des procédures fiscales) et d’autre part dans le délai spécial prévu en cas de notification d'une proposition de rectification, jusqu'à la fin de la troisième années suivante cette notification (article R. 196-3 du Livre des procédures fiscales».

Il résulte en effet d'un arrêt rendu le 21 octobre 2014 (n°25129/06, Lungu et a. c/ Roumanie) que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que «le déroulement simultané et en parallèle de(„) deux procédures indépendantes portant sur les mêmes faits, qui a conduit la chambre pénale de la cour d’appel à une nouvelle appréciation de ces faits, radicalement opposée à l’arrêt antérieur de la chambre commerciale de la même cour, a porté atteinte au principe de la sécurité juridique», et, partant, qu'«e« revenant sur un point en litige qui avait déjà été tranché et qui avait fait l’objet d’une décision définitive, et ce en l’absence de motif valable, la cour d’appel a enfreint le principe de la sécurité des rapports juridiques».

Toutefois, il ne résulte pas de la décision précitée du 18 mars 2015 que le Conseil constitutionnel ait posé une telle exigence, au regard d'une décision définitive d'une des autorités concernées.

En effet le Conseil constitutionnel a jugé que «des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier à l’encontre d’une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale sur le fondement de l'article L. 465-1 du même code ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne ; que, de la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 465-1 du code monétaire et financier dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l’article L. 621-15 du même code ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l’encontre de la même personne ; que, de la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 465-1 du code monétaire et financier dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l’article L 621-15 du même code ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l‘encontre de la même personne».

Il apparaît ainsi que le Conseil constitutionnel prend soin d'organiser la période transitoire en interdisant une double poursuite non pas simplement dans le cas où l'une des deux procédures aurait abouti à une décision définitive, mais dès lors que des poursuites auront été engagées soit sur le plan administratif soit sur le plan pénal.

Aussi, l'argument relevé par la Direction générale des Finances publiques n'apparaît pas de nature à faire cesser le doute sur l'inconstitutionnalité des dispositions en cause.

3.- Sur les suites à donner à la procédure au fond

L'article 23-3 de l'ordonnance précitée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : "Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel".

Il peut être passé outre au sursis à statuer :

- lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance

- lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté

- si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence

- ou, lorsque le sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie, la juridiction peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés

Le tribunal constate qu'aucune cause légale n'autorise à passer outre au sursis à statuer. Le Procureur de la République financier a fait valoir l'impact de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sur la bonne administration de la justice.

Le tribunal souligne que le législateur organique ne permet pas au tribunal, pour des motifs liés à la bonne administration de la justice, de passer outre au principe posé du sursis à statuer, ces situations ayant été strictement réglées à l'article 23-2 de l'ordonnance précitée. Le tribunal est en conséquence tenu de surseoir à statuer, et ce, indépendamment des conséquences liées à l'organisation des audiences.

En effet l'analyse des dispositions combinées des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment dans ses décisions précitées du 28 mars 2015 et 14 janvier 2016 fait naître un doute sérieux sur la constitutionnalité de ces dispositions qu'il n'appartient pas au tribunal de trancher.

***

Le tribunal ayant la responsabilité, au premier chef, d'assurer la sécurité juridique du procès, il importe que cette question qui n'est manifestement pas dénuée d'un caractère sérieux, soit tranchée par la Cour de cassation, et le cas échéant, par le Conseil constitutionnel.

4. Sur le sursis à statuer et le renvoi

Par un jugement du 6 janvier 2016, la 32ème chambre de ce tribunal a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libellée :

«En matière de droits d’enregistrement, et plus particulièrement de droits de succession, les articles 1729 et 1741 du Code général des impôts dans leur version applicable à la date de prévention, en ce qu’ils autorisent, à l’encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?».

Si ce sont les mêmes dispositions légales dont l’inconstitutionnalité est soulevée, le tribunal note cependant que dans la présente instance, l'article 1729 du code général des impôts porte, non sur les droits d'enregistrement plus particulièrement en matière de successions, mais sur l'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune.

En conséquence, le tribunal estime qu'il y a lieu de transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité déposées par M. [R F] et Madame [B S épouse F] en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune.

Le tribunal sursoit à statuer sur le fond jusqu'à ce que la Cour de cassation et, éventuellement, le Conseil constitutionnel, se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [R F] et Mme [B S épouse F].

Le tribunal décide de renvoyer l'examen de l'affaire à l'audience du 5 septembre 2016 à partir de 13H30 et précise que le procès se tiendra dans les conditions suivantes :

-lundi 5 septembre 2016 après-midi à partir de 13H30

-mercredi 7 septembre 2016 matin à partir de 9H00

-jeudi 8 septembre 2016 après-midi à partir de 13H30, et éventuellement à 9H00

-lundi 12 septembre 2016 toute la journée à partir de 9H00

-mercredi 14 septembre 2016 toute la journée à partir de 9H00

-jeudi 15 septembre 2016 toute la journée à partir de 9H00.

***

Le tribunal dit que les obligations des contrôles judiciaires de Monsieur [R F] et de Madame [B S épouse F] sont maintenues.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, en matière correctionnelle et contradictoirement à l’égard de Monsieur [R F], Madame [B S épouse F], Monsieur [V K], Monsieur [GG FF], le SA [K] & Cie, prévenus ; L'ÉTAT FRANÇAIS et la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, Monsieur [DD EE], Monsieur [NN PP], parties civiles.

Contradictoirement à l'égard de Monsieur [LL MM], du comité National de Soutien à [RR SS], le jugement devant lui être signifié, Non susceptible de recours.

SUR LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE :

ORDONNE LA JONCTION DES QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITE de Monsieur [R F] et de Madame [B S épouse F], en ce qui concerne le recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune.

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation, aux fins d'une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

«En matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de contribution exceptionnelle sur la fortune, les articles 1729 et 1741 du code général des impôts, dans leurs versions applicables lors de la période de prévention, en ce qu'ils autorisent, à l’encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen?».

DIT qu'il sera sursis à statuer sur le fond jusqu'à la décision de la Cour de cassation et, éventuellement du Conseil constitutionnel.

ORDONNE le renvoi de l'affaire aux audiences :

-Lundi 5 septembre 2016 à 13h30 ;

-Mercredi 7 septembre 2016, à 09h00 ;

-Jeudi 8 septembre 2016, à 13h30 et éventuellement à 09h00 ;

-Lundi 12 septembre 2016, à 09h00 et 13h30 ;

-Mercredi 14 septembre 2016, à 09h00 et 13h30 ;

-Jeudi 15 septembre 2016, à 09h00 et 13h30,

devant la 32e chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.

DIT que les obligations des contrôles judiciaires de Monsieur [R F] et de Madame [B S épouse F] sont maintenues.

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations des parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité.

Dit que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Dit que les parties non comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception.

A l'audience du 8 février 2016 à 13h30, 32ème chambre, le tribunal était composé de :

Président : Monsieur GHALEH-MARZBAN Peimane, premier vice-président adjoint,

Assesseurs : Madame MOUSSEAU Laurence, vice-président,

Monsieur GERBAULT Patrick, juge,

Assistés de Madame LAVAUD Sandrine, greffière,

en présence de Madame Eliane HOULETTE, Procureur de la République Financier au Parquet National Financier et de Monsieur Jean-Marc TOUBLANC, vice-procureur de la République financier au Parquet National Financier.

Fait, jugé et délibéré par :

Président : Monsieur GHALEH-MARZBAN Peimane, premier vice-président adjoint,

Assesseurs : Madame MOUSSEAU Laurence, vice-président,

Monsieur GERBAULT Patrick, juge.

Et prononcé à l'audience du 10 février 2016 à 09h00, de la 32ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, par Monsieur Peimane GHALEH-MARZBAN, premier vice-président adjoint, en présence de Madame Laurence MOUSSEAU, vice-président, de Monsieur Patrick GERBAULT, juge, et de Madame Eliane HOULETTE, Procureur de la République financier au Parquet National Financier et de Monsieur Jean-Marc TOUBLANC, vice-procureur de la République financier au Parquet National Financier, et assistés de Mlle Sandrine LAVAUD, greffier.