Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Jugement du 30 avril 2015 Nos 1500243 , 1501646

30/04/2015

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

 

 

Nos 1500243,1501646

___________

 

M. B... A...

___________

 

M. Kiecken

Rapporteur

___________

 

M. Legeai

Rapporteur public

___________

 

Audience du 23 avril 2015

Lecture du 30 avril 2015

___________

 

095-08-05-01-01

54-10-05

54-10-06

C

 

 

cl

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

 

(5ème chambre)

 

 

 

 

 

 

Vu, I, le mémoire, enregistré le 12 janvier 2015, présenté pour M. B... A..., élisant domicile chez son conseil, 19, boulevard Arthur Michaud à Marseille (13015), en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par Me Belnet ; M. A... demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, enregistrée le même jour sous le numéro 1500243, tendant à la restitution de la contribution sociale généralisée sur les produits de placement, de la contribution au remboursement de la dette sociale, du prélèvement social sur les produits de placement et des contributions additionnelles audit prélèvement social, acquittés au titre de l’année 2011, pour un montant de 22 442,92 euros, de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

 

M. A... soutient que les dispositions de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, relatives à l’assujettissement aux prélèvements sociaux de la part des produits attachés aux droits exprimés en euros dans les contrats de capitalisation « multisupports » dès leur inscription aux contrats, portent atteinte aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors que lesdits produits ne constituent pas des bénéfices ou des revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposés au cours de l’année au titre de laquelle ces prélèvements sociaux sont dus ; que ces dispositions méconnaissent donc l’exigence de prise en compte des facultés contributives ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2015, présenté par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine ; le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine conclut qu’il n’y pas lieu de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. A... ;

 

Le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine fait valoir :

 

- que les deux premières conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies ;

- qu’en revanche, la troisième et dernière condition, tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux, n’est pas remplie ; que les dispositions en litige ne méconnaissent pas l’exigence de prise en compte des facultés contributives dès lors que la décision du titulaire d’un contrat « multisupports » de réinvestir des produits attachés aux droits exprimés en euros vers les unités de compte dudit contrat constitue un acte de disposition du revenu de nature à justifier l’assujettissement aux prélèvements sociaux ; qu’il n’est donc pas porté atteinte aux principes d’égalité devant la loi fiscale ou devant les charges publiques ;

 

Vu l’ordonnance en date du 23 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 11 mars 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2015, présenté pour M. A... ; M. A... conclut aux mêmes fins que précédemment ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2015, présenté par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2015, présenté par le directeur de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux ;

 

Vu, II, le mémoire, enregistré le 20 février 2015, présenté pour M. B... A..., élisant domicile chez son conseil, 19, boulevard Arthur Michaud à Marseille (13015), en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par Me Belnet ; M. A... demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, enregistrée le même jour sous le numéro 1501646, tendant à la restitution de la contribution sociale généralisée sur les produits de placement, de la contribution au remboursement de la dette sociale, du prélèvement social sur les produits de placement et des contributions additionnelles audit prélèvement social, acquittés au titre des années 2012 et 2013, pour un montant de 67 827,57 euros, de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

 

M. A... soutient que les dispositions de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, relatives à l’assujettissement aux prélèvements sociaux de la part des produits attachés aux droits exprimés en euros dans les contrats de capitalisation « multisupports » dès leur inscription aux contrats, portent atteinte aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors que lesdits produits ne constituent pas des bénéfices ou des revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposés au cours de l’année au titre de laquelle ces prélèvements sociaux sont dus ; que ces dispositions méconnaissent donc l’exigence de prise en compte des facultés contributives ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2015, présenté par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine ; le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine conclut qu’il n’y pas lieu de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. A... ;

 

Le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine fait valoir :

 

- que les deux premières conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies ;

- qu’en revanche, la troisième et dernière condition, tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux, n’est pas remplie ; que les dispositions en litige ne méconnaissent pas l’exigence de prise en compte des facultés contributives dès lors que la décision du titulaire d’un contrat « multisupports » de réinvestir des produits attachés aux droits exprimés en euros vers les unités de compte dudit contrat constitue un acte de disposition du revenu de nature à justifier l’assujettissement aux prélèvements sociaux ; qu’il n’est donc pas porté atteinte aux principes d’égalité devant la loi fiscale ou devant les charges publiques ;

 

Vu l’ordonnance en date du 23 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 7 avril 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2015, présenté pour M. A... ; M. A... conclut aux mêmes fins que précédemment ;

 

Vu les autres pièces des dossiers ;

 

Vu la Constitution ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu le code de la sécurité sociale ;

 

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, notamment son article 22 ;

 

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :

 

- le rapport de M. Kiecken, conseiller ;

- et les conclusions de M. Legeai, rapporteur public ;

1. Considérant que les mémoires distincts et motivés, présentés à l’appui des requêtes de M. A... enregistrées sous les numéros 1500243 et 1501646, présentent à juger la même question prioritaire de constitutionnalité et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État (…) qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. » ; qu’en vertu des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, susvisée, le Tribunal administratif, saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

3. Considérant qu’en contestant la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, en tant qu’elles assujettissent à la contribution sociale généralisée sur les produits de placement les compartiments exprimés en euros des contrats « multisupports » dès l’inscription des produits attachés auxdits contrats, M. A... doit être regardé comme mettant en cause, non ledit article 22 lui-même mais les mots « la part des produits attachés aux droits exprimés en euros ou en devises dans les bons ou contrats en unités de compte mentionnées au second alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances », mentionnés au a) du 3° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale ;

 

4. Considérant que cette disposition, qui, en vertu du V de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, s’applique aux produits inscrits à de tels bons ou contrats à compter du 1er juillet 2011, est applicable aux présents litiges au sens et pour l’application de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ; que si, par sa décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi de finances pour 2011, a spécialement examiné la disposition contestée dans les motifs, déclaré certaines des dispositions de cette loi contraires à la Constitution et estimé qu’il n’y avait pas lieu pour lui de soulever d’office une autre question de conformité à la Constitution, il n’a pas, pour autant, déclaré la disposition litigieuse conforme à la Constitution dans le dispositif de la décision ni dans celui d’une décision postérieure ; que les moyens tirés de ce que cette disposition porte atteinte aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, soulèvent une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité invoquée dans les requêtes susvisées ;

 

 

D E C I D E :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des mots « la part des produits attachés aux droits exprimés en euros ou en devises dans les bons ou contrats en unités de compte mentionnées au second alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances », mentionnés au a) du 3° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est transmise au Conseil d’État.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de M. A..., jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’État ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine. Copie en sera adressée au directeur de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux.

 

Délibéré après l'audience du 23 avril 2015, à laquelle siégeaient :

 

M. Kelfani, président, Mme Coblence, premier conseiller et M. Kiecken, conseiller.

 

Lu en audience publique le 30 avril 2015.

 

 

 

Le rapporteur,

 

 

signé

 

 

A. KIECKEN

Le président,

 

 

signé

 

 

K. KELFANI

Le greffier,

 

 

signé

 

 

C. LUREAU

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Nos 1500243…