Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Ordonnance du 13 octobre 2015 N° 1411944

13/10/2015

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

 

 

N° 1411944

___________

 

SCI PB 12

 

___________

 

Ordonnance du

13 octobre 2015

___________

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 2ème chambre du

Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise,

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un mémoire distinct portant question prioritaire de constitutionnalité, présenté sur le fondement des dispositions de l’article 61-1 de la Constitution, enregistré au greffe du Tribunal le 28 août 2015, la SCI PB 12, représentée par Me Thiry, avocat :

- soutient que les dispositions de l’article 32 III de la loi du 29 décembre 2014 portant loi de finances rectificative pour 2014 violent les dispositions de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en tant qu’elles prévoient la validation, pour la détermination de la valeur locative des locaux évalués en application du 2° de l’article 1498 du code général des impôts, des évaluations réalisées avant le 1er janvier 2015 en tant que leur légalité serait contestée au motif, notamment, que le local-type ayant servi de terme de comparaison, indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d’affectation ou de caractéristiques physiques ; que la disposition contestée est applicable à la procédure ; qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; que la loi de validation en cause ne répond à aucun motif impérieux d’intérêt général : le risque de développement d’un contentieux de masse n’est pas établi eu égard à la brièveté du délai de réclamation en matière d’impôts directs locaux et à la jurisprudence du Conseil d’Etat relative à l’office du juge en la matière, qui exclut qu’une décharge puisse être prononcée par le juge sans qu’il ait invité l’administration à identifier un terme de comparaison alternatif susceptible de permettre la défense au contentieux de l’imposition en litige conformément à la jurisprudence ainsi invalidée, ou à substituer à la méthode par comparaison la méthode par appréciation directe en vue de déterminer la valeur locative servant de base à l’imposition contestée ; il incombe à l’administration de tenir compte des changements de consistance des locaux-types retenus pour l’évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux, en mettant à jour les procès-verbaux d’évaluation ; la révision des valeurs locatives commerciales en cours devrait circonscrire dans le temps le développement des réclamations ;

- demande au Tribunal de transmettre sans délai la question mentionnée au Conseil d’Etat sur le fondement de l’article 23-2 de l'ordonnance modifiée n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution.

 

 

 

 

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2015, le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la demande de la SCI PB 12.

 

 

 

Il soutient que la mesure de validation contestée répond à un triple objectif impérieux d’intérêt général : la prévention d’un contentieux potentiellement de masse, pouvant concerner 1,5 million à deux millions de locaux, soit 54 % à 71 % des locaux commerciaux concernés, et susceptible d’entraîner des dégrèvements pour des montants très élevés à la charge du budget de l’Etat, devant être pris en compte au titre de la jurisprudence du Conseil Constitutiononel ; la prévention des perturbations du service public administratif qui résulteraient de la mobilisation de plusieurs centaines d’agents en équivalent temps plein de la direction générale des finances publiques, afin de s’assurer de l’existence des changements de consistance des locaux-types en cause, et, à défaut, de rechercher un autre terme de comparaison pertinent ou de procéder à leur évaluation par la méthode par appréciation directe ; la prévention des variations des bases des impositions directes locales, notamment en cas de recours la méthode par appréciation directe, dans l’intérêt des contribuables comme dans celui des collectivités locales.

 

 

 

Vu :

 

 

 

- la requête, enregistrée le 10 décembre 2014 sous le numéro 1411944, par laquelle la SCI PB 12, représentée par Me Thiry, avocat, demande au Tribunal, notamment, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2011 à raison de locaux situés 1 place de la Pyramide à Puteaux (Hauts-de-Seine), constitués d’un ensemble immobilier à usage de bureaux dénommé « Tour Opus 12-1 » ;

 

- le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2015, présenté par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine ;

 

- et les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-5 ;

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 portant loi de finances rectificative pour 2014, notamment son article 32 III ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique du 10 décembre 2009 visée ci-dessus ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 771-5 du code de justice administrative : « Sauf s’il apparaît de manière certaine, au vu du mémoire distinct, qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. (…) ; » ; qu’aux termes de l’article R. 771-7 du même code : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité. » ;

 

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » ; que l’article 23-2 de l'ordonnance modifiée du 7 novembre 1958 visée ci-dessus, relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, prévoit que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.» ;

 

3. Considérant qu’aux termes du III de l’article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 visée ci-dessus : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, pour la détermination de la valeur locative des locaux mentionnés à l’article 1496 du code général des impôts et de ceux évalués en application du 2° de l'article 1498 du même code, sont validées les évaluations réalisées avant le 1er janvier 2015 en tant que leur légalité serait contestée au motif que, selon le cas, le local de référence ou le local-type ayant servi de terme de comparaison, soit directement, soit indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d'affectation ou de caractéristiques physiques. » ;

 

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’immeuble en litige, constitué d’un ensemble immobilier à usage de bureaux dénommé « Tour Opus 12-1 », a fait l’objet d’une évaluation de sa valeur locative, au titre de l’année 2011, par référence au local-type n° 15 du procès-verbal rectificatif de révision foncière des maisons exceptionnelles de la commune de Puteaux, constitué d’un niveau d’un ensemble immobilier à usage de bureaux dénommé « Tour Kupka » ; que ce dernier local-type avait été évalué à l’occasion de son achèvement en 1993 par référence au local-type n° 4 du procès-verbal initial de révision foncière des maisons exceptionnelles de la commune de Puteaux, constitué d’un ensemble immobilier à usage de bureaux dénommé « Tour Nobel » ; que ce dernier local-type a fait l’objet en 2002, soit antérieurement à l’inscription du local-type n° 15 mentionné au procès-verbal de révision foncière, de démolition suivie de restructuration ;

 

5. Considérant que la SCI PB 12 soutient qu’il ressort des dispositions contestées de l’article 32 III de la loi de finances rectificative pour 2014 que l’évaluation de l’imposition en litige par référence, indirectement, au local-type n° 4 mentionné est validée, alors que ce local-type a été démoli ou restructuré, et qu’il ressort d’une jurisprudence établie qu’un tel local-type ne peut plus servir de référence, postérieurement à sa démolition ou à sa restructuration, pour la détermination d’une valeur locative foncière, alors même qu’il serait resté inscrit au procès-verbal de révision foncière en cause et qu’un autre local-type, évalué par référence, aurait été choisi comme terme de comparaison ;

 

6. Considérant qu’au soutien de sa question prioritaire de constitutionnalité, la SCI PB 12 fait valoir que les dispositions contestées ne satisfont pas à l’exigence constitutionnelle d’un motif impérieux d’intérêt général au sens des dispositions de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; qu’eu égard aux caractéristiques de la procédure de contestation des évaluations de valeurs locatives foncières devant le juge administratif, à l’étendue des pouvoirs d’instruction du juge en la matière, et à la possibilité pour l’administration de mettre à jour les procès-verbaux de révision foncière et, au contentieux, de substituer, au local-type en cause, un terme de comparaison alternatif répondant aux conditions posées par la jurisprudence ou de substituer, à la méthode par comparaison, la méthode par appréciation directe, les objectifs de prévention d’un contentieux potentiellement de masse, de prévention des perturbations du service public et de prévention d’évolution des bases des impositions directes locales, ne constituent pas des motifs impérieux d’intérêt général ; qu’est à cet égard non transposable la décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999 du Conseil Constitutionnel ;

 

7. Considérant que les dispositions législatives contestées, qui font l’objet d’un mémoire distinct motivé, sont applicables au litige ; qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; que la question soulevée ne peut être regardée comme étant dépourvue de caractère sérieux ;

 

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité de la SCI PB 12 au Conseil d’Etat ;

 

 

O R D O N N E :

 

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité de la SCI PB 12 est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI PB 12 et au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine.

 

 

Fait à Cergy-Pontoise, le 13 octobre 2015

 

 

Le président de la 2ème chambre,

 

 

signé

 

 

S. Carrère

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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