Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche (Régime autre que le régime agricole)

Jugement du 10 juillet 2015, DOSSIER N° 20130043

10/07/2015

Renvoi

AFFAIRE

[A B C]-

CONTRE

M.S.A. COTES NORMANDES -

DOSSIER N° 20130043

Bénéfice retraite non salarié agricole refusé

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

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TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LA MANCHE

JUGEMENT DU 10 JUILLET 2015

Demandeur : Monsieur [A B] - [LOCALITE 1] — [LOCALITE 2] - représenté par Maître GAUTTER-LAIR ;

Défendeur : M.S.A. Côtes Normandes — [adresse 3] — [LOCALITE 4] - représentée par Madame [G], dûment mandatée :

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Présidente :

Mme. Aude VERNET ; Juge au Tribunal de Grande Instance de Coutances, Présidente , ayant statué seule après accord express des parties présentes, et après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent ;

Assesseurs :

M. Jean-Pierre LEPIEZ ; Assesseur employeur assermenté ;

Secrétaire :

Marie Christine HUBERT ;

DEBATS

À l’audience publique du 30 Juin 2015

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au secrétariat le 10 Juillet 2015 ;

Vu les convocations reconnues régulières adressées par la secrétaire ; Le Tribunal après avoir éclairé les parties sur leurs droits n’a pu les concilier ;

FAITS ET PROCEDURE

M. [A B] a exercé simultanément deux activités professionnelles :

- une activité libérale de médecin du ler janvier 1980 au 31 décembre 2012

- une activité d'exploitant agricole du ler janvier 1987 au 31 décembre 2012.

Il a cotisé auprès de chacun des régimes concernés au titre de la cotisation vieillesse.

Lors de la liquidation de ses droits à retraite auprès de la MSA [LOCALITE 5], la caisse lui indiquait par courrier du 27 mars 2013 que son activité non salariée agricole ne pouvait être génératrice de droit vieillesse.

M. [B] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la MSA qui a confirmé le rejet opposé, retenant une juste application des textes en vigueur par courrier recommandé du 13 août 2013.

Par requête du 9 octobre 2013, M. [A B] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale de la Manche en sa section agricole aux fins de contester la décision de la Mutualité Sociale Agricole confirmée par la commission de recours amiable, lui refusant le bénéfice d'une pension de retraite au titre de son activité non salariée agricole alors même qu'il avait versé une cotisation vieillesse.

Appelée une première fois à l’audience du 9 décembre 2014, l’affaire a été renvoyée à la demande des parties, pour être retenue à l’audience du 30 juin 2015.

Au cours de cette audience :

Un des deux assesseurs non-professionnels étant absent, et le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la MANCHE ne pouvant siéger avec la composition prévue à l’article L. 142-4 du Code de la Sécurité sociale, l’accord des parties a été recueilli pour que le président statue seul, après avoir entendu les observations de l’assesseur présent, conformément à l’article L. 142-7 du même code.

M. [A B] était représenté par Maître GAUTIER-LAIR, avocat inscrit au barreau de CAEN. Par conclusions écrites du 29 juin 201S oralement soutenues par son conseil, il a demandé à la juridiction de transmettre à la Cour de Cassation une question prioritaire de constitutionnalité et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision rendue par le Conseil Constitutionnel sur la conformité de l'article L. 622-1 du Code de sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à 2001.

La MSA [LOCALITE 6], représentée par Mme [G], a indiqué que les textes applicables au litige avaient été correctement appliqués et a sollicité la confirmation de la décision prise par ses services, confirmée par la commission de recours amiable.

La décision a été mise en délibéré au 10 juillet 2015.

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 1er juillet 2015 qui a requis le 7 juillet suivant la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, considérant que les conditions posées pour une telle transmission étaient remplies : il s’agit d'une dispositions de nature législative applicable au litige même si elle n'est plus en vigueur ; l'article L.622-1 du Code de la sécurité sociale n’a pas encore été déclaré conforme à la Constitution et le caractère sérieux de la question est avéré dans la mesure où le texte critiqué dans sa version antérieure à 2001 faisait supporter à certains assujettis des cotisations non génératrices de droit à la retraite, raison pour laquelle il peut être sérieusement soutenu que cette situation provoquait une rupture d'égalité non légitime des citoyens devant la loi.

MOTIFS DE LA DECISION

▸ Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 29 juin 2015 par M. [A B] dans un écrit distinct et motivé par conclusions séparées et accompagnées d’un mémoire de question prioritaire de constitutionnalité.

Le moyen est en conséquence recevable.

▸ Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En l’espèce la nature législative des dispositions objet de la présente question prioritaire de constitutionnalité (article L.622-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable du Ier janvier 1992 au 31 décembre 2000) est établie,

Aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il est procédé à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité si les conditions suivantes sont remplies:

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites,

- elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et les dispositifs d’une décision du Conseil Constitutionnel,

- la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce, les dispositions contestées sont applicables au litige en ce qu’elles ont servi de fondement aux décisions rendues successivement par la MSA et la commission de recours amiable suite à la demande présentée par M. [B] tendant au versement d'une pension de retraite agricole.

Ces dispositions n’ont pas été de surcroît déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, le Conseil s'étant prononcé sur la constitutionnalité de l’article L.622-2 du Code de la sécurité sociale mais pas sur l'article L.622-1 du même code.

Enfin, la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux en ce que l'article L.622-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable du ler janvier 1992 au 31 décembre 2000 faisait supporter à certains assujettis des cotisations non génératrices de droit à la retraite provoquant une rupture d'égalité non légitime des citoyens devant la loi et le versement de cotisations vieillesse sans contrepartie.

Dès lors il y a lieu de transmettre à la Cour de cassation la question de la conformité des dispositions de l’article L.622-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2000 aux droits fondamentaux garantis par la Constitution et notamment à l’article 34 de la Constitution, au principe d’égalité devant la loi énoncé à l’article 1er de la Constitution de 1958 et aux articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

PAR CES MOTIFS

La Présidente du tribunal, statuant publiquement par décision mise à disposition au secrétariat de la juridiction, rendue contradictoirement et insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question de la conformité des dispositions de l’article L.622-] du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable du ler janvier 1992 au 31 décembre 2000 aux droits fondamentaux garantis par la Constitution et notamment à l'article 34 de la Constitution, au principe d’égalité devant la loi énoncé à l’article 1* de la Constitution de 1958 et aux articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision.

 

Notification faite aux parties le :10 JUIL 2015