Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 10 septembre 2015 N° 1429125 /7-1

10/09/2015

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N° 1429125 /7-1

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M. C... B... A...

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Ordonnance du 10 septembre 2015

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Le président de la 7ème section

statuant sur le fondement de l’article R. 771-7 du code de justice administrative

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

 

 

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2015, M. C... B... A..., représenté par Me Woll, demande au tribunal, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de l'arrêté du ministre des finances et des comptes publics du 29 octobre 2014 portant application des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier et imposant une mesure de gel de ses avoirs financiers, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier.

 

 

 

 

 

Le requérant soutient que :

 

- les dispositions des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier méconnaissent le principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en autorisant l’administration à se substituer au juge pénal pour prononcer une sanction ;

 

- les dispositions législatives contestées violent le principe de présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en permettant une sanction sans procès pour une période renouvelable sans limite ;

 

- ces mêmes dispositions méconnaissent le principe du respect des droits de la défense, garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en permettant de réprimer une infraction pénale sur le fondement de notes blanches des services de renseignement ;

 

- les dispositions législatives contestées méconnaissent le droit de propriété, garanti à l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en l’absence d’intérêt général et de caractère proportionné d’atteinte à ce droit.

 

 

 

 

 

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut à la non transmission de la question au Conseil d’Etat ; il soutient que les conditions prévues à l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies dès lors que la question posée est dépourvue de caractère sérieux ;

 

 

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

 

 

Vu :

 

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

 

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

- le code monétaire et financier ;

 

- le code de justice administrative.

 

 

 

 

 

1. Considérant que l’article R. 771-7 du code de justice administrative dispose que

 

« Les présidents de tribunal administratif (…), les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (…) peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ;

 

 

 

2. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles

 

23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

 

 

3. Considérant que qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012, applicable à l’époque des faits : « Sans préjudice des mesures restrictives spécifiques prises en application de règlements du Conseil de l'Union européenne et des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 562-3 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, définis comme il est dit au 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, y incitent, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles au sens des 5 et 6 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, précité. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités sont également gelés.» ; que l’article L. 562-2 du même code dispose que : « En application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, organismes ou entités qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par

 

 

 

 

 

ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources susmentionnés sont également gelés. » ;

 

 

 

4. Considérant que les dispositions législatives citées au point 3 sont applicables au litige présenté devant le tribunal tendant à l’annulation de la décision du 29 octobre 2014 du ministre des finances et des comptes publics imposant une mesure de gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques de M. B... A... ; qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et des droits de la défense garantis par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au principe de présomption d’innocence garanti par l’article 9 du même texte et au droit de propriété, garanti à l’article 2 de cette même déclaration, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre cette question au Conseil d’Etat ;

 

 

 

ORDONNE :

 

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. C... B... A....

 

 

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... B... A... et au ministre des finances et des comptes publics.

 

 

 

 

 

Fait à Paris, le 10 septembre 2015.

 

 

 

Le président de la 7ème section

 

M. D...

 

 

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N°1429125

 

 

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