Tribunal des affaires de sécurité sociale du Lot (Régime autre que le régime agricole)

Jugement du 15 octobre 2015 n° 21200215

15/10/2015

Renvoi

Dispensé des formalités de timbre et d'enregistrement

(Article L 124.1 du Code de la Sécurité Sociale)

REPUBLIQUE FRANCAISE

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DU LOT

JUGEMENT DU JEUDI 15 OCTOBRE 2015

Numéro recours : 21200215

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du LOT réuni en audience publique au Palais de Justice de CAHORS, le jeudi 12 février 2015, composé de :

MADAME MARTINE ARNAUDY-MAZOYER, Juge, Présidente du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale,

Assistée de MADAME CHRISTINE CASSE, Secrétaire,

Et après réouverture des débats le 10 septembre 2015 pour avis du Ministère Public sur la question prioritaire de constitutionnalité,

EN LA CAUSE

MADAME [D F]

[LOCALITE 1] — [LOCALITE 2]

représentée par la SCP FAUGERE-LAVIGNE, Barreau du Lot

CONTRE

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [LOCALITE 3]

[adresse 4] - [LOCALITE 5]

représentée par Madame [J K], en vertu d’un pouvoir régulier

À l’issue des débats, il a été précisé que le jugement serait prononcé le jeudi 15 octobre 2015,

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes :

EXPOSE DU LITIGE

Vu l'article 23-1 de l’ordonnance N° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 24 juin 2014, par madame [D F] représentée par la SCP d’Avocats FAUGERE - LAVIGNE inscrite au barreau du Lot, partie au procès ;

Vu les observations formulées le 12 février 2015 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du [LOCALITE 6] représentée par madame [J K] dûment habilitée, partie au procès ;

Vu l’avis du Ministère Public en date du 25 août 2015 :

En l’espèce, madame [D F] représentée par la SCP d’Avocats FAUGERE - LAVIGNE, prétend que l’article L 341-10 du code de la sécurité sociale qui sert de fondement à la demande de répétition de l’indu formée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) du [LOCALITE 7], porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu’il viole le principe de l’égalité des droits posé par l’article 1er de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ainsi que le principe d’égalité devant la loi posé par l’article 6 de la même déclaration, et la garantie due au travailleur invalide d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence tel que ce droit résulte du point 11 du préambule de la Constitution de 1946.

Elle soutient que ce texte crée une rupture d’égalité entre le bénéficiaire de la pension d’invalidité qui exerce une activité non salariée et celui qui exerce une activité salariée, dans la mesure où le plafond de cumul du premier est très inférieur au plafond de cumul du second ; que c’est pour remédier à cette iniquité que le Médiateur de la République avait proposé l’alignement du plafond de cumul, demande qui a été satisfaite par le législateur, puisque l’article L 341-10 a été abrogé par la loi du 20 décembre 2010, à compter du 1er juin 2011.

En défense, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du [LOCALITE 8] représentée par madame [J K], dûment habilitée, soulève l’irrecevabilité de Ia question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient, en premier lieu que la question n’est pas dirigée contre des dispositions législatives, car la différence de traitement entre celui qui exerce une activité salariée et celui qui exerce une activité non salariée, ne trouve pas sa source dans la loi, mais dans les dispositions règlementaires des articles R 341-16 et D 341-2 du code de la Sécurité Sociale qui déterminent le montant du plafond.

Elle soutient en second lieu, que le grief est dépourvu de caractère sérieux, dans la mesure où le principe d'égalité n’empêche pas la différence de traitement pour des situations différentes, surtout lorsque cette différence de traitement répond à un objectif d’intérêt général, à savoir l’équilibre financier des comptes de la Sécurité Sociale ; qu’enfin l’article L 341-10 n’est pas contraire aux exigences de solidarité nationale proclamées par le 11ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, puisque l’objectif est atteint dans la mesure où le texte reconnait le droit à une pension d’invalidité.

Le Ministère Public soutient que la disposition contestée est applicable au litige, qu'elle n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution, et que la question posée présente un caractère sérieux. Il requiert la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité

En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité

Conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précitée, il ressort de la procédure que :

- la disposition législative contestée est applicable au présent litige, puisque c’est sur le fondement de l’article L 341-10 du code de la Sécurité Sociale, que la CPAM a notifié le 21 mai 2012 à madame [D F], un indu pour un montant de 20 839,55 €.

- l’article L 341-10 du code de la Sécurité Sociale, n’a pas été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que l’article L 341-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé à compter du 1er juin 2011, par la loi du 20 décembre 2010, portant financement de la sécurité sociale pour 2011, sur proposition de réforme du Médiateur de la République, afin de remédier à l’iniquité résultant de la différence de traitement entre le bénéficiaire d’une pension d’invalidité ayant une activité non salariée et le bénéficiaire d’une pension d’invalidité ayant une activité salariée.

Il avait alors été proposé l’alignement du plafond du cumul, pour l’appréciation du droit au maintien partiel de la pension d’invalidité en cas de reprise d’une activité professionnelle non salariée, sur celui prévu en cas de reprise d’une activité salarié qui prend en compte le salaire du pensionné avant l’arrêt de travail suivi d’invalidité.

Par conséquent, il peut être sérieusement soutenu, que l’article L 341-10 du code de la sécurité sociale porte atteinte au principe de l’égalité des droits posé par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ainsi qu’au principe d'égalité devant la loi posé par l’article 6 de cette même Déclaration.

Il en résulte qu’il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Cassation la question suivante :

L'article L 341-10 du code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction antérieure à la loi N° 2010

1594 du 20 décembre 2010, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 6 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?

Sur les autres demandes

Conformément à l’article 23-3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 précitée, il ressort que le présent Tribunal ne peut statuer en l’état sur la demande en répétition de l’indu dont il est saisi, dans la mesure où l'indu réclamé, a pour fondement le texte contesté.

Il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes au fond des parties.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours,

Ordonne la transmission à la Cour de Cassation de la question suivante : L'article L 341-10 du code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction antérieure à la loi N° 2010 1594 du 20 décembre 2010, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 6 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de Cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions présentés, par un écrit distinct et motivé, des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité :

Dit que les parties comparantes et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l’audience du 14 AVRIL 2016 à 14 heures.

Réserve les dépens.

Ainsi jugé et prononcé à CAHORS, le 15 octobre 2015, la minute étant signée par Martine ARNAUDY-MAZOYER, Présidente, et Christine CASSE, secrétaire de la juridiction.

LA SECRETAIRE

LA PRESIDENTE