Tribunal de grande instance de Paris

Jugement du 6 janvier 2016 n° 11203092066

06/01/2016

Renvoi

Cour d'Appel de Paris

Tribunal de Grande Instance de Paris

Jugement du : 06 janvier 2016

32e chambre correctionnelle

N° minute : 1

N° parquet 11203092066

JUGEMENT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

À l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le QUATRE JANVIER DEUX MILLE SEIZE, a été appelée l'affaire

ENTRE :

Madame le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FINANCIER, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

PARTIES CIVILES :

La DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES, représentée par Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques, agissant poursuites et diligences de Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris, partie civile,

demeurant : Chez Me NORMAND BODARD Xavier [adresse 1],

représenté par Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris (PI41), qui dépose des conclusions en réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité, régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

L'ETAT FRANCAIS, représenté par Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques,

demeurant Chez Me NORMAND BODARD Xavier [adresse 2], partie civile,

représenté par Maître Xavier NORMAND BODARD, avocat au barreau de Paris (P141), qui dépose des conclusions en réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité, régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

LA CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE [LOCALITE 3], DE [LOCALITE 4] ET DU [LOCALITE 5],

demeurant Chez Me REPIQUET Yves [adresse 6] Cabinet JEANTET ET ASSOCIES [LOCALITE 7], partie civile,

représenté par Monsieur le Bâtonnier Yves REPIQUET, avocat au barreau de Paris (T4) lequel est substitué par Maître Benoît DESCOURS, avocat au barreau de Paris.

ET

Prévenue :

Nom : [LL A, B]

née le [DateNaissance 8] 1973 à [LOCALITE 9] ([LOCALITE 10])

de [LL MM] et de [LL NN]

Nationalité : russe et française

Situation familiale : veuve

Situation professionnelle : Sculpteur

Antécédents judiciaires : jamais condamnée

demeurant : [adresse 11] - [LOCALITE 12]

Situation pénale : libre

comparante, assisté de Maître Renaud THOMINETTÉ, avocat au barreau de Paris (P248) et de Maître Jean-Marc V ALOT, avocat au barreau de Paris

en présence de Mme [WW XX], interprète en langue russe, inscrite sur la liste des interprètes.

Prévenue des chefs de :

✓ COMPLICITÉ DE BLANCHIMENT AGGRAVE : AIDE EN BANDE ORGANISEE A LA JUSTIFICATION MENSONGERE DE L'ORIGINE DES BIENS OÙ REVENUS DE L'AUTEUR D'UN DELIT

TRIBUNAL SAISIT PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à étude d'huissier par exploit d'huissier le 22 octobre 2015, acte refusé, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

*****

Prévenu :

Nom : [HH E]

né le [DateNaissance 13] 1961 à [LOCALITE 14] ([LOCALITE 15])

de [HH ZZ] et de [EEE N]

Nationalité : française

Situation familiale : marié — 2 enfants

Situation professionnelle : Avocat

Antécédents judiciaires : jamais condamné

demeurant : [adresse 16] [LOCALITE 17]

Mesures de sureté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 15 février 2012, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 750.000 euros en 2 versements aux dates suivantes : 375.000€ avant le 15 avril 2012 et 375.000 euros avant la 15 juillet 2012, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 10.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 740.000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ; Déclaration d'appel en date du 15 février 2012 ; Acte d'appel en date du 16 février 2012 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 2 avril 2012, informant partiellement l'ordonnance entreprise et disant qu'[E HH] sera astreint des verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal de grande instance de Paris, la somme de 750.000, selon les modalités suivantes : 50.000 euros avant le 15 mai 2012, 350.000 euros avant le 30 septembre 2012 et 350.000 euros avant le 30 décembre 2012, et confirme l'ordonnance pour le surplus et rappelle que les autres obligations et dispositions du contrôle judiciaire sont maintenues ; arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 11 juillet 2012, rejetant le pourvoi ;

Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 50.000 euros le 30 mai 2012 ;

-Demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire en date du 27 septembre 2012 ; déclaration de demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire en date du 27 septembre 2012 ; ordonnance de rejet de mainlevée du contrôle judiciaire en date du 3 décembre 2012 ; acte d'appel en date du 5 décembre 2012 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 17 janvier 2013, confirmant partiellement l'ordonnance entreprise et la modifie dans ses seules modalités d'exécution, en ce que le mis en examen devra verser le reliquat du cautionnement s'élevant à 700.000 euros en 3 versements de 200.000 euros avant les 15 avril, 15 juillet et 15 octobre 2013 et 1 versement de 100.000 euros avant le 15 décembre 2013;

-Ordonnance de soit-communiqué sur révocation éventuelle du contrôle judiciaire en date du 16 avril 2013 ; mandat d'amener en date du 18 avril 2013 ; ordonnance de saisine du Juge des Libertés et de la Détention pour révocation du contrôle judiciaire en date du 22 avril 2013 ; notification du mandat d'amener en date du 22 avril 2013 ; procès verbal d'interrogatoire en vue de la révocation du contrôle judiciaire en date du 22 avril 2013 ; procès verbal de débat contradictoire sur la révocation du contrôle judiciaire en date du 22 avril 2013 ; ordonnance de mise en détention provisoire en date du 22 avril 2013 ; mandat de dépôt en date du 22 avril 2013 ; déclaration d'appel en date du 22 avril 2013 ; acte d'appel en date du 25 avril 2013 ; arrêt de la 8ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 2 mai 2013, notifiée le 7 mai 2015 ;

-Déclaration de demande de mise en liberté en date du 4 juin 2013 ; ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire avec cautionnement préalable en date du 11 juin 2013, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 750.000 euros en 2 versements aux dates suivantes (étant observés que 50.000 euros sont déjà versés) : le premier de 200.000 euros, préalablement à sa mise en liberté et le second de 500.000 euros avant le 15 novembre 2013, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 10.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 740.000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions, des frais avancés par la partie publique et des amendes ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 9.000 euros le 13 juin 2013 ; la somme de 191.000 euros le 13 juin 2013 ; la somme de 56.700 euros le 20 décembre 2013 ; la somme de 12.000 euros le 24 janvier 2014 ; la somme de 100.000 euros le 6 mars 2014 ; la somme de 5.000 euros le 29 avril 2014 ; la somme de 4.000 euros le 22 octobre 2014]

-Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire,art 179 du CPP, en date du 9 avril 2015.

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

comparant, assisté de Maître Renaud SEMERDIJIAN, avocat au barreau de Paris (R49) et de Maître Caroline TOBY, avocate au barreau de Paris (R49).

Prévenu du chef de :

✓ BLANCHIMENT AGGRAVE : AIDE PAR PROFESSIONNEL A LA JUSTIFICATION MENSONGERE DE L'ORIGINE DES BIENS OÙ REVENUS DE L'AUTEUR D'UN DELIT

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à étude d'huissier par exploit d'huissier le 23 juillet 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

*****

Prévenu :

Nom : [I H]

né le [DateNaissance 18] 1953 à [LOCALITE 19])

de [I TT] et de [PP QQ]

Nationalité : suisse

Situation familiale : /

Situation professionnelle : Avocat

Antécédents judiciaires : jamais condamné

demeurant : [adresse 20] [LOCALITE 21]

Mesures de sureté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 7 décembre 2012, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 1.000.000 d'euros en 1 versement, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 100.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 900.000 euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ; acte d'appel en date du 11 décembre 2012 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du (7 janvier 2013 et infirmant partiellement l'ordonnance entreprise et dit que les obligations du contrôle judiciaire sont les suivantes : verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 500.000 euros en 1 versement au plus tard le 15 février 2013, garantissant le paiement dans l'ordre suivant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 100.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure et à concurrence de 400.000 euros des frais avancés par la partie civile, de la partie publique et des amendes ;

-Demande de modification du contrôle judiciaire en date du 25 janvier 2013 ;

-Demande de modification du contrôle judiciaire en date du 15 février 2013 ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 150.000 euros le 13 février 2013 ; la somme de 350.000 euros le 25 février 2013]

-Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, art 179 du CPP, en date du 9 avril 2015.

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

comparant, assisté de Maître Jean-Yves DUPEUX, avocat au barreau de Paris (P77),

en présence de Mme [AAA-BBB], interprète en langue allemande, inscrite sur la liste des interprètes.

Prévenu des chefs de :

✓ COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DECLARATION - FRAUDE FISCALE

✓ BLANCHIMENT AGGRAVE : AIDE PAR PROFESSIONNEL A LA JUSTIFICATION MENSONGERE DE L'ORIGINE DES BIENS OU REVENUS DE L'AUTEUR D'UN DELIT

✓ COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

TRIBUNAL SAISIE PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à son avocat qui en recevant copie a visé l'original le 27 août 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

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Prévenue :

Raison sociale de la société : la NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES (GUERNSEY) LIMITED

Adresse : Chez Me Philippe COURTOIS [adresse 22] [LOCALITE 23]

Mesures de sureté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 15 octobre 2012, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 8 millions euros en 1 versement avant le 15 novembre 2012, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 2 millions euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 6 millions euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ; Acte d'appel en date du 23 octobre 2012 ; Arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 29 novembre 2012, confirmant l'ordonnance entreprise et disant que le cautionnement devra être versé en une seule fois avant le 15 janvier 2013 ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 8.000.000 euros le 15 janvier 2013]

- Déclaration de demande de modification du contrôle judiciaire en date du 18 septembre 2013 ; Ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 24 septembre 2013, réduisant le cautionnement de 8.000.000€ à 6.500.000 euros, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 500.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 6 millions euros pour le paiement dans l'ordre suivant de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale et ordonnant en conséquence la restitution de 1.500.000 euros à NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES ;

- Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, art 179 du CPP, en date du 9 avril 2015.

représentée par Maître Philippe COURTOIS, avocat au barreau de Paris (P44) et de Maître Eric VERRIELE, avocat au barreau de Paris (P44), régulièrement muni d'un pouvoir de représentation.

Prévenue des chefs de :

✓ COMPLICITE DE FRAUDE FISCALE REALISEE OÙ FACILITEE PAR UN COMPTE OUVERT OÙ UN CONTRAT SOUSCRIT AUPRES D'UN ORGANISME ETABLI À L'ÉTRANGER

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2025, suivie d'une citation remise à étude d'huissier par exploit d'huissier en date du ler septembre 2015 suivie d'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 4 septembre 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

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Prévenu :

Nom : [D Y, U, Z]

né le [DateNaissance 24] 1945 à [LOCALITE 25] ([LOCALITE 26])

de [D N] et de [RR P]

Nationalité : française et américaine

Situation familiale : marié — 4 enfants

Situation professionnelle : Marchant d'art

Antécédents judiciaires : jamais condamné

demeurant : chez Me Hervé TEMIME [adresse 27]

Mesures de sureté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 24 janvier 2013, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 500.00! euros en 1 versement le 24 février 2013, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 500.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 1 euro pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction, des frais avancés par la partie publique et des amendes.

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 500.001 euros le 25 février 2013]

-Ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 14 mars 2013, disant que les obligations du contrôle judiciaire seront modifiées comme suit : verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal (outre la somme de 500.001€ déjà versée) la somme de 75.000.000€ (soixante quinze millions d'euros) en quatre versements mensuels de 18.000€ le 30 avril 2013, 18.000€ le 30 mai 2013, 18.000.000€ le 30 juin 2013 et 21.000.000€ le 30 juillet 2013, ce cautionnement d'un montant total de 75.500.001 euros garantissant 500.000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure et 75.000.001 euros pour le paiement des frais avancés par la partie civile, la réparation des dommages causés par l'infraction, des frais avancés par la partie publique et des amendes, et, constituer dans un délai de deux mois, un nantissement sur ses parts de la [...] ([...]), pour une durée de 10 ans, pour un montant de 10.006.000€, au bénéfice d'un bénéficiaire provisoire, Maitre [XXXX YYYY-ZZZZ], administrateur judiciaire, qui s'engagera à transférer cette sûreté aux victimes et le cas échéant au Trésor Public en cas de condamnation à leur profit de [Y D], pour gararntir le paiement de l'amende encourue et la réparation des dommages causés par l'infraction, en ce compris les droits éludés, intérêts et majorations fiscales dont la fixation relève du juge de impôt ; Acte d'appel en date du 19 mars 2013 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 25 avril 2613, infirmant partiellement l'ordonnance entreprise et disant qu'en application des dispositions des articles 138-11 et 142 du Code de procédure pénale, le montant du cautionnement, dans le cadre des obligations du contrôle judiciaire imposées à [Y. D] sera le suivant : verser entre les mains du régisseur des recettes du TGI de Paris, la somme de 4,5 millions d'euros en un versement au plus tard le 15 mai 2013, garantissant le paiement dans l'ordre suivant des réparations de dommages causés par l'infraction, les restitutions, les amendes à concurrence de 4.500.600 euros, et les autres obligations demeurant sans modification ; pourvoi en cassation du Procureur Général en date du 26 avril 2013 ; Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de cassation en date du 21 aout 2013, qui casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 25 avril 2013 et renvoie les parties devant la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles ; arrêt de refus de transmission d'une QPC en date du 22 novembre 2013 ; arrêt de transmission d'une QPC en date du 22 novembre 2013 ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 4.500.000 euros le 16 mai 2013 ; la somme de 5.500.000 euros le 10 octobre 2014]

[Requête en date du 22 mai 2013 aux fins de rectification d'erreur matérielle constatée dans l'arrêt de la Chambre de l'instruction de Paris en date du 25 avril 2013 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 20 juin 2013 disant n'y avoir lieu à rectification de l'arrêt du 25 avril 2013];

Ordonnance de modification du contrôle judiciaire en date du 5 juillet 2013, disant qu'à compter de ce jour, le nantissement ordonné le 14 mars 2013 doit être constitué non pas au bénéfice d'un bénéficiaire provisoire, mais : - au bénéfice de la Direction Générale des Finances Publiques représentant l'Etat, pour garantir ses droits de partie civile, - au bénéfice du Trésor Public, représenté par le Trésorier de la Trésorerie Paris Amendes-lère division, pour garantir le paiement des amendes, et, disant que ce nantissement doit être constitué dans un délai de 20 jours.

arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles en date du 19 septembre 2014, déclarant l'appel recevable et le disant partiellement fondé et infirme partiellement l'ordonnance entreprise, et dit qu'en application des articles 137, 138 11° et 142 du Code de procédure pénale, le montant du cautionnement, dans le cadre des obligations du contrôle judiciaire imposées À [Y D], sera le suivant : verser entre les mains du régisseur des recettes du Tribunal de Grande instance de Paris la somme de 10.500.001 euros (dix millions cinq cent mille et un euros), somme globale dont il conviendra de soustraire les versements déjà réalisés), en un versement à effectuer au plus tard le 10 octobre 2014, garantissant : pour 500.000€ la représentation à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement éventuel et pour 10.000.001€, pour la réparation des dommages causés par les infractions, les restitutions et les amendes, et, confirme, en tant que de besoin, l'ordonnance entreprise s'agissant de la constitution du nantissement de 10.000.0000€ d'une durée de 10 ans au profit du Trésor Public sur les parts de [Y D] dans Ja [...] ;

-Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, art 179 du CPP, en date du 9 avril 2015.

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

comparant, assisté de Maître Eric DÉZEUZE, avocat au barreau de Paris (T18) et de Maître Hervé TEMIME, avocat au barreau de Paris (M27), qui ont déposé des conclusions sur une question prioritaire de constitutionnalité, régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

Prévenu des chefs de :

✓ SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

✓ COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

✓ BLANCHIMENT AGGRAVE : AIDE EN BANDE ORGANISEE A LA JUSTIFICATION MENSONGERE DE L'ORIGINE DES BIENS OÙ REVENUS DE L'AUTEUR D'UN DELIT

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à son avocat qui en recevant copie a visé l'original le 23 juillet 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

*****

Prévenu :

Nom : [D Q, N, S]

né le [DateNaissance 28] 1980 à [LOCALITE 29] ([LOCALITE 30])

de [D Q] et de [JJ KK]

Nationalité : française — américaine - suisse

Situation familiale : célibataire

Situation professionnelle : Administrateur

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Demeurant : [LOCALITE 31]

Elisant domicile : C/o SCP RAMBAUD MARTEL [adresse 32]

Situation pénale : libre

comparant, assisté de Maître François GERY, avocat au barreau de Paris (A997), de Maître Jean-Pierre MARTEL, avocat au barreau de Paris, qui ont déposé des conclusions sur une question prioritaire de constitutionnalité, régulièrement datées et signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

Prévenu des chefs de :

✓ SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

✓ SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DECLARATION - FRAUDE FISCALE

TRIBUNAL SAISIT PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à son avocat qui en recevant copie a visé l'original le 23 juillet 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

*****

Prévenue :

Raison sociale de la société : la ROYAL BANK OF CANADA TRUST COMPANY (BAHAMAS) LIMITED

Adresse : Chez Me Georges JOURDE [adresse 33]

Mesures de sureté :

- Acte d'appel en date du 21 septembre 2012 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 25 octobre 2012, annulant l'ordonnance entreprise en date du 18 septembre 2012 ; procès-verbal d'annulation de pièces en date du $ novembre 2012 ;

- Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 30 octobre 2012, avec l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal, la somme de 25 millions euros en | versements en un versement au plus tard le 1$ décembre 2012, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 5 millions euros pour la représentation à tous les actes de la procédure et à concurrence de 20 millions euros pour le paiement dans l'ordre suivant des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction, cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale, des frais avancés par la partie publique et des amendes ; acte d'appel en date du 8 novembre 2012 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 20 décembre 2012, infirmant partiellement l'ordonnance entreprise, «supprime la référence aux dispositions de l'article 142-1 du Code de procédure pénale pour le paiement d'une partie du cautionnement, par provision au profit de la victime et ordonne le versement d'un cautionnement de 8 millions d'euros entre les mains du régisseur de recettes du Tribunal de Grande Instance de Paris, en un seul versement à effectuer avant le ler février 2013, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 2 millions euros pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues par la présente ordonnance et à concurrence de 6 millions d'euros pour le paiement dans l'ordre suivant de la réparation des dommages causés par l'infraction et des amendes ;

[Le régisseur de ce tribunal ayant reçu la somme de 8.000.000 euros le 31 janvier 2013]

-Demande de modification du contrôle judiciaire en date du 10 juillet 2013 ; ordonnance de rejet de mainlevée partielle du contrôle judiciaire en date du 15 juillet 2013 ; Acte d'appel en date du 19 juillet 2013 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 2013, confirmant l'ordonnance entreprise ;

- Ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire, article 179 du CPP, en date du 9 avril 2015.

représentée par Maître Jean-Yves GARAUD), avocat au barreau de Paris (J21) et de Maître Georges JOURDE, avocat au barreau de Paris (T6).

Prévenue des chefs de :

COMPLICITE DE SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

TRIBUNAL SAISIT PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 avril 2015, suivie d'une citation remise à son avocat qui en recevant copie a signé l'original le 27 août 2015, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

*****

Prévenu :

Nom : [J K, L, M]

né le [DateNaissance 34] 1946 à [LOCALITE 35] ([LOCALITE 36])

de [J ZZ] et de [CC BB]

Nationalité : française

Situation familiale : marié —3 enfants

Situation professionnelle : Notaire - Retraité

Antécédents judiciaires : jamais condamné

demeurant : [adresse 37]

Mesures de sureté :

-Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 21 février 2013 ; acte d'appel en date du 28 février 2013 ; arrêt de la 2ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris en date du 25 avril 2013, infirmant l'ordonnance entreprise et ordonnant la mainlevée totale du contrôle judiciaire ;

Situation pénale : libre

comparant, assisté de Maître Jean-Yves LEBORGNE, avocat au barreau de Paris (R264) et de Maître Mathieu RIBEROLLES, avocat au barreau de Paris (R264).

Prévenu des chefs de :

✓ COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION A L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DECLARATION - FRAUDE FISCALE

✓ COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION À L'ÉTABLISSEMENT OÙ AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DÉCLARATION - FRAUDE FISCALE

TRIBUNAL SAISIT PAR : Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 9 novembre 2015, suivie d'une citation remise à étude d'huissier par exploit d'huissier le 23 juillet 2015 suivie d'une lettre recommandée avec accusé de réception non réclamée, suivie d'un renvoi contradictoire à l'audience du 9 novembre 2015.

DEBATS

Par ordonnance de l'un des juges d'instruction de ce siège en date du 9 avril 2015, Monsieur [Y D], Monsieur [Q D], Madame [A LL], Monsieur [K J], Monsieur [E HH BB H I], la NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES (GUERNSEY) LIMITED et la ROYAL BANK OF CANADA TRUST COMPANY (BAHAMAS) LIMITED, sont renvoyés devant ce tribunal sous la prévention :

[Y D] :

1. Fraude fiscale

Pour avoir, à [LOCALITE 38], à [LOCALITE 39], à compter d'octobre 2001, et notamment en décembre 20908 lors de la deuxième déclaration de succession de [N D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession de [N D], en l'espèce notamment les propriétés immobilières du [LOCALITE 40], des [LOCALITE 41], de la [LOCALITE 42], de la [LOCALITE 43] à [LOCALITE 44], les parts de la [D] and Co Inc, diverses galeries d'art et les oeuvres d'art, le tout logé dans le Sons trust, le [OOOO] Trust, le Delta Trust, le [PPPP] trust et le [...] Trust,

faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1745 du code général des impôts.

2. Blanchiment

pour avoir, à [LOCALITE 45], à [LOCALITE 46], à compter de septembre 2001, blanchi les biens ou les revenus provenant du délit de fraude fiscale commis dans le cadre de la succession de [N D] au moyen de trusts faussement discrétionnaires,

(i) en qualifiant faussement de prêt les 5 200 k? du Louve Trust ayant servi à l'achat du [adresse 47], faussement de chiffre d'affaires de la SARL BEGUEMOT les distributions de 1 770 k€ en [LOCALITE 48] de divers trusts, et faussement de prêt les 1 697 k€ du Drawdale Trust ayant servi à payer les impôts d'[Q D] au titre des années 2006 à 2008, et

(ii) en dissimulant les revenus de M. et Mme [Q D] provenant de divers trusts dont [Q D] était bénéficiaire, qui provenaient de la succession de [N D], en déclarant au titre des années 2004 à 2006 un montant de 11 929 157 € de bénéfices non commerciaux,

avec la circonstance aggravante que ce blanchiment est commis de manière habituelle depuis 2001, et en bande organisée, avec le concours de notaires et avocats parisiens,

trustees d'Etats off shore, et protecteurs/conseils suisses ;

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-9 du code pénal.

3. fraude fiscale

Pour avoir, à [LOCALITE 49], à [LOCALITE 50], à compter d'octobre 2001, et notamment en février 2009 lors de la déclaration de succession de [Q BB D], été complice de la fraude fiscale qui aurait été commise à l'occasion de sa succession, par dissimulation volontaire d'une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession, en l'espèce notamment la quote-part des biens issus de la succession de [N D] et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de [LOCALITE 51] logés dans le Louve et le Drawdale Trust du chef de complicité de fraude fiscale,

faits prévus et réprimés par les articles 1741, 1742 et 1745 du code général des impôts et 121-6 et 121-7 du code pénal.

***

[Q D] :

1. fraude fiscale,

pour avoir, à [LOCALITE 52] ou ailleurs, à compter du 17 février 2008, et notamment en décembre 2008 lors de la deuxième déclaration de succession de [N D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession de [N D], en l'espèce notamment les propriétés immobilières du [LOCALITE 53], des [LOCALITE 54], de la [LOCALITE 55], de la [LOCALITE 56] à [LOCALITE 57], les parts de la [D] and Co Inc, diverses galeries d'art et les oeuvres d'art logées dans le Sons trust, le [OOOO] Trust, le Delta Trust, le [PPPP] trust et le [...] Trust,

faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1745 du code général des impôts.

2. fraude fiscale,

Pour avoir, à [LOCALITE 58], à [LOCALITE 59], à compter du 17 février 2608, et notamment en février 2009 lors de la déclaration de succession de [Q BB D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession, en l'espèce notamment la quote-part des biens issus de la succession de [N D] et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de [LOCALITE 60] logés dans le Louve et le Drawdale Trust,

faits prévus et réprimés par les articles 1741, 1742 et 1745 du code général des impôts.

***

[FF D] :

Complicité de blanchiment

pour avoir, à [LOCALITE 61], été complice, -en acceptant de signer les contrats dits secrets d'avril à juillet 2008- du délit de blanchiment aggravé du délit de fraude fiscale commis dans le cadre de la succession de [N D], par qualification mensongère en prêts des 1 697k€ ayant servi à payer les impôts [T' Q D],

faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 324-1, 324-2, 324-3, 324-9 du code pénal.

***

[K J] :

1. Complicité de fraude fiscale

pour avoir, à [LOCALITE 62], en 2008, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 63] par les héritiers de [N D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur les successions, en l'espèce notamment les tableaux, les propriétés immobilières du [LOCALITE 64], des [LOCALITE 65], de la [LOCALITE 66], de la [LOCALITE 67] à [LOCALITE 68], les parts de la [D] and Co Inc, de diverses galeries d'art et de diverses sociétés hippiques, biens logés dans divers trusts constitués par [GGG] et [N D],

2. Complicité de fraude fiscale

Pour avoir, à [LOCALITE 69], en 2009, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 70] par les héritiers d'[Q BB D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession, en l'espèce notamment la quote-part des biens issus de la succession de [N D] et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de [LOCALITE 71] logés dans le Louve Trust et le Drawdale Trust,

Faits prévus et réprimés par l'article 121-2, 121-6, 121-7 du code pénal et l'article 1741, 1742 et 1745 du code général des impôts.

***

[E HH] :

Blanchiment aggravé de fraude fiscale

pour avoir à [LOCALITE 72], de juin 200$ jusqu'au moins début 2008, en sa qualité de notaire et conseil fiscal d'[Q D], blanchi les biens ou les revenus provenant du délit de fraude fiscale commis dans le cadre de la succession de [N D],

(i)en qualifiant faussement de prêt les 5 200 k€ du Louve Trust ayant servi à l'achat du [adresse 73], faussement de chiffre d'affaires de la SARL BEGUEMOT Îles distributions de 1 770 K€ en France de divers trusts, et

(ii)en mettant les comptes de l'étude notariale LBMB à la disposition d'[Q D] comme compte pivot entre l'étranger et des créanciers français pour un montant total d'au moins 5 239 k€, et en dissimulant les revenus de M. et Mme [Q D] provenant de divers trusts dont [Q D] était bénéficiaire, qui provenaient de la succession de [N D], en déclarant au titre des années 2004 à 2006 un montant de 11 929 157 € de bénéfices non commerciaux, avec la circonstance aggravante que ce blanchiment est commis de manière habituelle depuis 2001, et en bande organisée, avec le concours de notaires et avocats parisiens, trustees d'Etats off shore, et protecteurs/conseils suisses ;

faits prévus et réprimés par les articles 324-I, 324-2, 324-3, 324-9 du code pénal.

***

[H I] :

1. Complicité de fraude fiscale

pour avoir, à [LOCALITE 74], à [LOCALITE 75], à [LOCALITE 76], à compter de 2003, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 77] par les héritiers de [N D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur les successions, en l'espèce notamment les tableaux, les propriétés immobilières du [LOCALITE 78], des [LOCALITE 79], de la [LOCALITE 80], de la [LOCALITE 81] à [LOCALITE 82], les parts de la [D] and Co Inc, de diverses galeries d'art et de diverses sociétés hippiques, biens logés dans divers trusts constitués par [GGG] et [N D],

2. Blanchiment aggravé de fraude fiscale

pour avoir à [LOCALITE 83], [LOCALITE 84], [LOCALITE 85], à compter de 2003, blanchi les biens ou les revenus provenant du délit de fraude fiscale commis dans le cadre de la succession de [N D] au moyen de trusts faussement discrétionnaires,

(i)en qualifiant faussement de prêt les 5 200 k€ du Louve Trust ayant servi à l'achat du [adresse 86], faussement de chiffre d'affaires de la SARL BEGUEMOT les distributions de Ï 770 K€ en France de divers trusts, et faussement de prêt les 1 697 k€ du Drawdale Trust ayant servi à payer les impôts [T' Q D] au titre des années 2006 à 2008, et

(ii)en dissimulant les revenus de M. et Mme [Q D] provenant de divers trusts dont [Q D] était bénéficiaire, qui provenaient de la succession de [N D], en déclarant au titre des années 2004 à 2006 un montant de 11 929 157 € de bénéfices non commerciaux,

avec la circonstance aggravante que ce blanchiment est commis de manière habituelle depuis 2001, et en bande organisée, avec le concours de notaires et avocats parisiens, trustees d'Etats off shore, et protecteurs/conseils suisses ;

faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-9 du code pénal.

3. Complicité de fraude fiscale

pour avoir, à [LOCALITE 87], à [LOCALITE 88], à [LOCALITE 89], à compter de 2003, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 90] par les héritiers d'[Q BB D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession, en l'espèce notamment la quote-part des biens issus de la succession de [N D] et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de [LOCALITE 91] logés dans le Louve Trust et le Drawdale Trust,

Faits prévus et réprimés par l'article 121-2, 121-6, 121-7 du code pénal et l'article 1741, 1742 et 1745 du code général des impôts.

***

Northern Trust Fiduciary Services (Guernsey) limited :

Complicité de fraude fiscale,

pour avoir, à [LOCALITE 92], à compter de septembre 1999, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 93] par les héritiers de [N D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur les successions, en l'espèce notamment les propriétés immobilières du [LOCALITE 94], des [LOCALITE 95], de la [LOCALITE 96], de la [LOCALITE 97] à [LOCALITE 98], les parts de la [D] and Co Inc et de diverses galeries d'art logées dans le Sons trust et le [OOOO] Trust dont vous êtes le trustee,

en acceptant de laisser les [D] administrer les biens de ces trusts affichés pourtant discrétionnaires

Faits prévus et réprimés par l'article 121-2, 121-6, 121-7 du code pénal et l'article 1741 et 1745 du code général des impôts.

***

Royal Bank of Canada Trust Company (Bahamas) limited :

Complicité de fraude fiscale,

pour avoir aux [LOCALITE 99], à compter du 19 novembre 2004, été complice de la fraude fiscale commise à [LOCALITE 100] par les héritiers de [N D] consistant à dissimuler volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur les successions, en l'espèce notamment les oeuvres d'art logées dans le Delta trust dont vous êtes le trustee,

Faits prévus et réprimés par l'article 121-2, 121-6, 121-7, 321-1, 321-3, 321-12 du code pénal et l'article 1741 et 1745 du code général des impôts.

*

Les débats ont été tenus en audience publique.

A l’appel de la cause, le président, après avoir informé la personne, de son droit d’être assistée par un interprète, a constaté l’absence de Mme [HHH], représentant légal de la. NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES (GUERNSEY) LIMITED, représentée par son conseil et [CCC DDD], représentant légal de la ROYAL BANK OF CANADA TRUST COMPANY (BAHAMAS) LIMITED, représentée par son conseil, la présence et l’identité de [LL A], [HH E], [I H], [D Y], [D Q] et [J K].

[LL A] a comparu à l’audience assistée de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[I H] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[D Y] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[D Q] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[HH E] a comparu à l'audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[J K] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[HHH], représentant légal de NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES (GUERNSEY) LIMITED n’a pas comparu mais est régulièrement représentée par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

[CCC DDD], représentant légal de ROYAL BANK OF CANADA TRUST COMPANY (BAHAMAS) LIMITED n’a pas comparu mais est régulièrement représentée par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Le président a proposé aux parties une lecture abrégée de la prévention. Le président a constaté qu'il n'y avait pas eu d'observations des parties.

Le président a constaté la présence de M. [III], témoin,cité à la requête de Monsieur [K J], prévenu.

Le président a demandé au témoin de bien vouloir revenir le Mercredi 6 janvier 2016, à 09h00, pour l'informer de l'éventuelle date de son audition.

Le président a fait interdiction au témoin d'assister aux débats.

Le président a constaté l'identité des prévenus.

Le président a donné une lecture abrégée de la prévention.

Le président a informé les prévenus de leurs droits, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.

*

Le président a constaté que deux questions prioritaires de constitutionnalité avaient été déposées.

Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur [Y D], prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Maître François GERY, avocat au barreau de Paris, conseil de M. [Q D], prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Le tribunal a envisagé la jonction des 2 questions prioritaires de constitutionnalité. Le président a constaté qu'il n'y avait pas d'observations des parties.

Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris, conseil de la DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES et de L'ETAT FRANCAIS a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions en réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité.

Le Parquet National Financier à été entendu en ses réquisitions sur les 2 questions prioritaires de constitutionnalité.

Le président a donné lecture de la décision du Conseil Constitutionnel.

Maître François GERY a été entendu en ses observations.

Maître Eric DEZEUZE a été entendu en ses observations.

Maître Xavier NORMAND-BODARD a été entendu en ses observations.

Maître Hervé TEMIME a été entendu en sa plaidoirie.

Maître Jean-Pierre MARTEL a été entendu en ses observations.

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Vu la loi du 10 décembre 2009, relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le décret du 16 février 2010 portant application de la loi du 10 décembre 2009,

Vu les articles R49-21 et R49-29 du Code de procédure pénale et notamment l'article R49-27 alinéa 2,

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 04 janvier 2016 à 13h30, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 06 janvier 2016 à 09h00, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.

À cette date, le Tribunal vidant son délibéré conformément à la loi, a donné lecture de la décision dont la teneur suit,

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

En application de l’article 61-1 de la Constitution : «lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminés.

L'article R.49-25 du code de procédure pénale prévoit pour sa part que : “La juridiction statue sans délai, selon les règles de procédure qui lui sont applicables, sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, après que le ministère public et les parties, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité",

En l'espèce, aux termes des conclusions écrites versées aux débats le 4 Janvier 2016 et développées à l’audience du même jour, [Y D] et [Q D], qui reconnaissent présenter la même question, demandent tout deux que soit adressée la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

«En matière de droits d'enregistrement, et plus particulièrement de droits de succession, lès articles 1729 et 1741 du code général des impôts dans leur version applicable à la date de prévention, en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?»

Les demandeurs font valoir que cet article est bien en lien avec le litige et avec les poursuites, que le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur sa constitutionnalité et qu'en conséquence, la demande est recevable.

Ils soutiennent que cette question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère sérieux dans la mesure où les dispositions critiquées seraient contraires à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui dispose que : “La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement établie”.

Le procureur de la République a exposé dans des réquisitions écrites et à l'audience qu'il n'y avait pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation au motif que la question ne serait pas nouvelle et serait dépourvue de caractère sérieux.

La partie civile a également soutenu, dans des conclusions écrites et à l'audience, qu'il n'y avait pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation au motif que la question serait dépourvue de caractère sérieux.

SUR LA RECEVABILITÉ FORMELLE DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Il résulte des dispositions de l'article 23-1 alinéa ler de l'ordonnance du 7 novembre 1958 qu'une question prioritaire de constitutionnalité est, «à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé». L'exigence de motivation impose nécessairement de préciser la disposition législative arguée d'inconstitutionnalité, le droit ou la liberté garanti par la Constitution auquel il serait porté atteinte et les éléments caractérisant cette atteinte. L'article R.49-21 du code de procédure pénale précise que la juridiction saisie de la question a l'obligation de relever d'office l'irrecevabilité, sans qu'il soit besoin d'en avoir au préalable informé les parties.

En l'espèce, la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité a bien fait l'objet d'un écrit distinct et motivé.

Il y a donc lieu de considérer que la question prioritaire de constitutionnalité, qui est bien soutenue par l'une des parties à l'instance, en l'espèce deux des prévenus, est recevable sur un plan formel.

SUR LA TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE À LA COUR DE CASSATION

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée du 7 novembre 1958 prévoit que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

- la disposition contestée est applicable au litige et à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

- elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

- la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

1 l'applicabilité au litige

La défense fait valoir que les articles incriminés constituent, au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, le fondement des poursuites.

Il apparait effectivement que plusieurs des prévenus sont poursuivis soit comme auteur, soit comme complice, de l'infraction de fraude fiscale définie et réprimée par l'article 1741 du code général des impôts.

L'article contesté est donc bien en lien avec le litige et ce point n'est d'ailleurs contesté m1 par le ministère public ni la partie civile.

2 le caractère sérieux de la question posée

[Y D] et [Q D] soutiennent qu'en matière de droits d’enregistrement, et plus particulièrement de droits de succession, l'application combinée des articles 1729 et 1741 du code général des impôts, en ce qu’ils autorisent, à l’encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, porterait atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et seraient, de ce fait, contraire à la constitution.

Dans sa décision n°2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a, en matière boursière, considéré que la possible application cumulée des dispositions prévoyant des poursuites devant l'autorité des marchés financiers et des dispositions prévoyant des poursuites devant la juridiction pénale était contraire au principe de nécessité des délits et des peines, prévu par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 parce que quatre critères étaient cumulativement réunis :

- les dispositions contestées réprimaient les mêmes faits qualifiés de manière identique ;

- les deux incriminations protégeaient les mêmes intérêts sociaux ;

- les deux incriminations aboutissaient au prononcé de sanctions qui n'étaient pas de nature différente ;

- les poursuites et sanctions prononcées relevaient toutes deux des juridictions de l'ordre judiciaire.

Il a, sur ce fondement, déclaré inconstitutionnelles les dispositions législatives relatives au manquement et au délit d'initié.

Il résulte des dispositions du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution, que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Dès lors la décision précitée du Conseil constitutionnel pose des principes généraux à l'aune desquels il convient d'analyser la question posée par [Y D] et [Q D].

2-1 l'identité des faits réprimés

2-1-1 les faits visés par les sanctions fiscales

L'article 1729 du code général des impôts, qui édicte des pénalités fiscales venant majorer les droits éludés, disposait, en sa version issue de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, applicable à l’époque des faits reprochés à [Y D], soit au 31 décembre 2008 date de la deuxième déclaration de la succession de [N D], que :

- «Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de :

a. 40 % en cas de manquement délibéré ;

b. 80 % en cas d'abus de droit ou d'abus de droit au sens de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792bis».

Il dispose, dans sa version actuelle, également applicable à l'époque des faits reprochés à [Q D], soit au 23 février 2009 date de la déclaration de la succession de [Q D] senior que :

- «Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de :

a. 40 % en cas de manquement délibéré ;

b. 80 % en cas d'abus de droit ou d'abus de droit au sens de l'article L.64 du livre des procédures fiscales; elle est ramenée à 40% lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire;

c. 80% en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792bis».

[Y D] fait spécifiquement valoir que l’administration fiscale a initié, à son encontre, une procédure contradictoire de rectification de l'assiette des droits de succession et qu'il a reçu le 11 août 2011, en sa qualité d’héritier de [N D], une proposition de rectification de la Direction générale des finances publiques aux termes de laquelle il s’est vu notifier personnellement un rappel de droits de 112.803.957 euros, auxquels 1l est ajouté 67.456.766 euros d’intérêts de retard et une majoration de 40% sanctionnant les «manquements délibérés»y commis, pour un montant additionnel de 45.121.582 euros.

Cette pénalité pour manquement délibéré a été prononcée sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts, au motif, notamment, que : «s'agissant des [PPPP] trust, Delta trust et 1989 [OOOO] trust, il est avéré que l'intégration des biens dans ces trusts constituait un mode de gestion habituel du patrimoine de la famille [D] depuis plusieurs générations. La Cour, elle-même, dans son arrêt du ler octobre 2006, confirme l'existence de ces trusts et leur usage, perpétuant une "tradition familiale”, depuis plusieurs générations, afin de préserver l'unité du patrimoine familial et d'organiser sa transmission ; Par ailleurs, les procédures judiciaires engagées entre les héritiers ayant débuté en 2003, ces derniers ne pouvaient ignorer les éléments sur lesquels portaient leurs différends, cinq ans après le début de la procédure. Enfin, compte tenu de votre rôle avéré dans la gestion de l'actif du défunt, vous ne pouviez non plus ignorer ni l'existence ni la consistance des biens situés à l'étranger, mais non déclarés, et dont certains avaient une très grande valeur. À cet égard les distributions de liquidités et de tableaux dans le Delta Trust, pour plus de 73,6 M€ établissent de façon évidente que vous en connaissiez l'existence».

Après que [Y D] eut contesté cette proposition de rectification, puis eut formé une réclamation contentieuse le 24 décembre 2014, l’administration fiscale est demeurée sur sa position. [Y D] a alors saisi le tribunal de grande instance de Paris, le 2 octobre. 2015, d’un recours par lequel il conteste le principe et le montant du rehaussement fiscal et sollicite, notamment, la décharge de l’intégralité des rappels de droits de succession, d’intérêts et de majorations.

Il ressort du dossier d'instruction que l'administration fiscale a également adressé, le 8 décembre 2014, une proposition de rectification à [Q D] (D1475) et [N D] (D1476) fixant à 61 428 000 € les droits dûs, à 18 674 000 € les intérêts de retard et à 24 571 000 € la majoration pour manquement délibéré. Cette proposition est motivée de manière identique à celle adressée à [Y D].

2-1-2 les faits visés par les sanctions pénales

L'article 1741 du code général des impôts, qui incrimine la fraude fiscale, disposait, en sa version applicable à l’époque des faits reprochés à [Y D] et [Q D] que :

«Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende de 37 500 euros et d'un emprisonnement de cinq ans. Lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achats ou de ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés, leur auteur est passible d'une amende de 75 000 euros et d'un emprisonnement de cinq ans.

Toutefois, cette disposition n'est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros.

Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal.

Le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la publication et de l'affichage dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné.

En cas de récidive dans le délai de cinq ans, le contribuable est puni d'une amende de 100 000 euros et d'un emprisonnement de dix ans.

L'affichage et la publicité du jugement sont ordonnés dans les conditions prévues au quatrième alinéa.

Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux articles L. 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales».

[Y D] fait spécifiquement valoir que, dans le même temps qu'elle notifiait aux héritiers de [N D] la proposition de rectification, la Direction générale des finances publiques, après avoir recueilli lavis de la commission des infractions fiscales déposait, le 22 juillet 2011, notamment à son encontre, une plainte pour fraude fiscale. Cette plainte visait les : (...) «soupçons de minoration de la déclaration de succession souscrite le 31 décembre 2008», au motif qu’elle «ne mentionnait pas l'existence des nombreux biens détenus notamment au sein ou par l'interposition d'entités (trusts ou sociétés précités) [à savoir le Sons Trust, le [OOOO] Trust et le Delta Trust], sis dans des paradis fiscaux. Compte tenu des informations présentées ci-dessus relatives à l'existence notamment à [LOCALITE 101], dans les [LOCALITE 102] et dans les [LOCALITE 103], de trusts et d'une société détenant des biens ayant appartenu à [N AA D] et omis dans sa déclaration de succession, il existe une présomption caractérisée que M. [Y U Z D], en sa qualité d'héritier, et [W Q N S D], Mlle [N N P D] et Mme [A B LL D], en leur qualité d'héritiers d'[Q U Q D] aient reçu, en franchise de droits de mutation à titre gratuit, des biens ayant appartenu à [N AA D]».

Par ordonnance en date du 9 avril 2015, [Y D] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment d'un chef de fraude fiscale ainsi caractérisée : «Pour avoir à [LOCALITE 104] et à [LOCALITE 105], à compter d'octobre 2001, et notamment en décembre 2008 lors de la deuxième déclaration de succession de [N D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt sur la succession de [N D], en l'espèce notamment les propriétés immobilières du [LOCALITE 106], des [LOCALITE 107], de la [LOCALITE 108], de la [LOCALITE 109] à [LOCALITE 110], les parts de la [D] & Co Inc. diverses galeries d'art et les œuvres d'art, le tout logé dans le Sons Trust, le [OOOO] Trust, le Delta Trust, le [PPPP] Trust et le [...] Trust, faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1745 du Code général des impôts».

[Q D] est lui poursuivi d'une part : “Pour avoir, à [LOCALITE 111] ou ailleurs, à compter du 17 février 2008, et notamment en décembre 2008 lors de la deuxième déclaration de succession de [N D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession de [N D], en l'espèce notamment les propriétés immobilières du [LOCALITE 112], des [LOCALITE 113], de la [LOCALITE 114], de la [LOCALITE 115] à [LOCALITE 116], les parts de la [D] and Co Inc, diverses galeries d'art et les oeuvres d'art logées dans le Sons trust, le [OOOO] Trust, le Delta Trust, le [PPPP] trust et le [...] Trust" et d'autre part : “Pour avoir à [LOCALITE 117], à [LOCALITE 118], à compter du 17 février 2008, et notamment en février 2009 lors de la déclaration de succession de [Q BB D], dissimulé volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt français sur la succession, en l'espèce notamment la quote-part des biens issus de la succession de [N D] et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de [LOCALITE 119] logés dans le Louve et le Drawdale Trust.

2-1-3 l'identité des faits poursuivis

Le ministère public ainsi que la partie civile soutiennent que les faits poursuivis dans les procédures administratives et pénales se seraient pas identiques.

Il est exact que la procédure pénale ne vise que la non déclaration d'un certain nombre de biens mis en trust alors que les procédures fiscales visent également des minorations de valeurs.

Par ailleurs la procédure pénale vise expressément en ce qui concerne la succession de [N D], les biens placés dans le [...] Trust, le 1989 Sons Trust, le 1989 [OOOO] Trust, le Delta Trust et le [PPPP] Trust et en ce qui concerne la succession de [Q D], les biens placés dans ces trust ainsi que dans le Lawdale Trust et le Louve Trust.

De son côté, la procédure fiscale menée à l'encontre de [Y D] ne vise que le [PPPP] Trust, le Delta Trust et le 1989 [OOOO] Trust. En revanche, la procédure fiscale menée à l'encontre de [Q D] vise non seulement ces trois trusts mais également le 1989 Sons Trust, le Louve Trust et le Drawdale Trust.

Il apparait donc que si les procédures administratives et pénales ne sont pas strictement homothétiques, l'ensemble des faits poursuivis sur le plan pénal se retrouve dans l'une ou l'autre des procédures fiscales menées à l'encontre de [Y D] et d'[Q D].

En tout état de cause, s'agissant de l'appréciation de l'identité des faits poursuivis, la décision précitée du Conseil constitutionnel exige que les dispositions contestées répriment les mêmes faits qualifiés de manière identique, ce qui est le cas en l'espèce. Elle n'exige nullement que les procédures administratives et pénales de l'espèce menées concurremment concernent "exclusivement" des faits identiques.

Il apparait donc que le premier des critères posé par le Conseil constitutionnel est réalisé.

2-2 les intérêts sociaux protégés

L'article 1729 du code général des impôts sanctionne : "Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt", tandis que l'article 1741 incrimine : "Quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt..."

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs précisé, dans une décision en date du 17 mars 2011 : «Qu'en instituant, dans le recouvrement de l'impôt, une majoration fixe de 40 % du montant des droits en cas de mauvaise foi du contribuable, l'article 1729 du code général des impôts vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt”.

Le ministère public et la partie civile font valoir que les intérêts sociaux protégés et la finalité des deux types de procédure ne seraient pas identiques.

Il est indiscutable que la procédure fiscale a pour finalité, comme l'indique le ministère public : “de rétablir le périmètre des actifs non déclarées et de les valoriser afin de redresser les impôts éludés, de calculer les intérêts de retard à caractère indemnitaire...". Cependant ce n'est pas l'objet de l'article 1729 qui ne concerne que les majorations dûes en raison de manquements délibérés, d'abus de droit et de manœuvres frauduleuses.

De surcroit, et contrairement à la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 mars 2015 ne parle pas d'une identité "de l'objet et des finalités de la procédure administrative et de la procédure pénale" mais "d'incriminations protégeant les mêmes intérêts sociaux".

Il convient donc d'apprécier non pas la nature des procédures menées parallèlement mais la finalité des incriminations que chacune d'entre elles est amenée à examiner à l'occasion de leur déroulement.

Or, il apparait clairement que la finalité poursuivie par l'article 1729 est, tout comme celle de l'article 1741, la volonté non pas de rétablir le montant de l'impôt dû mais de sanctionner le comportement du contribuable qui, dans des impôts de nature déclarative, minore ou omet un certain nombre d'informations nécessaires au calcul de cet impôt.

Dans les deux cas, l'intérêt protégé est celui de l’État, et plus particulièrement de l'administration chargée du calcul et du recouvrement de l'impôt. Il s'agit pour l'une et pour l'autre des incriminations de protéger l'ordre public fiscal.

Cette identité d'intérêts sociaux s'illustre notamment par le fait qu'une enquête pénale ne peut être ordonnée par le ministère public que sur plainte préalable de l'administration fiscale qui peut, seule, se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel. L'administration fiscale dispose donc, dans les deux cas, du pouvoir d'initiative.

Il apparaît donc que les articles contestés protègent effectivement le même intérêt social.

2-3 la nature des sanctions encourues

2-3-1 la nature des majorations fiscales

L’article 1729 du Code général des impôts prévoit en cas d’omission de certains éléments d’une déclaration fiscale une majoration de 40 % de l’impôt dû en cas de manquement délibéré du contribuable, et une majoration de 80 % de l’impôt dû en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation du prix stipulé dans un contrat. Cette sanction pécuniaire infligée par l’administration fiscale est versée au Trésor public.

L'article L80 du livre des procédures fiscales dispose que : «Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable».

Le Conseil d'Etat a reconnu, notamment dans un arrêt du 22 février 1989, que les majorations pour mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts «sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions de l'art. 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs». Plus généralement il a indiqué dans un avis du 31 mars 1995 que sont des sanctions fiscales, les pénalités, majorations ou amendes «qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice».

De son côté, la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt du 24 février 1994, [X] c/ France, a estimé que l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme s'appliquait à la majoration d'impôt au cas de mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts, lui reconnaissant ainsi le caractère d'une sanction de nature répressive et non pas celui de la réparation pécuniaire d'un préjudice. Dans un arrêt du 30 juillet 2010, le Conseil d'Etat a, à son tour, estimé que les pénalités pour manœuvres frauduleuses avaient pour objectif de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration et ne constituaient pas la réparation du préjudice subi par le Trésor public du fait du défaut d'acquittement par le redevable des impositions au paiement desquelles il était tenu.

Enfin le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 17 mars 2011, analysée plus particulièrement ci-après, appréhende les sanctions prévues par l'article 1729 comme “une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction”.

Les majorations fiscales prévues par l'article 1729 du code général des impôts constituent donc bien des sanctions punitives au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

2-3-2 les sanctions pénales

Pour les mêmes omissions délibérées ou manœuvres, l’auteur de la fraude fiscale prévue et réprimée à l’article 1741 du code général des impôts s’exposait, à l’époque des faits, à une peine d’emprisonnement de cinq années et une amende de 37 500 euros. Le montant de cette amende a été successivement porté à 500 000 euros par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, puis, dans certaines circonstances, à 2 000 000 euros par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013. Cette amende pénale tend également à un paiement au profit du Trésor public.

2-3-3 l'identité de nature des sanctions encourues

Seul le juge pénal peut condamner l'auteur d'une fraude fiscale à une peine d'emprisonnement. Néanmoins il résulte de la décision précitée du Conseil constitutionnel que cette exclusivité ne suffit pas à caractériser l'existence de sanction de nature différente puisque cette différence existait déjà dans le cas d'espèce ayant abouti à la décision du 18 mars 2015.

Par ailleurs, il apparaît que les sanctions pécuniaires prononcées par l'administration fiscale peuvent être d'une très grande sévérité. Ainsi dans le cas d'espèce, [Y D] s'est vu notifié une pénalité sanctionnant des «manquements délibérés» pour un montant additionnel de 45.121.582 euros soit 1200 fois l'amende encourue sur le plan pénal à l'époque des faits, tandis que [Q D] se voyait notifié une majoration de 24 571 000 euros.

Ce critère de la très grande sévérité est l'un des deux critères utilisés par le Conseil constitutionnel pour apprécier de l'existence, ou non, d'une identité de nature des sanctions encourues tant sur le plan administratif que pénale.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, a, cependant relevé, pour retenir que les sanctions encourues tant devant l'autorité des marchés financiers que devant le tribunal correctionnel étaient de nature identique que : «Le montant de la sanction du manquement d'initié doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements et, en vertu de l'article 132-24 du code pénal, la peine prononcée en cas de condamnation pour délit d'initié doit être prononcée en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur». Dans le communiqué accompagnant la décision, le Conseil constitutionnel explique ainsi que : «La commission des sanctions de l'autorité des marchés financiers doit, comme cela est imposé au juge pénal par l'article 132-26 du Code pénal, fixer le montant des sanctions qu'elle prononce en fonction de la gravité des manquements COMMIS».

Or, en l'espèce, il résulte des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts que la pénalité pour manquement délibéré est de nature forfaitaire et que l'administration fiscale semble ne pas avoir à tenir compte "des circonstances de fait, de la gravité du comportement et de la personnalité de l'auteur”.

Il pourrait dès lors sembler que les sanctions encourues sont de nature différente au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'ensemble des critères de similitude n'étant pas réunis.

Néanmoins le Conseil d’État considère, dans un arrêt du 27 juillet 2009, que «les dispositions. de l'article 1729 du code général des impôts proportionnent la majoration qu'elle institue au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que la majoration vise à réprimer et au comportement du contribuable ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés». Il a d'ailleurs considéré, à plusieurs reprises, que, nonobstant les dispositions contraires des lois de finances modifiant les majorations répressives, il appartenait au juge de l'impôt d'appliquer «en vertu du principe de nécessité des peines issu de l'art. 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, aux agissements commis avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des décisions passées en force de chose jugée, les dispositions plus douces», en l'espèce la réduction législative du taux des pénalités.

Par ailleurs, dans une décision en date du 29 juin 1998, la Commission des Droits de l'Homme de la Convention européenne des droits de l'homme a, de son côté, relevé que s'il est exact que les juridictions françaises ne peuvent moduler le taux des pénalités infligées pour mauvaise foi, tel qu'il est fixé par l'article 1729 du code général des impôts, «il n'en reste pas moins que cet article prévoit que le montant des pénalités est calculé sur la base et en pourcentage du montant des redressements infligés, selon qu'il y a mauvaise foi ou manœuvres frauduleuses. Elle a donc considéré que , ce faisant, «la loi elle-même prévoit et permet d'assurer la proportionnalité de la sanction aux faits reprochés ainsi qu'aux circonstances particulières de l'espèce».

Surtout depuis une arrêt FERREIRA du 29 avril 1997 rendu par sa chambre commerciale, la Cour de cassation reconnaît au juge de l'impôt de l'ordre judiciaire un pouvoir de modulation du montant des pénalités fiscales et ce y compris lorsque la loi fiscale instituant la pénalité a elle-même prévu une modulation en fonction du comportement du contribuable. Elle a ainsi indiqué, dans un arrêt du 22 février 2000, "qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que la majoration prévue par l'article 1728-53 du code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, bien que cette disposition n'ait pas institué à l'encontre de la décision de l'administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende, il résulte de l'article 6, paragraphe 1,susvisé que l'application de l'article 1728-53 doit être dans cette mesure écartée et qu'il appartenait dès lors au tribunal sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, précité, de se prononcer en l'espèce sur le principe et le montant de l'amende".

Le Conseil constitutionnel lui même, dans sa décision du 17 mars 2011, précise, concernant les sanctions prévues par l'article 1729 que ” la loi a elle- même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés".

Il apparait donc que les sanctions fiscales et pénales sont bien de nature similaire.

2-3-4 l'absence de décision définitive

La partie civile fait valoir que dans le cas d'espèce, et contrairement à celui qui a donné lieu à la décision du 18 mars 2015, il n'existe à ce jour aucune décision définitive rendue soit sur un plan fiscal soit sur un plan pénal.

Il est exact que l'absence de décision définitive semble permettre, en l'état actuel de la jurisprudence conventionnelle, d'écarter l'application de la règle du non bis in idem prévu par la Convention européenne des droits de l'homme, son protocole additionnel n°7 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Néanmoins à aucun moment la décision du 18 mars 2015 n'exige l'existence d'une décision définitive dans l'une des deux procédures menées parallèlement pour constater l'inconstitutionnalité du cumul des poursuites concerné par cette décision.

Bien au contraire le Conseil constitutionnel prend soin d'organiser la période transitoire en interdisant une double poursuite non pas simplement dans le cas ou l'autre procédure aurait abouti à une décision définitive, mais dès lors que des poursuites auront été engagées soit sur le plan administratif soit sur le plan pénal.

L'argument est donc sans incidence sur le caractère sérieux de la question posée.

2-4 l'ordre de juridiction compétent.

Aux termes de l’article L199 du Livre des procédures fiscales :

-«En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. Il en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles.

En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. Les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application.»

Ainsi, conformément au second alinéa de ce texte, le recours contre les rectifications d'imposition édictées par l’administration fiscale en matière de droits d’enregistrement, tels les droits de succession, est porté devant le tribunal de grande instance. Les poursuites du chef de fraude fiscale liée à un défaut ou une insuffisance de déclaration de succession sont quant à elles portées devant le tribunal correctionnel.

Il apparaît donc que la sanction encourue par l’auteur d’un manquement délibéré ou d’une manœuvre frauduleuse dans l’établissement d’une déclaration de succession, et la sanction encourue par l’auteur d’une fraude fiscale liée à une déclaration de succession relèvent toutes deux des juridictions de l’ordre judiciaire.

Il ressort donc de l'analyse de la législation et de la jurisprudence que les sanctions du manquement délibéré et de la fraude fiscale, en ce qu'elles concernent les droits d'enregistrement semblent ne pas pouvoir être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction.

Il existe donc un doute sérieux que ces dispositions respectent le principe de la nécessité des délits et des peines au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

3 l'absence de déclaration de conformité par le Conseil constitutionnel des dispositions contestées

Une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être transmise à la Cour de cassation que si l'article de loi contestée n’a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

Contrairement à ce que soutiennent les prévenus, les articles 1729 et 1741 du code général des impôts ont déjà eu l'occasion d'être examinés, au moins partiellement, par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, à l'occasion d'une précédente question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a été amené à dire, dans une décision rendue le 17 mars 2011, que l'article 1729 du code général des impôts n'était pas contraire à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, plus généralement : “que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garanti”.

De même, dans une décision du 4 décembre 2013, concernant l'examen de la conformité à la constitution de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le Conseil constitutionnel à été amené à déclaré non conforme une modification de l'article 1741 du code général des impôts. Cependant, le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur la constitutionnalité générale de cet article.

En revanche, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, à deux reprises, le 25 juin 2014 et le 3 décembre 2014, tout en reconnaissant que l'article 1741 n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel, refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l'article 1741 du code général des impôts à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au motif que : "La question posée ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux, dès lors que, d'une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l'une de l'autre et ont des objets et finalités différents, d'autre part, en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l’une de celles encourues"!.

Ces décisions empêchent-elles cependant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soutenue par [Y D] et [Q D] ?

S'agissant des décisions de refus de transmission de la Cour de cassation, elles n'empêchent pas, procéduralement parlant, la transmission de la question par le tribunal correctionnel.

S'agissant de la décision du Conseil constitutionnel du 17 mars 2011, elle s'impose bien évidemment au tribunal correctionnel.

Néanmoins, l'article 23-2 de l’ordonnance précitée du 7 novembre 1958 réserve le cas où une disposition législative a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel mais où serait survenu un "changement des circonstances".

Dans une décision du 20 septembre 2013, le Conseil constitutionnel a considéré que l'interprétation restrictive d'une disposition législative par le Conseil d'Etat, en l'espèce l'article 80 duodecies du code général des impôts, constituait un changement de circonstances rendant une question prioritaire recevable alors même que le Conseil constitutionnel avait déjà, antérieurement, jugé cette même disposition législative conforme à la Constitution.

Il apparait donc sérieux de considérer qu'une évolution jurisprudentielle du Conseil constitutionnel constitue, à son tour, un “changement des circonstances" rendant possible un réexamen d'une disposition législative pourtant déjà déclarée conforme à la constitution.

En l'espèce, il ressort de l'analyse de la jurisprudence combinée du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat que la question de la coexistence des sanctions administratives et pénales, qui est au coeur de la question posée dans le présent litige, était abordée jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, sous l'angle exclusif du cumul de ces sanctions.

La décision du 18 mars 2015 a, pour la première fois, abordé cette question sous l'angle non pas du cumul des sanctions mais sous l'angle du cumul des poursuites en posant les critères ci-dessus rappelés pour qu'un tel cumul soit constitutionnellement possible.

Il apparait donc que cette décision constitue bien un changement de circonstances qui autorise à considérer que les dispositions litigieuses n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel à la lumière de cette jurisprudence nouvelle.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle est rédigée, de manière quasiment similaire, par [Y D] et [Q D] à la Cour de cassation pour une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

SUR LES SUITES A DONNER A LA PROCEDURE AU FOND

Il résulte de l'article 23-3 de la loi organique sur le Conseil constitutionnel que : "Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel".

Ce même article prévoit qu'il peut être passé outre au sursis à statuer “lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance, ni lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté", lorsque “la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence" et "lorsque Île sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie”. Dans ce dernier cas cependant, la juridiction ne peut statuer que “sur les points qui doivent être immédiatement tranchés".

En l'espèce, il n'apparait pas que l'un ou l'autre des cas rendant possible de passer outre au sursis à statuer soit constitué.

Dès lors, et nonobstant la situation qui en résulte tant en terme de gestion des audiences de la chambre correctionnelle qu'en ce qui concerne les prévenus poursuivis pour d'autres faits, il apparait nécessaire de sursoir à statuer. sur le fond jusqu'à ce que la Cour de cassation et, éventuellement, le Conseil constitutionnel, se soient prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par [Y D] et [Q D].

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, en matière correctionnelle et contradictoirement à l’égard de [LL A], [HH E], [I H], la NORTHERN TRUST FIDUCIARY SERVICES (GUERNSEYŸ) LIMITED, [D Y], [D Q], la ROYAL BANK OF CANADA TRUST COMPANY (BAHAMAS) LIMITED, [J K], prévenus ;

la DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES, L'ETAT FRANCAIS et le LA CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE [LOCALITE 120], DE [LOCALITE 121] ET DU [LOCALITE 122], parties civiles.

AVANT DIRE DROIT :

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation, aux fins d'une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

En matière de droits d'enregistrement, et plus particulièrement de droits de succession, les articles 1729 et 1741 du Code général des impôts dans leur version applicable à la date de prévention, en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, portent-ils atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations des parties relatives à la question prioritaire de constitutionnalité.

DIT que les parties et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la décision.

DIT qu'il sera sursis à statuer sur le fond jusqu'à la décision de la Cour de cassation et, éventuellement du Conseil constitutionnel.

ORDONNE le renvoi de l'affaire à l’audience du 4 mai 2016 à 09:00 devant la 32e chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.

À l'audience du 4 janvier 2016, à 13h30, 32ème chambre, le tribunal était composé de :

Président : Monsieur GERON Olivier, vice-président, (magistrat rédacteur)

Assesseurs : Monsieur GERBAULT Patrick, juge,

Monsieur QUIGNIOT Roger, vice-président,

Assistés de Madame LAV AUD Sandrine, greffière,

en présence de Madame VENET Mireille, procureur de la République financier adjoint et de Madame D'ONOFRIO Monica, vice-procureur de la République financier.

Fait, jugé et délibéré par :

Président : Monsieur GERON Olivier, vice-président,

Assesseurs : Monsieur GERBAULT Patrick, juge,

Monsieur QUIGNIOT Roger, vice-président,

Et prononcé à l'audience du 6 janvier 2016 à 09h00, de la 32ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, par Monsieur Olivier GERON, vice-président, en présence de Monsieur Patrick GERBAULT, juge, de Monsieur Roger QUIGNIOT, juge, et de Madame Mireille VENET, procureur de la République financier adjoint et de Madame Monica D'ONOFRIO, vice-procureur de la République financier, et assistés de Mlle Sandrine LAV AUD), greffier.

Le prononcé de la décision a été traduit oralement par Mme [N VV], interprète en langue anglaise, par Mme [AAA-BBB], interprète en langue allemande et par Mme [WW XX], interprète en langue russe.

et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERE