Conseil d'Etat

Décision du 16 juillet 2014 n° 380406

16/07/2014

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

DP

N° 380406

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SOCIETE SGI

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M. Jean-Marie Deligne

Rapporteur

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M. Frédéric Aladjidi

Rapporteur public

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Séance du 30 juin 2014

Lecture du 16 juillet 2014

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section

de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance n° 13BX01202 du 6 mai 2014, enregistrée le 19 mai 2014 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d’appel de Bordeaux, avant de statuer sur la demande de la société SGI tendant à la décharge de l’amende qui lui a été infligée au titre de l’année 2004, pour un montant de 6 123 639 euros, sur le fondement de l’article 1740 du code général des impôts, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 1740 du code général des impôts ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société SGI ;

1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige, l’article 1756 quater du code général des impôts, aujourd'hui codifié à l’article 1740 du même code, prévoit que : « Lorsqu’il est établi qu’une personne a fourni volontairement de fausses informations ou n’a pas respecté les engagements qu’elle avait pris envers l’administration permettant d’obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus par les articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies, elle est redevable d’une amende égale au montant de l’avantage fiscal indûment obtenu, sans préjudice des sanctions de droit commun (...) » ;

3. Considérant que la société SGI soutient que ces dispositions méconnaissent le droit de propriété et le principe de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, respectivement garantis par les articles 2 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, en tant que la pénalité infligée, égale au montant de l’avantage fiscal obtenu par autrui, peut atteindre des montants très élevés, sans rapport nécessaire avec l’avantage escompté par la personne sanctionnée, ou la gravité du comportement réprimé ;

4. Considérant que les dispositions contestées sont applicables au litige dont est saisie la cour administrative d’appel de Bordeaux ; qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que leur application porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 1756 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SGI et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

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