Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Jugement du 4 juillet 2014 N° 1401466

04/07/2014

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

 

 

N° 1401466

___________

 

M. B... A...

___________

 

M. Kiecken

Rapporteur

___________

 

M. Legeai

Rapporteur public

___________

 

Audience du 2 juillet 2014

Lecture du 4 juillet 2014

___________

 

Code PCJA : 54-10-05-03-01

Code publication : C

 

 

cl

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

 

(5ème chambre)

 

 

 

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2014, présenté par M. A..., demeurant 2, rue des Villarmains à Saint-Cloud (92210), en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A... demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, enregistrée le même jour, tendant à la réduction de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2011, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 223 sexies du code général des impôts ;

 

M. A... soutient que les dispositions de l’article 223 sexies du code général des impôts, qui instituent une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, applicables au litige, portent atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors qu’elles ont, notamment, pour effet de mettre en cause de manière rétroactive le caractère libératoire des prélèvements forfaitaires acquittés antérieurement à leur entrée en vigueur ; que ces dispositions portent également atteinte au principe de confiance légitime, au principe d’égalité des contribuables devant les charges publiques et que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus revêt un caractère confiscatoire ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2014, présenté le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine ; le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine conclut qu’il n’y pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. A... ;

 

Le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine fait valoir que :

 

- les deux premières conditions posées par le premier alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies ; qu’en revanche, la troisième et dernière condition, tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux, n’est pas remplie ;

- le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qu’en matière répressive ;

- les dispositions législatives en cause ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises ; que ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de soumettre les dividendes au barème progressif de l’impôt sur le revenu au lieu et place du prélèvement libératoire ; qu’elles n’ont pas davantage pour objet ou pour effet de majorer le taux du prélèvement forfaitaire appliqué sur les revenus en cause ;

- la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, mise en place dans un contexte de réduction des déficits publics et de redressement des finances publiques, a une base d’imposition distincte de celle de l’impôt sur le revenu ; que cette base d’imposition est constituée par un « revenu fiscal de référence du foyer fiscal » qui inclut les capacités contributives réelles des contribuables en prenant en compte certains revenus exonérés d’impôt sur le revenu, dont les revenus soumis aux prélèvements libératoires prévus aux articles 117 quater et 125 A du code général des impôts ;

- le législateur n’a pas porté atteinte au principe de sécurité juridique, tel qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors qu’il s’est borné à déterminer les modalités d’application de la loi dans le temps, en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi ;

 

Vu l’ordonnance en date du 23 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 20 mai 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014, présenté par M. A... ; M. A... conclut aux mêmes fins que précédemment ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2014 :

 

- le rapport de M. Kiecken, conseiller ;

- les conclusions de M. Legeai, rapporteur public ;

- et les observations de M. A... ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. » ; qu’en vertu des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, susvisée, le Tribunal administratif, saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

2. Considérant que l’article 223 sexies du code général des impôts est applicable au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, susvisé ; que les dispositions de cet article n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et, notamment, aux exigences de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, soulève une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

 

D E C I D E :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article 223 sexies du code général des impôts est transmise au Conseil d'Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A..., jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine.

 

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2014, à laquelle siégeaient :

 

M. Kelfani, président, Mme Coblence, premier conseiller et M. Kiecken, conseiller.

 

Lu en audience publique le 4 juillet 2014.

 

 

 

Le rapporteur,

 

 

signé

 

 

A. KIECKEN

Le président,

 

 

signé

 

 

K. KELFANI

Le greffier,

 

 

signé

 

 

C. LUREAU

 

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

N° 1401466