Cour d'Appel de Douai

Ordonnance du 17 juillet 2014 , N° RG : 14/01469

17/07/2014

Renvoi

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ORDONNANCE DU 17/07/2014

***

N° de MINUTE : 14/297

N° RG : 14/01469

Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE

du 31 Juiliet 2013

REF : PB/KH

DEMANDERESSE A L' INCIDENT

APPELANTE

SELARL GPF CLAEYS

12 Rue Faidherbe

59800 LILLE

Représentée par Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Etienne CHARBONNEL

DÉFENDERESSES A L’INCIDENT

INTIMÉES

SELARL [V-D] représentée par celui de ses gérants en charge de la procédure collective

ayant son siège social [adresse 1]

[LOCALITE 2]

Représentée par Me François DELEFORGE. avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-François CORMONT, avocat au barreau de LILLE

SELARL AJJIS prise en la personne de Maître Vincent LABIS

ayant son siège social 316 avenue de Dunkerque

59130 LAMBERSART

Représentée par Me François DÉLEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Nous, Patrick BIROLLEAU, magistrat de la mise en état, assisté de Marguerite-Marie HAINAUT, greffier,

Vu les observations du Ministère Public en date du 13 mars 2014,

Après avoir-entendu ICS conseils des parties en leurs explications, à l'audience du 17 Juin 2014

avons rendu le 17 Juillet 2014 par mise à disposition au greffe l'ordonnance dont la teneur suit :

Par jugement rendu le 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a converti en redressement judiciaire la procédure de sauvegarde ouverte le 8 juillet 2013 à l’endroit de la société GPF CLAEYS.

La SELARL GPF CLEËYS a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d’incident remises au greffe de la cour le 19 mai 2014, elle sollicite la transmission à la Cour de Cassation d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité ainsi rédigée : “La saisine d’office du tribunal de commerce prévue au second alinéa de l’article L621-12 ducode de commerce porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et tout particulièrement le droit pour toute partie de bénéficier d’un procès juste et équitable, garantissant l’équilibre des droits des parties, l’impartialité de la juridiction saisie, et le respect des droits de la défense, protégés notamment par l’article 16 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ?”,

Elle fait valoir que les conditions : requises pour la transmission de la question sont réunies en ce que :

- l’article L 621-12 alinéa 2 du code de commerce constitue le fondement du jugement dont appel ;

- la disposition contestée n’a jamais fait l’objet d’une décision de conformité à la Constitution ;

- la question présente un caractère sérieux tenant à là question des garanties propres à assurer le respect du principe d’impartialité de la juridiction qui s’autosaisit.

La SELARL [V - D] à ès qualités et la SELAR AJJIS ès qualités, par conclusions remises au greffe de la cour le 16 juin 2014, concluent à ce que la demande de la SELARL GPF CI AEYS soit déclarée irrecevable, et en tout cas non fondée.

Elle expose :

- qu’il n’est pas établi que le tribunal ait statué sur le fondement de l’article L 621-12 alinéa 2 du code de commerce, ce point ne ressortant pas d du jugement et des pièces versées aux débats ;

- qu’en admettant que le tribunal ait statué par voie de saisine d'office, cette question ne parait pas avoir vocation à Être soumises à la Cour de Cassation, dans la mesure où:

- ce qu’a censuré le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2012-286 est la: faculté d’une juridiction de disposer de la faculté d’introduire d’office une instance ;

- tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que, si les dispositions de l'article L 621-12 alinéa 2 contestées par l'appelante permettent aux parties, ainsi qu’à la juridiction saisie d’office, de convertir une procédure de sauvegarde en procédure de redressement Judiciaire, elle n’ouvrent en rien une procédure nouvelle, la décision de conversion n'étant que la continuité d’une procédure et d’une instance déjà en cours.

Monsieur le Procureur général près a cour d’appel de Douai, par conclusions en date du 13 mars 2014, émet un avis favorable à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

DISCUSSION

Attendu que, par jugement du 8 juillet 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert au bénéfice de la société GPF CLAEYS, exerçant l’activité d’officine de pharmacie, une procédure de sauvegarde et désigné l’ EURL AJJIS, prise en la personne de Maître [S T], en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [V D], prise en la personne de Maître [B-C D], en granite de mandataire Judiciaire ; que

Sur la recevabilité du moyen tiré de de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

Attendu que le moyen a été présenté le 25 février 2014 dans un écrit distinct des conclusions au fond de la société GPF CLAEYS et motivé ; qu’il est donc recevable ;

Sur la transmission à de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation

Attendu qu’en application de l’article 61-I de la Constitution, lorsque, à l'occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ;

Attendu que la question intéresse une disposition législative votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République, en espèce l'article L 621-12 du code de commerce qui dispose que :

“S'il apparaît, après l'ouverture de la procédure, que le débiteur était déjà en cessation des paiements au moment du prononcé du jugement, le tribunal le constate et fixe la date de la cessation des paiements dans les conditions prévues à l'article L 631-8. Il convertit la procédure de sauvegarde en une procédure de redressement judiciaire. Si nécessaire, il peut modifier la durée de la période d'observation restant à courir. Aux fins de réaliser la prisée des actifs du débiteur au vu de l'inventaire établi pendant la procédure de sauvegarde, il désigne, en considération de leurs attributions respectives telles qu'elles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté.

Le tribunal est saisi par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il peut également se saisir d'office. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.” ;

Attendu que la question se fonde sur une atteinte à des droits fondamentaux et des garanties essentielles, soit le droit à un recours effectif au juge et les droits de La défense, principes dégagés par le Conseil constitutionnel et tirés de l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et de l'article 1% du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :

Que la disposition contestée est applicable au litige puisque, faisant application de l’article I. 621-12, alinéa 2, du code de commerce, seul fondement possible de la décision déférée à la cour, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert, sur saisine d'office, le redressement judiciaire de la société GPF CLAEYS ;

Attendu que la question posée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; qu’il n’a pas précédemment été soumise à la Cour de cassation et ne fait pas partie de celles actuellement soumises à cette Cour ; qu’elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’il convient d’ordonner la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée ;

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel,

Vu les articles 126-Ï et suivants du code de procédure civile,

Ordonnons la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée pat la société GPF CLAEYS dans les termes suivants :

“La saisine d’office du tribunal de commerce prévue au second alinéa de l’article L 621-12 du code de commerce porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis pat la Constitution, et tout particulièrement le droit pour toute partie de bénéficier d’un procès juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties, l’impartialité de la juridiction saisie, et le respect des droits de la défense, protégés notamment par l’article 16 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ?”,

Disons que la présente décision sera transmise à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires et conclusions des parties présentées, par un écrit distinct et motivé, relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Disons que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Disons que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 17 décembre 2014 à 14 heures,

Réservons les dépens et frais irrépétibles de l’incident.

LE GREFFIER

M.M. HAINAUT

LE MAGISTRAT CHARGE DE LA MISE EN ETAT

P. BIROLLEAU