Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 18 janvier 2016 n° N° 1517080/3-3

18/01/2016

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

 

 

N°1517080/3-3

___________

 

VILLE DE PARIS

___________

 

Ordonnance du 18 janvier 2016

___________

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La présidente de la 3ème chambre de la 3ème section statuant sur le fondement de l’article R. 771-7

du code de justice administrative

 

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2015, la ville de Paris demande au tribunal d’annuler les arrêtés n°201575-0003, n°2015275-0004, n°2015275-0005, n°2015275-0006, n°2015275-0007, n°2015275-0008, n°2015275-0009, n°2015275-0010, n°2015275-0011, n°2015275-0012, n°2015275-0013, n°2015275-0014, n°2015275-0015, n°2015275-0016, n°2015275-0017, n°2015275-0018, n°2015275-0019, n°2015275-0020, n°2015275-0021 n°2015275-0022, n°2015275-0023, n°2015275-0024, en date du 2 octobre 2015, par lesquels le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris a fixé pour l’année 2015 des dérogations collectives au repos dominical dans plusieurs branches professionnelles.

 

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués tirent leur base légale de l’article L. 3132-26 du code du travail et d’une disposition transitoire de la loi du 6 août 2015, soit le paragraphe III de l’article 257, qui sont contraires à la Constitution ;

- le préfet de la région d’Île-de-France, qui a pris les arrêtés attaqués, était incompétent ;

- les arrêtés querellés méconnaissent le principe d’égalité entre collectivité territoriales ;

- les arrêtés querellés méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales.

 

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2015, la ville de Paris demande que soit transmise au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité de la conformité à la Constitution de l’article L. 3132-26 du code du travail et du paragraphe III de l’article 257 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

 

Elle soutient que :

- les trois conditions prévues par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies ;

- les deux dispositions contestées, soit l’article L. 3132-26 du code du travail et le paragraphe III de l’article 257 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 sont applicables au litige ;

- les deux dispositions contestées n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

- les arrêtés querellés méconnaissent le principe d’égalité entre collectivités territoriales, le principe de libre administration des collectivités territoriales ainsi que le principe de subsidiarité ; la question n’étant pas dénuée de sérieux, elle doit être transmise au Conseil d’Etat afin que ce dernier saisisse le Conseil constitutionnel.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 31décembre 2015, le préfet de la région d’Île-de-France conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la ville de Paris.

 

Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas de caractère sérieux dès lors que les dispositions en cause ne portent pas atteinte au principe d’égalité entre les collectivités territoriales, ni ne portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ; le moyen tiré de l’atteinte au principe de subsidiarité ne peut être utilement invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution,

- le code du travail,

- le code général des collectivités territoriales,

- la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution,

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques,

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

- le décret n°2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique

n°2009-1523,

- le code de justice administrative.

 

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté par un écrit distinct et motivé (…) » ; qu’aux termes de l’article 23-2 de la même ordonnance : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; 3° la question n’est pas dépourvue de sérieux » ;

 

3. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changements des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3132-26 du code du travail : « Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par décision du maire prise après avis du conseil municipal. Le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an. La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l'année suivante. /Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre. A défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant sa saisine, cet avis est réputé favorable. /Pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, lorsque les jours fériés mentionnés à l'article L. 3133-1, à l'exception du 3°, sont travaillés, ils sont déduits par l'établissement des dimanches désignés par le maire au titre du présent article, dans la limite de trois.(…) » ; qu’aux termes du paragraphe III de l’article 257 de la loi du 6 août 2015 : « L'article L. 3132-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'applique, pour la première fois, au titre de l'année suivant celle au cours de laquelle la présente loi est publiée. Par dérogation à l'article L. 3132-26 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, pour l'année au cours de laquelle la présente loi est publiée, le maire ou, à Paris, le préfet peut désigner neuf dimanches durant lesquels, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire est supprimé. » et qu’aux termes de l’article R. 2512-5 du code général des collectivités territoriales : « Le préfet de Paris exerce les attributions de police administrative suivantes : 1° La délivrance de la carte de qualification professionnelle de coiffeur ; 2° L'autorisation de tenir les foires commerciales ; 3° L'agrément pour l'exploitation ou la cession d'un magasin général ; 4° La surveillance des bureaux de placement ; 5° Les dérogations au repos hebdomadaire ; 6° Les autorisations de commerce ou de distribution d'objets dans les cours ou bâtiments des gares. » ;

 

5. Considérant que l’article L. 3132-26 du code du travail ainsi que le paragraphe III de l’article 257 de la loi du 6 août 2015 cités au point précédent sont applicables au litige opposant la ville de Paris et le préfet de la région d’Île-de-France à propos de la compétence du préfet pour prendre les arrêtés fixant, pour l’année 2015, des dérogations collectives au repos dominical dans plusieurs branches professionnelles ; que ces dispositions n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que celles-ci portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et au principe d’égalité entre les collectivités territoriales pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

 

 

 

ORDONNE :

 

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 3132-26 du code du travail et du paragraphe III de l’article 257 de la loi du 6 août 2015 est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la ville de Paris, jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ville de Paris et au préfet de la région Ile-de-France.

 

 

Fait à Paris, le 18 janvier 2016.

 

La vice-présidente de section,

 

 

 

N. Tiger-Winterhalter

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur de en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N°1517080