Cour administrative d'appel de Paris

Ordonnance du 22 avril 2014 N° 14PA00338

22/04/2014

Non renvoi

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL

DE PARIS

 

 

N° 14PA00338

__________

 

M. et Mme A...

__________

 

Ordonnance du 22 avril 2014

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La Cour administrative d'appel de Paris

 

Le président de la 9ème chambre

 

 

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2014, présenté pour M. et Mme B... A..., demeurant 17 avenue du Président Wilson à Paris (75016), par Me Rochmann, avocat, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. et Mme A... demandent à la Cour, à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 7 novembre 2013 rejetant leur demande tendant à la décharge de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2011, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 ;

 

M. et Mme A... soutiennent que :

 

- la disposition contestée est applicable au litige ;

 

- elle n’a pas été déclarée conforme à la Constitution ;

 

- la question revêt un caractère sérieux dès lors que :

 

- le législateur a mis en place une restriction qui rompt l’égalité devant l’impôt dont le principe est garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,

 

- l’article en cause ne justifie pas des raisons d’intérêt général justifiant la dérogation qu’il introduit et l’interdiction de cumul revêt un caractère confiscatoire,

 

- par le biais de la disposition contestée, il met en place une véritable sanction à l’encontre du contribuable au mépris des principes garantis par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,

 

- il méconnait l’article 34 de la Constitution dès lors qu’il contrevient aux principes de clarté, de sincérité de la loi ainsi que d’accessibilité et d’intelligibilité ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2014, présenté par le ministre de l’économie et des finances ;

 

Le ministre soutient que la question posée étant dénuée de caractère sérieux n’a pas lieu d’être transmise au Conseil d’Etat, étant observé que les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’article 34 de la Constitution sont irrecevables dès lors qu’ils sont identiques à ceux qui ont été présentés au soutien d’une précédente question prioritaire de constitutionnalité présentée devant le Tribunal administratif à l’occasion de la première instance ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2014, présenté pour M. et Mme A..., tendant aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

 

Vu le code général des impôts ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement (…) des cours (…) peuvent, par ordonnance statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité » ; que l’article R. 771-11 du même code dispose que : « La question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour la première fois devant les cours administratives d’appel est soumise aux mêmes règles qu’en première instance » ;

 

2. Considérant qu’à l’appui de leur requête tendant à l’annulation du jugement du 7 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2011, M. et Mme A... demandent à la Cour de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 ; qu’ils soutiennent que ces dispositions, d’une part, sont contraires aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors qu’elles poursuivent un objectif illusoire et aboutissent à un montant d’impôt confiscatoire, d’autre part, qu’elles instituent une peine ou une punition, contraire au principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines, garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, enfin qu’elles sont équivoques et complexes et, par suite, contraires au principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;

 

 

 

3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. (…) » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 23-2 de la même ordonnance : « (…) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 771-12 du code de justice administrative : « Lorsque, en application du dernier alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l’une des parties entend contester, à l’appui d’un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d’irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l’expiration du délai d’appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d’une copie de la décision de refus de transmission » ;

 

4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l’auteur de cette question de contester ce refus, à l’occasion de l’appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l’ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement ; que les dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 n’ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en dernier ressort de s’affranchir des conditions, définies par les dispositions citées plus haut de la loi organique et du code de justice administrative, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ;

 

5. Considérant qu’aux termes de leur mémoire distinct intitulé « mémoire en appel à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité », enregistré le 17 janvier 2014 au greffe de la cour, en même temps que leur requête dirigée contre le jugement du 7 novembre 2013, M. et Mme A... se bornent, sans d’ailleurs formuler de critique contre la décision de refus de transmission qui leur a été opposée par le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris dans son ordonnance du 15 février 2013, à réitérer dans les mêmes termes et mot pour mot, les moyens tirés de ce que les dispositions de l’article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 méconnaissent l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 34 de la Constitution ; qu’il ne peut pas être fait droit à leur demande au titre des dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée porte sur la même question que celle qui a été soumise, par les même moyens, au Tribunal administratif de Paris ;

 

6. Considérant, toutefois, que M. et Mme A... soutiennent également que les dispositions de l’article 158-3 3° f du code général des impôts mettent en place une restriction qui rompt l’égalité devant l’impôt dont le principe est garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sans qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie cette dérogation et que l’interdiction de cumul revêt un caractère confiscatoire ;

 

 

7. Considérant que les dispositions du f du 3° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, issues de l’article 10 de la loi 2007-1822 du 24 décembre 2007, constituent le fondement de l’imposition contestée par M. et Mme A... ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ;

 

8. Considérant qu'aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : « I. 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement au taux de 19 %, qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu. / Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut. (...) / II. (...) L'option pour le prélèvement est exercée par le contribuable au plus tard lors de l'encaissement des revenus ; elle est irrévocable pour cet encaissement. (...) » ; que, selon les dispositions de l'article 158 du même code : « 1. Les revenus nets des diverses catégories entrant dans la composition du revenu net global sont évalués d'après les règles fixées aux articles 12 et 13 et dans les conditions prévues aux 2 à 6 ci-après, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que ces revenus ont leur source en France ou hors de France. (...) / 3. 1° Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l'exception des revenus expressément affranchis de l'impôt en vertu de l'article 157 et des revenus ayant supporté les prélèvements visés aux articles 117 quater et 125 A. (...) / 2° Les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu. (...) / 3° Les dispositions du 2° ne s'appliquent pas : (...) / f. lorsque, au cours de la même année, le contribuable a perçu des revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater. (...) » ;

 

9. Considérant que si les dispositions du f du 3° du 3 de l’article 158 du code général des impôts peuvent conduire les contribuables ayant exercé une option seulement partielle, sur une partie seulement des revenus distribués perçus par eux, pour le prélèvement forfaitaire libératoire prévu à l’article 117 quater du même code, à supporter une imposition plus élevée que ceux ayant exercé une option totale pour ce prélèvement, ou n’ayant pas exercé d’option et dont les revenus distribués sont par suite imposés selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu, la différence de traitement qui en découle résulte uniquement du choix opéré par les contribuables eux-mêmes entre les modalités d’imposition qui s’offrent à eux ; que ces dispositions n’impliquent pas que des contribuables se trouvant dans la même situation, ayant exercé la même option partielle pour le prélèvement forfaitaire libératoire, soient imposés différemment ; que si M. et Mme A... soutiennent que ces dispositions poursuivent un objectif illusoire et ont pour conséquence de soumettre les revenus distribués perçus par les contribuables ayant partiellement opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire à un montant d’impôt confiscatoire, ces circonstances n’impliquent pas, par elles-mêmes, que les dispositions litigieuses portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de ces articles ne présente pas un caractère sérieux ;

 

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a pas lieu, par suite, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A... ;

ORDONNE :

 

 

Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A....

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au vice-président du Conseil d’Etat, à M. et Mme B... A... et au ministre des finances et des comptes publics.

 

 

 

 

Fait à Paris, le 22 avril 2014.

 

 

 

 

 

Le président de la 9ème chambre,

 

 

 

 

 

Sabine MONCHAMBERT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 14PA00338