Cour d'Appel de Toulouse

Arrêt du 23 octobre 2014 n° : 2014/00287

23/10/2014

Renvoi

ARRET DU 23 octobre 2014

Dossier n° : 2014/00287

N°549

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

La Chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de TOULOUSE, siégeant en audience en chambre du conseil le vingt cinq septembre deux mil quatorze pour les débats et le vingt trois octobre deux mil quatorze pour le prononcé de l'arrêt

Composée lors des débats :

Monsieur REGALDO - SAINT BLANCARD, Président

Madame LE MEN REGNIER, Conseiller,

Madame IVANCICH, Conseiller

tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale, et qui ont, à l'issue des débats, délibéré seuls, conformément à l'article 200 dudit code

Monsieur BABOULENNE, Substitut Général

Madame BACOU, Greffier

Lors du prononcé de l'arrêt :

il a été donné lecture de l'arrêt par Monsieur REGALDO - SAINT BLANCARD, Président, en présence du Ministère Public et de Madame BACOU, Greffier

**** **

VU la procédure suivie contre :

[F D-E]

né le [DateNaissance 1] 1965 à [LOCALITE 2] de nationalité FRANCAISE

Libre demeurant: [adresse 3] - [LOCALITE 4] -

[LOCALITE 5]

Ayant pour avocat

Me COHEN,

3, Allées Jules Guesdes -

31000 TOULOUSE

du chef de :

VIOL PAR UNE PERSONNE ABUSANT DE L'AUTORITE QUE LUI CONFERENT SES FONCTIONS - HARCELEMENT MORAL

Partie Civile :

[K J] épouse [O]

[LOCALITE 6] - [LOCALITE 7]

Ayant pour avocat Me MAUMONIT,

VU la saisine directe du magistrat instructeur aux fins d'annulation des actes el pièces susceptibles d'être entachées de nullité, en date du 27 mai 2014 {cabinet 2 - N° instruction : 2/13/2) ;

Conformément aux dispositions de l'article 194 et 197 du code de procédure pénale, Monsieur le Procureur Général a notifié le 17 juin 2070 aux parties et aux avocats la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience, a déposé le dossier au greffe de la chambre de l'instruction et y a joint ses réquisitions écrites le 6 Juin 2014 pour être tenues à la disposition des avocats ;

Vu je mémoire de Maître MAUMONT, conseil de la partie civile reçu par télécopie au greffe de la chambre de l'instruction le 17 septembre 2014 à 16 heures au soutien d'une question.prioritaire de constitutionnalité ;

Vu le mémoire de Maître COHEN, conseil du mis en examen déposé au greffe de la chambre de l'instruction le 18 septembre 2014 à 14 heures 48 ;

Vu l'avis du Procureur Général en date du 19 septembre 2014 sur une question prioritaire de constitutionnalité ;

Vu le mémoire de Maître MAUMONT, conseil de la partie civile envoyé en recommandé avec accusé de réception le 18 septembre 2014, visé au greffe de la chambre de l'instruction le 19 septembre 2014 à 16 heures 40 ;:

Vu le mémoire de Maître COHEN, conseil du mis en examen déposé au greffe de la chambre de l'instruction le 22 septembre 2014 à 08 heures 55 :

Vu le mémoire de Maître MAUMONT, conseil de la partie civile reçu par télécopie au greffe de la chambre de l'instruction le 22 septembre 2014 à 13 heures 21 et envoyé en recommandé avec accusé de réception le 22 Septembre 2014,

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l'audience en chambre du conseil le 25 septembre 2014

ont été entendus :

Monsieur REGALDO - SAINT BLANCARD, Président en son rapport,

Maître MAUMONT Elodie Avocat de [K J], partie civile, en sa plaidoirie;

Monsieur BABOULENNE, Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître RAYNAL, substituant Maître COHEN, Avocat de [F D-E], mis en examen, en sa plaidoirie et a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, l'affaire à été mise en délibéré ; Le Président à annoncé que l'arrêt serait rendu le 23 octobre 2014 ;

Et ce jour, vingt trois octobre deux mil quatorze La chambre de l'instruction a rendu en chambre du conseil. son arrêt comme suit :

Vu les articles 170, 171, 173, 174, 194, 197, 198, 199, 200, 216 et 217 du Code de Procédure Pénale,

En la forme

Considérant que la requête est régulière en la forme;

Sur la recevabilité des mémoires :

Attendu que les mémoires sont réguliers en la forme ;

*** *

Exposé des faits et de la procédure :

Le 7 février 2013 [J K], capitaine au sein de l'armée de Terre dans le régiment de soutien du combattant de [LOCALITE 8], déposait une plainte auprès du procureur de la République de Toulouse à l'encontre de son supérieur hiérarchique, [D-E F], colonel, pour des faits de harcèlement moral et d'outrage à subordonné commis entre le / novembre 2011 et le 21 mai 2012, date d'un arrêt maladie lié selon elle aux agissements subis.

À la suite de cette plainte, le procureur de la République de Toulouse confiait le 12 mars 2013 une enquête préliminaire à la brigade des recherches de la gendarmerie de [LOCALITE 9].

[J K] était entendue une première fois le 19 mars 2013 par les enquêteurs.

Elle confirmait sa plainte initiale, indiquant que le [G F] ne cessait de fa harceler dans le but d'obtenir ses faveurs sexuelles.

[J K] devait être entendue à sa demande une seconde fois le 25 juin 2013, et révélait lors de cette nouvelle audition qu'elle avait également été victime d'un viol commis le 14 février 2012 par son supérieur hiérarchique à l'occasion d'un déplacement professionnel à [LOCALITE 10] ([...]), de nuit, sur leur lieu d'hébergement à la base aérienne [...] de [LOCALITE 11].

Le 26 juin 2013, le colonel [D-E F], commandant du régiment de soutien du combattant de [LOCALITE 12], ' était placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête préliminaire. Il reconnaissait une relation sexuelle consentie dans les circonstances décrites par le capitaine [K], niant le viol comme le harcèlement moral. était soumis à une expertise psychiatrique qui ne révélait pas de trouble mental, ni d’attitude dominatrice ou manipulatrice telle que rapportée par la plaignante, mais une sexualité peu investie avec une problématique homosexuelle refoulée.

Une perquisition était réalisée le 27 juin 2013 de 10 h 50 à 13 h dans les locaux du régiment au [adresse 13], quartier [LOCALITE 14] à [LOCALITE 15], avec assentiment du lieutenant-colonel [L M], commandant en second du régiment,

qui n'amenait aucun élément utile à l'enquête.

‘était mis fin à la garde à vue de M. [F] le 27 juin 2013 à 16 heures et celui-ci était déféré devant le procureur de la République qui saisissait immédiatement te juge d'instruction d'un réquisitoire introductif visant nommément [D-E F], des chefs de viol commis à [LOCALITE 16] 14 février 2012 par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, et harcèlement moral commis à [LOCALITE 17] de novembre 2011 à mai 2072.

Ce magistrat sollicitait également la saisine du juge des libertés de la détention de [LOCALITE 18] aux fins de statuer sur le placement en détention de [D-E F], et prenait des réquisitions séparées à cette fin visant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 137-4 du code de procédure pénale.

Le magistrat instructeur procédait le 27 juin 2013 à 19 heures 55 à l'interrogatoire de première comparution de [D-E F], et à la mise en examen de celui-ci conformément à la prévention retenue par le parquet.

Par ordonnance du 27 juin 2018, le magistrat instructeur refusait de Saisir le juge des libertés et de la détention.

Le juge des libertés et de la détention de [LOCALITE 19], saisi directement par le procureur de la République, organisait le 27 juin 2013 un débat contradictoire pour statuer sur le placement en détention de [D-E F], à l'issue duquel il disait n'y avoir lieu à mise en détention de l'intéressé.

Par ordonnance du 28 juin 2013, le magistrat instructeur désignait [H I] pour procéder à l'enquête de personnalité du mis en examen. L'enquêteur de personnalité déposait son rapport le 16 septembre 2013.

[J K] s'étant régulièrement constituée partie civile, le juge d'instruction procédait, le 19 septembre 2013, à son interrogatoire en cette qualité.

Le 7 novembre 2018, le procureur de {a République de Toulouse établissait des réquisitions tendant à ce que soit constatée la nullité du réquisitoire introductif en date du 27 juin 2013 pour violation des dispositions de l'article 698-1 du code de procédure pénale, en ce que cet acte n'a pas été précédé d'une demande d'avis du Ministère de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

Cet article dispose en effet qu’en matière d'infraction militaire, l'action publique est mise en mouvement par le procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux faits portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

À défaut de cette dénonciation, et sauf en cas de crimes et délits flagrants, le procureur de [a République est tenu de demander préalablement à tout acte de poursuite, y compris en cas de réquisitoire contre une personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

Hormis le cas d'urgence, cet avis est donné dans le délai d'un mois.

La dénonciation où l'avis figurent au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans.le délai précité ou en cas d'urgence.

Le 25 novembre 2013 le magistrat instructeur saisissait la chambre d'instruction d'une demande aux fins d'annulation des actes et pièces susceptibles d'être entachées de nullité.

Dans un arrêt en date du 20 février 2014, notre chambre considérait :

- que l'article 697.1 du code de procédure pénale ayant trait à la compétence des juridictions militaires prévoit qu'elles connaissent des crimes et délits commis sur le territoire de la République par les militaires dans l'exercice du service ; que, dés lors, ce n'est pas tant la qualité de militaire attachée à l'auteur de l'infraction, que la notion de rattachement de l'acte incriminé à la matière militaire qui implique une spécificité de {a poursuite, au travers de la notion d'exercice du service. _: - que le crime de viol demeure un crime régi par le droit commun, quelles que soient les qualités ou fonctions professionnelles de son auteur et de sa victime, la circonstance aggravante d'autorité conférée par les fonctions; retenue en l'espèce, s'inscrivant dans tout cadre d'autorité, militaire mais aussi civile, administrative ou autre. À ce supposer commis, ce crime ne pouvait s'inscrire de quelque façon que ce soit dans les missions d'un militaire, de sorte que ces faits sont totalement détachables du service, L'instruction du crime dénoncé par [J] [K] relève donc d'une instruction de droit commun et de la procédure classique prévue par le code de procédure pénale. Notre chambre indiquait donc qu'il n'y avait pas lieu d'annuler les pièces relatives à l'information judiciaire de ce chef.

- qu'il en va différemment en ce qui concerne le délit de harcèlement, dont le cadre était en l'espèce nécessairement la relation de travail, les faits n'étant donc pas détachables du service. L'instruction relative au délit de harcèlement, en tant qu'infraction militaire, devait suivre les règles spécifiées à l'article 698-1 du code de procédure pénale. Elle nécessitait, au regard de l'engagement des poursuites, s'agissant d’un délit non flagrant, et ce à peine de nullité, un avis préalable de l'autorité militaire, qui en l'espèce fait défaut.

En conséquence, notre cour, dans l’arrêt précité procédait à l'annulation du réquisitoire introductif du procureur de la République de Toulouse du 27 juin 2013, en ce qu'if vise les faits de harcèlement moral commis. par [D-E F] de novembre 2011 à mai 2012 ainsi que de tous les actes d'instruction postérieurs dont le réquisitoire introductif, en ce qu'il est partiellement vicié, est le support nécessaire.

Ainsi, notre chambre a :

- constaté la nullité :

* à la cote D101(réquisitoire introductif}) du passage relatif au délit de harcèlement-moral commençant par “d'avoir à [LOCALITE 20] sur le territoire national, de novembre 2011 à mai 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par des agissements répétés (...) et se terminant cote D102 par “article L1155-2 du code du travail” à la cote D104 (procès-verbal d'interrogatoire de première comparution) du passage précité se terminant cote D105

* à la cote D108 (procès-verbal d'audition de partie civile) du passage commençant par “le juge : que s'est-il passé cette nuit-là 7” et se terminant cote D108 avant la question : “le juge : auriez-vous eu la possibilité de ne pas partir en déplacement en février 2012 ?'

* à la cote B2 de la mention relative à l'infraction de harcèlement moral, ainsi qu'aux textes qui prévoient et répriment cette infraction

_ * à la cote B10 (enquête de personnalité) de la mention relative à l'infraction de harcèlement moral

* dans les réquisitions aux fins de placement en détention provisoire de [D-E F] du 27 juin 2013, dans l'ordonnance de refus de saisine du juge des libertés et de la détention du magistrat instructeur, dans le procès- verbal de débat contradictoire et dans l'ordonnance de refus de placement en détention du juge libertés de la détention {in cotes détention) : des mentions relatives à l'infraction de harcèlement moral, ainsi qu'aux textes qui prévoient et répriment cette infraction

- dit que ces mentions annulées seront retirées du dossier d'information et classées au greffe de la Cour et qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats

- dit qu'il sera fait retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information.

Postérieurement à cet arrêt, une commission rogatoire délivrée avant la procédure de nullité était versée en procédure.

Le juge d'instruction, en conséquence, sur visa conforme du parquet, présentait, le 27 mai 2014, Une deuxième requête tendant à ce qu'il soit statue sur l'annulation des actes ou pièces de procédure qui pourraient être entaches de nullité.

Le président de la chambre de l'instruction saisissait la chambre de cette requête par ordonnance du 28 mai 2014.

L'affaire était fixée pour être plaidée devant notre chambre le 25 septembre 2014.

Les prétentions des parties :

Dans des réquisitions dépassées le 6 juin 2014, Monsieur l'avocat générai a requis qu’il soit procédé à l'annulation où à la cancellation de certaines pièces, listées précisément, qu'il estime avoir trait au harcèlement moral, non détachable du service.

***

Dans un mémoire régulièrement déposé le 18 septembre 2014, le conseil de [D-E F] 3 conclu à l'annulation ou à la cancellation des actes exécutés en violation de l'article 698-1 du code de procédure pénale.

***

Dans un mémoire, indiqué comme correspondant au mémoire distinct et motivé prévu à l'article R49-22 du code de procédure pénale, daté du 17 septembre, reçu par télécopie visée au greffe le même jour, et transmis par courrier recommandé avec accusé de réception reçu au greffe lé 18 septembre, te nouvel avocat désigné par [J K] a déposé une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans ce mémoire, Maître MAUMONT estime que les alinéas 1 et 2 de l'article 698-1 du code dé procédure pénale et l'article 698-2 du code de procédure pénale portent atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit et, précisément :

- aux principes d'égalité devant la loi et devant la Justice, de l'égalité des armes et au droit a un procès équitable issus des articles VI et XVI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789,

- au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article XVI de cette même Déclaration.

Ces dispositions légales s'avèrent donc inconstitutionnelles.

Les trois conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 se trouvant réunies, selon le conseil de [J K], il convient que la juridiction saisie transmette la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

***

Madame le procureur général, dans un avis déposé le 19 septembre 2014, a requis que soit constatée l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par [J K].

Le Ministère public fait en effet valoir :

- que l'article R49-21 du code de procédure pénale exige que toute demande tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité soit présentée à l'appui d’une demande déposée en application des règles du code de procédure pénale. En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité a été déposée à la suite de la saisie de la chambre de l'instruction aux fins de voir constater.la nullité de certaines pièces de procédure, émanant d'une saisine directe du juge d'instruction. [J K] et son conseil n'ont formalisé aucune requête en nullité au Soutien de laquelle pourrait venir la question prioritaire de constitutionnalité.

- accueillir la question prioritaire de constitutionnalité de [J K] reviendrait à l'exonérer des règles spécifiques de l'article R49-21 du code de procédure pénale, mais aussi à écarter l'application du dernier alinéa de l'article 173-1 du code de procédure pénale concernant le délai maximum dans lequel la partie civile peut présenter les moyens tirés de la nullité des actes accomplis.

Subsidiairement, le Ministère public fait observer :

- que la loi 2011-1862 du 13 décembre 2011, dont l'article 34 a modifié l'article 698-1 du code de procédure pénale, à été soumise à un contrôle “a priori” de constitutionnalité,

- que l'article 698-2 du code de procédure pénale, dont [J K] entend faire juger qu'il est inconstitutionnel, n'est pas applicable au litige dont s'agit,

- que cet article permet à la partie qui se prétend lésée et aurait personnellement souffert du dommage causé par une infraction mentionnée au premier alinéa de l'article 697-1 du code de procédure pénale dé mettre en mouvement l’action publique par une plainte avec constitution de partie civile, ce qui qui garantit Un accès au juge et un procès équitable,

- que l'article 698-1 du code de procédure pénale n’est pas opposable au magistrat instructeur habilité conformément à l'article 697 du code de procédure pénale, qui a le pouvoir de mettre en examen dans les conditions du droit commun un militaire ayant pris part aux faits dont il est saisi.

***

Dans un mémoire régulièrement déposé le 22 septembre 2014, le conseil de [D-E F] & demandé que la cour constate l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité.

***

Par télécopie reçue le 22 septembre 2014 et par LRAR de la même date, reçue au greffe-de {a cour d'appel le 23 septembre, arrivée tardivement au greffe de la chambre de l'instruction le 29 septembre, le conseil de [J K] & transmis des observations complémentaires au vu des réquisitions de Madame le procureur général ainsi qu’un mémoire au fond au soutien des intérêts de la partie civile.

Les observations complémentaires peuvent être synthétisées ainsi :

- Il résulte de l'analyse de l'article 61-1 alinéa 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 23-1 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 et de l'article R49-21 du code de procédure pénale que la seule condition de recevabilité d'une question prioritaire de constitutionnalité est celle d'un écrit distinct et motivé.

Le Ministère public ne saurait imposer une condition supplémentaire quant à l'existence d’une prétention principale au soutien de laquelle viendrait la question prioritaire de constitutionnalité. En effet, dans l'espèce dont s'agit, la question prioritaire de constitutionnalité ne vise pas à obtenir, via une inconstitutionnalité, l’annulation d'une procédure, mais au contraire de faire en sorte que cette procédure puisse prospérer. Dès lors on ne saurait reprocher à la partie civile de n’avoir pas régularisé de demande de nullité. Retenir le raisonnement du Ministère public reviendrait à priver la partie civile d'une voie de droit.

- en tout état de cause, la demande principale, ou prétention, de [J K] est et ne peut être que de statuer ce que de droit quant à la requête en nullité du juge d'instruction.

- la constitution de partie civile de [J K] constitue le socle de sa demande principale, déposée conformément aux règles du code de procédure pénale et c'est au soutien de celle-ci qu'est formulée la question prioritaire de constitutionnalité. -

- les articles 698-1, aliénas 1 et 2 et 698-2 du code de procédure pénale forment un tout indissociable et c'est l'ensemble de leurs dispositions qui est applicable à la procédure.

- les dispositions contestées n'ont pas été déclarées conformes à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

- le caractère sérieux de la question posée ressort clairement de l'analyse de la situation. [J K] fait notamment valoir que, si fa victime peut certes saisir le juge d'instruction d’une plainte avec constitution de partie civile, son action se trouve néanmoins contrecarrée par la nécessité, aux fins de déclenchement de l’action publique, d'une intervention du procureur de la : République en vue de la sollicitation de l'avis du ministre de la défense où de l'autorité habilitée par lui. Par ailleurs, les dispositions de l'article 698-1 du cade de procédure pénale sont applicables au magistrat instructeur dont l'action peut se trouver paralysée par l'inertie du procureur de la République.

En tant que de besoin, le dernier envoi du conseil de [J K] contient également un mémoire au soutien des intérêts de la partie civile, dans lequel elle indique que, si l'on retenait le raisonnement du Ministère public concernant le fait que la question prioritaire de constitutionnalité ne pourrait être déposée qu'au soutien d’une demande, elle entend demander qu'il soit statué ce que de droit sur la requête en nullité présentée par le juge d'instruction.

MOTIVATION DE LA COUR

SUR LE MOYEN TIRE DE L’'INCONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES AU LITIGE OÙ A LA PROCÉDURE :

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité :

Il convient, en préalable à la discussion sur la recevabilité, d'observer que ce sont les articles 23-1 à 23-12 constituant le chapitre f bis du titre il de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lequel chapitre a été créé par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 6f-1 dé la Constitution, cet article 61-1 ayant été lui-même créé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui définissent le dispositif de question prioritaire de constitutionnalité institué par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

L'article 23-1 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 pose pour unique condition de recevabilité, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, du moyen tiré de ce qu'une décision législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le fait que ce moyen soit présenté dans un écrit distinct et motivé.

Pour ce qui est de la matière pénale, l'article R49-21 du code de procédure pénale dispose que la partie qui soutient, à appui d'une demande déposée en application -des règles du code de procédure pénale devant une juridiction d'instruction, de jugement, d'application des peines ou de la rétention de sûreté, qu'une disposition législative -porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit, à peine d'irrecevabilité, présenter ce moyen dans un écrit distinct et motivé.

L'article R49-22 précise que lorsque ce moyen est présenté au cours de l'instruction pénale, l'écrit distinct et motivé est déposé au greffe de la chambre de l'instruction et visé par le greffier avec indication du jour du dépôt.

En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité a été formée par un mémoire déposé par le conseil de la partie civile, adressé par télécopie reçue et visée par le greffier de la chambre de l'instruction le 17 septembre 2014, et par lettre recommandée avec avis de réception arrivée le 18 septembre à la cour d'appel et le 19 septembre à la chambre de l'instruction.

Les conditions de forme de l'existence et du dépôt de l'écrit distinct et motivé Sont donc remplies.

Cependant, Madame le procureur général souligne que, pour être recevable la question prioritaire de constitutionnalité formée par l'écrit distinct et motivé doit être présentée à l’appui d'une demande déposée en application des règles du code de procédure pénale, cette dernière condition de recevabilité n'étant pas remplie en l'espèce.

Dans son analyse, le Ministère public donne au terme de “demande” employé par les articles R49-21 et R49-22 une acception étroite au point qu'il n'envisage une question prioritaire de constitutionnalité comme possible devant la chambre de l'instruction qu'au soutien d'une demande en nullité, il expose, dans ses réquisitions, s'appuyant sur un arrêt de la chambre criminelle en date du 6 décembre 2011, que "le caractère de subsidiarité de la question prioritaire de constitutionnalité (moyen venant au soutien d'une demande principale et non prétention autonome} implique que le régime juridique de cette question suive celui applicable à la prétention au soutien de laquelle elle vient”.

Cependant, l'analyse même qu'il fait de la jurisprudence invoquée montre bien que le terme de “demande” doit être compris comme au sens large de “prétention”.

C'est d'ailleurs l'analyse qu'en fait le service de documentation, du rapport et des études, bureau du droit constitutionnel, de {a Cour de cassation dans son étude de juin 2012, postérieure à l'arrêt invoqué par le Ministère public. Cette étude, en sa page 9, renvoyant à la circulaire CIV/04/10 d'application de la loi organique du 10 décembre 2009, indique que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas une prétention autonome mais un moyen, dont le régime suit celui applicable à la prétention au soutien de laquelle il vient.

Et lorsque, un peu plus bas, cette étude précise l'analyse de la Cour de cassation pour ce qui est des questions prioritaires de constitutionnalité devant la chambre de l'instruction, et donc reprend ie terme de “demande” qui figure aux articles R49-21 et R49-22 du code de procédure pénale, elle prend soin de parler des “questions prioritaires de constitutionnalité soulevées à l’occasion de demandes de mise en liberté ou de nullité”, ce qui montre bien qu'elle considère que le terme de “demande” doit être pris dans une acception large. La notion de question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'appui d'une demande déposée peut donc recouvrir une question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'appui d'une demandé tendant a voir rejeter une demande de nullité, ce qui équivaut, selon la terminologie employée par étude évoquée plus haut au “moyen présenté au soutien d'une prétention ou encore au “moyen soulevé à l’occasion de demandes...de nullité :

On doit également considérer qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être formulée au soutien d'une constitution de partie civile constitutive d'une demande principale.

La question prioritaire de constitutionnalité prévue par l'article 61-1 de la constitution, telle qu'analysée par le document mis en ligne par la Cour de cassation, service de documentation et d'études, bureau : du droit constitutionnel, sous le titre “présentation détaillée du dispositif de question prioritaire de constitutionnalité prévu par l'article 61-1 de la constitution”, est un dispositif qui “tend à permettre au justiciable de contester a constitutionnalité d'une disposition législative lors d'une instance en cours devant une juridiction lorsqu'il estime que ce texte peut lui être appliqué et porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit”.

ll est à noter que, pour ce qui est des dispositions spécifiques de la question prioritaire de constitutionnalité en matière civile, les articles 126-1 à 126-5 du code de procédure civile ne posent aucune autre condition de recevabilité que celle de l'écrit distinct et motivé posée par l'article 23-1 de l'ordonnance 58- 1067 du 7 novembre 1958.

Donner au terme “demande” figurant aux articles R49-21 et R49-22 une interprétation restrictive serait ajouter une condition de recevabilité supplémentaire, spécifique à la matière pénale, alors que la loi organique du 10 décembre 2009 n’a pas entendu faire de distinction, à ce niveau, entre les matières civile et pénale.

En outre, de fait, cela reviendrait à priver la partie civile dé la possibilité de soulever l'inconstitutionnalité de dispositions applicables au litige et invoquées comme fondement de nullité d'une poursuite, ce qui serait manifestement contraire à l'esprit de la loi organique du 10 décembre 20909 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution.

Dans notre espèce, le conseil de [J K] souhaite que soit posée la question prioritaire relative à l'inconstitutionnalité de dispositions de nature législative pour que puisse prospérer sa constitution de partie civile nonobstant lé moyen tiré de la nullité sur le fondement des dispositions contestées. Elle vient donc bien à l'appui d'une demande déposée en application des règles du code de procédure pénale, selon les termes des articles R49-21 et R49-22 de ce code.

Le Ministère public indique également qu'accueillir la question prioritaire de | constitutionnalité de madame [K] reviendrait à écarter l'application du | dernier alinéa de l'article 173-1 du code de procédure pénale qui prévoit pour | la partie civile un délai maximum de six mois à compter-de son audition pour présenter les moyens pris de la nullité des actes. accomplis. Cependant, le mémoire présentant la question prioritaire de constitutionnalité a été déposé le 18 septembre 2014, moins de six mois après que, sur requête du juge d'instruction en date du 27 mai 2014, le président de la chambre de l'instruction a effectivement saisi cette dernière, le 28 mai 2014, de l'examen de la possible nullité de pièces versées au dossier dans le cadre de la commission rogatoire qui venait de rentrer, de sorte que les dispositions de l'article.173-1 du code de procédure pénale ne sauraient être retenues pour écarter cette question prioritaire de constitutionnalité, De surcroît, le délai édicté par l’article 173-1 concerne la mise en oeuvre de moyens pris de la nullité d'actes de procédure alors qu'en l'espèce, Madame [K] se prévaut de ce que le moyen tiré de la nullité repose sur un fondement inconstitutionnel. Le délai de six mois ne peut | donc valablement lui être opposé en raison de la régie “quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum”.

[J K] s'est régulièrement constituée partie civile et a été entendue par le juge d'instruction en cette qualité le 19 septembre 2013. Le mémoire que son avocat a déposé au fond, en soutien des intérêts de la partie civile en suite de l'avis du Ministère public sur la question prioritaire de constitutionnalité, l'a été par télécopie doublée d'une LRAR, ce qui répond aux conditions de forme prévues par l'article 198 du code de procédure pénale, l'avocate de [J K] n'exerçant pas dans. la ville où siège notre chambre. Le mémoire distinct et motivé posant la question prioritaire de constitutionnalité, déposé par télécopie et LRAR, visé et daté par le greffier, a donc bien été déposé selon les formes que doit revêtir la demande au soutien de laquelle il vient, comme l'impose la Cour de cassation.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la. question prioritaire de constitutionnalité qu'entend voir poser [J K] est recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

Sur l'applicabilité au litige ou à la procédure des dispositions contestées :

Le Ministère public considère, dans le cadre de son argumentation subsidiaire, que, dans la mesure où les poursuites ont été engagées par te Ministère public, sur réquisitoire introductif la suite d'une plainte simple de la victime, c'est à dire dans le cadre que définit l'article 698-1, seul cet article pourrait faire l’objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cependant, il argumente également, dans le cadre de son analyse subsidiaire, sur le fait que la partie civile disposerait, de toutes façons, de la possibilité offerte par l'article 698-2 de mettre en mouvement l'action publique dans les conditions déterminées par les articles 85 et suivants, ce qui garantirait un accès au juge et la possibilité d'un procès équitable.

Le fait que le Ministère public propose une argumentation sur le sérieux de 1a question prioritaire de constitutionnalité en raisonnant sur la possibilité d'accès au juge offerte par l'article 698-2 montre. bien qu'il ne peut être répondu à ia question soulevée qu'en prenant en compte l'économie générale des conditions de misé en mouvement de l'action publique pour ce qui est des infractions relevant de {a compétence des juridictions mentionnées aux articles 697 et 697-4.

Au regard de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, les articles 698-1 et 698-2 sont indissociables et correspondent bien à la notion de disposition applicable au litige ou à la procédure selon les termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

Sur l'absence de déclaration préalable de conformité à la constitution :

La question que la partie civile souhaite voir poser au Conseil constitutionnel ne lui a pas été déjà soumise dans le cadre de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958.

***

Madame le procureur général invoque un contrôle “a priori" du Conseil constitutionnel, dans le cadre de l'article 61, 2ème alinéa, de la Constitution du 4 octobre 1958, faisant état d'une décision 2011-641 du 8 décembre 2011.

Cependant, ta décision du Conseil constitutionnel invoquée par Madame le procureur général, rendue dans le cadre d'un contrôle "a priori" de constitutionnalité, ne portait pas sur la loi de 1982 qui a introduit dans le code de procédure pénale les articles 698-1 et 698-2 du code de procédure pénale dont la constitutionnalité est contestée. Elle:a été rendue dans le cadre d’un contrôle “a priori” portant sur certains articles d'une loi du 13 décembre 2011 qui, au travers de son article 34, a ajouté une précision à l article 698-1 tel qu'il résultait du texte de 1982. Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a pu, à l'occasion de cette intervention, exercer un contrôle de constitutionnalité Sur l'économie générale de l'article 698-1 ni sur l'article 698-2.

Par ailleurs, seuls certains articles de cette loi de 2011 avaient été soumis au contrôle "a priori” et l'article 34 n'en faisait pas partie. Il convient de préciser “que le Conseil constitutionnel a validé les articles qui lui avaient été expressément soumis, seul un de ces articles ayant fait l'objet d'une réserve. C'est pour des raisons de forme que le conseil a déclaré non conformes certains autres articles, En effet, ces articles, qui ne présentaient pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial, ont été considérés comme ayant été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution. Cela ne signifie nullement que le Conseil constitutionnel a procédé à une analyse complète de la constitutionnalité du texte, sur le fond de: chaque article.

Le Contrôle “a priori” ainsi invoqué par le Ministère public ne saurait en conséquence être assimilé à la notion de déclaration de conformité à la Constitution résultant des motifs et du dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel qui, selon la Cour de cassation, pourrait seule faire obstacle à la transmission de {à question prioritaire de constitutionnalité.

Sur le sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité :

Le conseil de [J K] : soutient que les dispositions des alinéas 1 et 2 dé l'article 698-1 du code de procédure pénale et de l'article 698-2 du code de Procédure pénale portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, précisément :

- aux principes d'égalité devant la loi et devant là Justice, de l'égalité des armes et au droit à un procès équitable issus des articles VI et XVI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789,

- au droit à un recours juridictionnel effectif garant par l'article XVI de cette même Déclaration.

Ces dispositions légales s'avèrent donc, selon elle, inconstitutionnelles.

De fait, on peut observer qu'il résulte des textes critiqués que :

- la mise en mouvement de faction publique après plainte simple d'une personne se disant victime d'une infraction qu'aurait commise un militaire dans l'exercice de ses fonctions, suppose la sollicitation de l'avis du Ministère de la défense ou de l'autorité habilitée par lui.

- qu'en matière militaire, la voie de la citation directe est fermée à à la partie civile poursuivante.

Ainsi, dans le cadre spécifique de la‘ matière ; militaire”, [a partie civile se voit offrir des droits dérogeant au droit commun, en sa défaveur, alors pourtant que l'article préliminaire du code de procédure pénale énonce que la procédure ‘ pénale doit être équitable et préserver l'équilibre des droits des parties et que l'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes en cours de toute procédure pénale

L'article 698-1 du code de procédure pénale sanctionne de nullité l'absence de demande d'avis de l'autorité militaire, ce qui est susceptible de nuire aux intérêts de la partie civile en cas d'inertie du Ministère public.

La question de l'égalité devant {a loi et la Justice peut donc sérieusement être posée, de même que de l'égalité des armes et du droit au procès équitable.

Par ailleurs, la question des conséquences de l'inertie éventuelle du Ministère public quant au droit à un recours juridictionnel effectif pour la partie civile lorsque l'on se trouve dans le cadre de la “matière militaire” paraît Se poser de manière sérieuse.

Dans son argumentaire subsidiaire, te Ministère public analyse le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité qu'entend voir poser la partie civile et invoque, ainsi qu'i a été dit plus haut, le fait que la partie civile puisse utiliser les articles 85 et suivants pour mettre en mouvement faction publique.

Cependant, l'article 698-2 excluant la possibilité de citation directe par la partie civile, la question prioritaire de constitutionnalité posée, au regard des principes d'égalité devant la loi et devant la Justice, de l'égalité des armes et au droit à un procès équitable ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif, peut être considérée comme sérieuse.

Dans son analyse, le Ministère public tire enfin argument d'un arrêt de 1997 . duquel il résulterait qu'en tout état de cause, le magistrat instructeur habilité conformément à l'article 697 a le pouvoir de mettre en examen un militaire ayant pris part aux faits dont il est saisi même en l'absence de l'avis préalable de l'autorité miliaire.

Cependant, dans le cas qui a donné lieu à l'arrêt invoqué, la Cour de cassation avait validé l'arrêt de la chambre d'accusation en raison de ce que, lors de la mise en mouvement de faction publique, il n'existait aucun indice laissant présumer qu'un militaire avait participé aux faits déférés au juge d'instruction. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le réquisitoire introductif a été délivré contre personne dénommé, à savoir [D-E F], dont la qualité de militaire était parfaitement connue.

En outre, les épisodes procéduraux de notre dossier et leurs implications quant aux nullités encourues sont la démonstration des difficultés spécifiques auxquelles sont exposées les parties civiles en “matière militaire”.

De surcroit, il ne peut qu'être constaté que, même si l'on admettait qu'une mise en examen par le juge d'instruction habilité, saisi in rem, pour des infractions relevant de [a compétence des juridictions mentionnées aux articles 697 et 697 - 4, serait possible en l'absence de l'avis préalable de l'autorité militaire, il n'en demeurerait pas moins une inégalité dans des conditions de mise en oeuvre de l'action publique correspondant à une question que l'on peut considérer comme sérieuse au regard des principes constitutionnels sus énoncés.

Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité que la partie civile entend voir transmettre à la Cour de cassation n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En conséquence, de l’ensemble de ces éléments :

Il y a fieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante, dans les termes exacts du dispositif du mémoire distinct et motivé :

Les dispositions de l'article 698-1, alinéas 1 et 2, et de l'article 698-2 alinéa 1er

du code de procédure pénale relatives aux infractions militaires en temps de paix et portant sur la mise en mouvement de l'action publique portent-elles : atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ?

Plus précisément :

- Les dispositions de l'article 698-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale conditionnant, à défaut. de dénonciation, la mise en mouvement de l'action publique par le Ministère public à la demande d'avis du Ministre de la défense et, en cas d'inertie de ce dernier, emportant nullité de la procédure,

- et les dispositions de l'article 698-2 alinéa 1er, du code de procédure pénale interdisant à la partie plaignante poursuivante d'un délit dit “militaire” de mettre en oeuvre l'action publique par la voie d'une citation directe,

portent-elles atteinte au principe d'égalité devant la loi, à l'égalité des armes et au droit au procès équitable garantis par les articles VI et XVI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?

SUR LA REQUÊTE EN NULLITÉ :

En l'espèce, aucun élément ne rend nécessaire. que soit ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur la demande en nullité, l'examen de l'affaire étant renvoyé à l'audience du 05 février 2015.

Dans l'attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité, le dossier sera renvoyé au juge d'instruction qui, conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, pourra poursuivre son information par tous actes nécessaires à l'enquête sans pouvoir accomplir des actes à caractère juridictionnel.

PAR CES MOTIFS

La chambre de l'instruction statuant en chambre du conseil,

Sursoit à statuer sur la requête en nullité,

Avant dire droit :

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

Les dispositions de l'article 698-1, alinéas 1 et 2, et de l'article 698-2 alinéa 1er du code de procédure pénale relatives aux infractions militaires en temps de paix et portant sur la mise en mouvement de l'action publique portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ?

Plus précisément :

- les dispositions de l'article 698-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale conditionnant, à défaut de dénonciation, la mise en mouvement de l'action publique par le Ministère public à la demande d'avis du Ministre de la défense et, en cas d'inertie de ce dernier, emportant nullité de la procédure,

-et les dispositions de l'article 698-2 alinéa 1er, du code de procédure pénale interdisant à la partie plaignante poursuivante d'un délit dit “militaire” de mettre en oeuvre l'action publique-par la voie d'une citation directe, portent-elles atteinte au principe d'égalité devant la loi, à l'égalité des armes et au droit au procès équitable garantis par les articles VI et XVI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?

Dit que la présente décision sera adressée par notre greffe à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires, avis où conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Renvoie l'examen de la présente affaire à l’audience du 05 février 2015.

Dans l'attente de la décision sur 1a question prioritaire de constitutionnalité, renvoie le dossier au juge d'instruction qui, conformément à l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, pourra poursuivre son information par tous actes nécessaires à l'enquête sans pouvoir accomplir des actes à caractère juridictionnel.

Laisse à la diligence du Procureur Général l'exécution du présent arrêt ;

Monsieur REGALDO - SAINT BLANCARD, Président de la chambre de l'instruction et Madame BACOU, Greffier, ont signé la minute du présent arrêt.

LE GREFFIER

Madame BACOU

Monsieur REGALDO-SAINT BLANCARD

Le greffier certifie que le présent arrêt a été porté à connaissance des parties et de leurs avocats conformément aux dispositions de l'article 217 du code de procédure pénale.

LE GREFFIER,