Cour administrative d'appel de Paris

Arrêt du 10 juillet 2014 N° 13PA01403, 13PA01404, 13PA01955

10/07/2014

Renvoi

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

 

N° 13PA01403, 13PA01404, 13PA01955

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ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE SUR LE DIABETE

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Mme Vettraino

Président

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Mme Terrasse

Rapporteur

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Mme Bonneau-Mathelot

Rapporteur public

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Audience du 12 juin 2014

Lecture du 10 juillet 2014

__________

dr

 

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

La Cour administrative d’appel de Paris

 

 

(1ère Chambre)

C

 

 

Vu les mémoires, enregistrés le 27 janvier 2014, présentés pour l’Association pour la recherche sur le diabète (ARD), dont le siège est 19 boulevard Malesherbes à Paris (75008), représentée par son président, par la SCP Potier de La Varde-Buk-Lament, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l’appui de ses requêtes n° 13PA01403, 13PA01404, 13PA01955 tendant à l’annulation de trois décisions par lesquelles le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, s’est opposé à ce qu’elle accepte trois legs ; l'Association pour la recherche sur le diabète demande à la Cour de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ;

 

……………………………………………………………………………………………………...

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

 

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, notamment ses articles 2, 3, 4 et 5 ;

 

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;

 

Vu la loi du 14 janvier 1933 relative à la surveillance des établissements de bienfaisance privés ;

 

Vu la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ;

 

Vu l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 portant simplification du régime des libéralités consenties aux associations, fondations et congrégations, de certaines déclarations administratives incombant aux associations, et modification des obligations des associations et fondations relatives à leurs comptes annuels ;

 

Vu le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil ;

 

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

 

Vu le code civil et notamment son article 910 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

 

- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,

 

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

 

- et les observations de Me Bouretz, pour l’Association pour la recherche sur le diabète ;

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article » ; qu’aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : « Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat … le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office… » ; qu’aux termes de son article 23-2 : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat… » ;

 

2. Considérant qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 modifiée : « Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ;

 

3. Considérant que les dispositions précitées du cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 sont applicables au présent litige et n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que, par un mémoire distinct présenté en cours d’instance, l’Association pour la recherche sur le diabète a invoqué les moyens tirés de ce que ces dispositions seraient contraires, d’une part, au principe d’égalité et, d’autre part, au principe de la liberté contractuelle garantis par la Constitution ;

 

S’agissant de la violation du principe d’égalité :

 

4. Considérant que l’association requérante soutient que les dispositions précitées du cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ne respectent pas, entre associations, le principe d’égalité garanti par la Constitution, en ce qu’elles interdisent aux associations déclarées dont le but n’est pas exclusivement l’assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale d’accepter des legs ; qu’elle soutient qu’une association ayant de tels buts à titre non exclusif ne se trouve pas, au regard de l’intérêt général de son activité, dans une situation suffisamment différente de celle d’une association ayant ces buts à titre exclusif pour justifier un traitement différent au regard de la capacité à accepter des libéralités ;

 

S’agissant de la violation du principe de la liberté contractuelle :

 

5. Considérant que l’association requérante soutient que ces mêmes dispositions sont contraires au principe de la liberté contractuelle découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles privent le légataire, d’une part, de la liberté de disposer à son gré de la quotité disponible de ses biens, et l’association, d’autre part, de celle d’accepter ce legs ;

 

6. Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de la loi du 1er juillet 1901 sont contraires au principe d’égalité et au principe de la liberté contractuelle, garantis, l’un et l’autre, par la Constitution, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’il y a lieu, par suite, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’Association pour la recherche sur le diabète ;

 

D E C I D E :

 

Article 1er : La question portant sur la conformité à la Constitution des dispositions du cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de l’Association pour la recherche sur le diabète jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat, ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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