Tribunal de grande instance de Saint-Denis-de-La-Réunion

Jugement du 10 mars 2015, N° minute : 358/15/SR

10/03/2015

Renvoi

 Cour d’Appel de Salnt-Denis-de-La Réunion

Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis-de-La-Réunion

Jugement du : 10/03/2015

Chambre correctionnelle collégiale

N° minute : 358/15/SR

N° parquet : 141610000612

JUGEMENT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

A l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Saint-Denis-de-La Réunion le DIX MARS DEUX MILLE QUINZE,

Composé de :

Président : Monsieur MOATTY Yves, vice-président

Assesseurs : Madame BARRUOL Anne, vice-présidente,

Monsieur CLEMENT Michel, Juge de proximité autorisé, suivant ordonnance n°I38/14 du 20 novembre 2014 du Président du Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis-de-La-Réunion à siéger en qualité d'assesseur,

Assistés de Madame ROGER Ségolène, greffière,

en présence de Madame MAUGENDRE Véronique, vice-procureur de la République, a été appelée l'affaire

ENTRE;

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

ET

Prévenu

Nom : [I J]

né le [DateNaissance 1] 1977 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3])

de [I K] et de [A B C]

Nationalité : française

Situation familiale : ignorée

Situation professionnelle : Responsable d'exploitation

Antécédents judiciaires : jamais condamné

demeurant : [adresse 4] - [LOCALITE 5] - [LOCALITE 6]

Situation pénale : libre comparant assisté de Maître RIGAULT Laetitia, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion, substitué par Maître LEFEVRE Fabienne, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion,

Prévenu des chefs de :

EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE faits entre le mois de courant juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 7]

CREATION D'UN GALLODROME faits commis entre le mois de juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 8]

OUVERTURE IRREGULIERE D'UN DEBIT DE BOISSONS A CONSOMMER SUR PLACE DE 3EME OU 4EME CATEGORIE faits commis entre le mois de juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 9]

Nom : [A D E]

né le [DateNaissance 10] 1971 à [LOCALITE 11] ([LOCALITE 12].)

de [A F] et de [G F]

Nationalité : française

Situation familiale ; ignorée

Situation professionnelle : Sans profession

Antécédents judiciaires Jamais condamné

demeurant : [adresse 13] - [LOCALITE 14] - [LOCALITE 15]

Situation pénale : libre

comparant assisté de Maître SADAR-DITTOO Samia, avocat au barreau de Sarnt-Denis-de-la-Réunion, avocat commis d'office,

Prévenu des chefs de ;

EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE faits commis entre le mois de juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 16]

CREATION D'UN GALLODROME faits commis entre le mois de juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 17]

OUVERTURE IRREGULIERE D'UN DEBIT DE BOISSONS A CONSOMMER SUR PLACE DE 3EME OU 4EME CATEGORIE faits commis entre le mois de juin 2012 et jusqu'au 4 février 2014 à [LOCALITE 18]

DEBATS

A l’appel de la cause, le président, après avoir informé les personnes, de leur droit d’être assistées par un interprète, a constaté la présence et l'identité de [I J] et [A D E] et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Avant tout défense au fond. Maître LEFEVRE Fabienne soulève une exception préjudicielle.

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 à R.49-29 du Code de Procédure Pénale et notamment l’article R.49-27 alinéa 2 ;

Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée,, par un écrit distinct et motivé, le 24 février 2015 par

Monsieur [I J], représenté par Maître RIGAULT Laetitia,

Vu les observations formulées à l'audience du 10 mars 2015 par Monsieur [A D E], représenté par Maître SADAR-DETTO,

Vu les réquisitions du ministère public en date du 10 mars 2015 ;

En l’espèce, Monsieur [I J], représenté par Maître RIGAULT Laetitia, prétend que l'alinéa 8 de l'article 521-1 du Code pénal porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu'il est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant le loi prévu à l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. L'interdiction générale et absolue posée par l'alinéa 8 de l'article 521-1 du Code pénal de créer de nouveaux gallodromes constitue une rupture flagrante de l'égalité entre deux situations similaires, à savoir deux traditions locales considérées comme équivalentes par le législateur, que sont les courses de taureaux et les combats de coqs, et ce d'autant qu'il existe une différence de traitement très importante entre ces deux situations similaires, puisque l'organisateur d'une course de taureaux dans un lieu privé bénéficie d'une exonération de responsabilité alors que l'organisateur d'un combat de coqs dans un « nouveau gallodroine » est passible d'une peine d'emprisonnement de 2 ans et de 30.000 euros d'amende.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

Une convocation à l’audience du 27 juin 2014 a été notifiée à [I J] par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

L’affaire a été appelée successivement aux audiences des :

- 27 juin 2014 et renvoyée, contradictoirement et à la demande des parties, au 14 novembre 2014

- 14 novembre 2014 et renvoyée, contradictoirement et à la demande des parties, au 10 mars 2015.

[I J] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu :

- d'avoir à [LOCALITE 19] ( [adresse 20] ), entre le mois de juin 2012 et ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en l'espèce : débit de boissons, sans requérir son immatriculation obligatoire au répertoire des métiers ou registre du commerce et des sociétés., faits prévus par ART.L.8224-1, ART.L.8221-1 AL.1 1°, ART.L.822Î-3, ART.L.8221-4, ART.L.8221-5, AR.T.L.8221-6 C.TRAVA1L. et réprimés par ARTL.8224-1, ART.L.8224-3, ART.L.8224-4 C.TRAVAIL.

- d'avoir à [LOCALITE 21] ( [adresse 22] ), entre le mois de juin 2012 jusqu'à ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, créé un gallodrome, faits prévus par ART.521-1 AL.8 C.PENAL. et réprimés par ART.521-1 AL.8, AL. 1, AL.2, AL.î C.PENAL.

- d'avoir à [LOCALITE 23] ( [adresse 24] ), entre le mois de juin 2012, et ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, ouvert un débit de boissons à consommer sur place de 3ème ou 4ème catégorie sans avoir effectué la déclaration préalable., faits prévus par ART.L.3352-2 AL. 1, ART.L.3335-1, ART.L.3335-8 C.SANTE.PUB. et réprimés par ART.L.3352-2, ART.L.3355-6 AL.l C.SANTE.PUB.

Une convocation à l’audience du 27 juin 2014 a été notifiée à [A D E] par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

L’affaire a été appelée successivement aux audiences des :

- 27 juin 2014 et renvoyée, contradictoirement et à la demande des parties, au 14 novembre 2014

- 14 novembre 2014 et renvoyée, contradictoirement et à la demande des parties, au 10 mars 2015.

[A D E] a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu :

- d'avoir à [LOCALITE 25] ( [LOCALITE 26] ), entre le mois de juin 2012 et ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en l'espèce : débit de boissons, sans requérir son immatriculation obligatoire au répertoire des métiers ou registre du commerce et des sociétés., faits prévus par ART.L.8224-1, ART.L.8221-1 AL.l 1’,' ART.L.8221-3, ART.L.8221-4, ART.L.8221-5, ART.L.8221-6 C.TRAVAIL. et réprimés par ART.L.8224-1, ART.L.8224-3, ART.L.8224-4 C.TRAVAIL.

- d'avoir à [LOCALITE 27] ( [adresse 28] ), entre le mois de juin 2012, jusqu'à ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par La prescription, créé un gallodrome, faits prévus par ART.521-1 AL.8 C.PENAL. et réprimés par ART.521-1 AL.8, AL.l, AL.2, AL.3 C.PENAL.

- d'avoir à [LOCALITE 29] ( [adresse 30] ), entre le mois de juin 2012 et ce jour, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, ouvert un débit de boissons à consommer sur place de 3èmc ou 4ème catégorie sans avoir effectué la déclaration préalable., faits prévus par ART.L.3352-2 AL.1, ART.L.3335-1, ART.L.3335-8 C.SANTE.PUB. et réprimés par ART.L.3352-2, ART.L.3355-6 AL.l C.SANTE.PUB.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité ;

En l’espèce. Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;

Conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précitée, il ressort de la procédure que

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu’elle est relative à la création d'un gallodrome, et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d ’une décision du Conseil Constitutionnel.

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce que les poursuites sont fondées sur le texte répressif en question.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : « L'alinéa 8 de l'article 521-1 du Code pénal porte-t-il atteinte aux droits et libertés en l'espèce le principe d'égalité devant la loi garanti par La Constitution au regard de l'alinéa 7 du même article ? »

Attendu qu'il convient de surseoir à statuer ;

Attendu que le tribunal considère qu'il y a lieu d’ordonner le renvoi de l'affaire pour examen de la question préjudicielle ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire à l’égard de [I J] et [A D E], non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : « L'alinéa 8 de l'article 521-1 du Code pénal porte-t-il atteinte aux droits et libertés en l'espèce le principe d'égalité devant la loi garanti par la Constitution au regard de l'alinéa 7 du même article ? »

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les observations du ministère public et celles des autres parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sursoit à statuer ;

Ordonne le renvoi de l'affaire, pour examen de la question préjudicielle, à l’audience du 2 octobre 2015 à 08h00 devant la Chambre correctionnelle collégiale du Tribunal Correctionnel de Saint-Denis-de-La Réunion ;

Dit que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ; et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière.