Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 19 février 2014, RG n° 10/17617

19/02/2014

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4- Chambre 2

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014

(n° 781, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/17232

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 201 3 -Tribunal de Grande Instance de PARIS: RG n° 10/17617

DEMANDEURS A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

1. Monsieur [PP MMM]

[LOCALITE 1]

2. Madame [TTT NNNN] épouse [MMM]

[LOCALITE 2]

[LOCALITE 3]

3. Monsieur [QQQQ AAAA]

[LOCALITE 4]

4. Monsieur [W-DDD EEE]

[LOCALITE 5]

[LOCALITE 6]

5. Madame [TTT MMM] épouse [ZZZZ]

[LOCALITE 7]

6. Madame [A B C D B E B F]

[LOCALITE 8]

[LOCALITE 9]

7. Monsieur [ZZ AAA]

[LOCALITE 10]

8. Madame [C VV] épouse [AAA]

[LOCALITE 11]

[LOCALITE 12]

9. Madame [RR-SS TT]

[LOCALITE 13]

10. Madame [TTT UUU]

[adresse 14]

[LOCALITE 15]

11. Monsieur [C R]

[LOCALITE 16]

12. Madame [EE O] épouse [R]

[LOCALITE 17]

[LOCALITE 18]

13. Monsieur [Y GGGG]

[LOCALITE 19]

14, Madame [AAAA P XX]

[adresse 20] [LOCALITE 21]

[LOCALITE 22]

15. Monsieur [XXXX YYYY]

[LOCALITE 23]

16. Monsieur [G H]

[adresse 24] [LOCALITE 25]

[LOCALITE 26]

17. Madame [J K]

[LOCALITE 27]

18. Monsieur [PPP AAAA]

[adresse 28] [LOCALITE 29]

[LOCALITE 30]

19. Madame [C Y]

[LOCALITE 31]

20. Madame [DD P GG HH]

[adresse 32] [LOCALITE 33]

[LOCALITE 34]

21. Monsieur [HHHH TTT]

[LOCALITE 35]

22. Madame [JJJ KKK]

[adresse 36] [LOCALITE 37]

[LOCALITE 38]

23. Monsieur [C UUUU], ayant droit de Madame [GGG HHH] veuve [UUUU], décédée

[adresse 39]

[LOCALITE 40]

24. Madame [VVV Y]

[adresse 41] [LOCALITE 42]

[LOCALITE 43]

25. Madame [JJJJ KKKK]

[adresse 44]

[LOCALITE 45]

26. Monsieur [DDDD EEEE]

[adresse 46]

[LOCALITE 47]

27. Madame [BBBB CCCC]

[adresse 48]

[LOCALITE 49]

28. Monsieur [FFF CCC]

[adresse 50]

[LOCALITE 51]

29. Madame [RR-SS YY]

[LOCALITE 52]

30. Monsieur [PP E C]

[adresse 53]

[LOCALITE 54].

31. Madame [LLLL MMMM]

[adresse 55]

[LOCALITE 56]

32. Monsieur [V W X Y]

[adresse 57]

[LOCALITE 58]

33. Monsieur [RRR SSS]

[LOCALITE 59]

34. Madame [Y PPPP] épouse [SSS]

[LOCALITE 60]

[LOCALITE 61]

35. Monsieur [RRRR SSSS]

[LOCALITE 62]

36. Madame [VVVV WWWW] épouse [SSSS]

[LOCALITE 63]

[LOCALITE 64]

37. Monsieur [XXX U]

[LOCALITE 65]

38. Madame [Z T épouse U]

[LOCALITE 66]

[LOCALITE 67]

39. Madame [C MM NN OO]

[LOCALITE 68]

40. Madame [II JJ KK]

[adresse 69]

[LOCALITE 70]

41. Madame [Z AA Veuve CC]

[LOCALITE 71]

42. Madame [C J M]

[LOCALITE 72]

[LOCALITE 73]

43. Madame [XXX AAAA]

[LOCALITE 74]

44. Monsieur [TTTT UUUU], ayant droit de Madame [GGG HHH] veuve [UUUU], décédée

élisant domicile au-cabinet de Me François MOREL, [adresse 75], [LOCALITE 76]

45. Madame [BBB CCC]

[adresse 77]

[LOCALITE 78]

représentés par Me François MOREL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105

DÉFENDEUR À LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [adresse 79], [adresse 80], [adresse 81] et [adresse 82] représenté par son syndic, PARIS-HABITAT OPH, ayant son siège social

[adresse 83]

[LOCALITE 84]

représenté et assisté par la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAÏIRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : PO154

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats :

Madame Emilie POMPON

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 10 octobre 2013.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l” article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

Vu l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu l'appel interjeté le 28 mars 2013 par le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [adresse 85], [adresse 86], [adresse 87]. [adresse 88] À [LOCALITE 89] à l'encontre d'un jugement rendu le 8 février 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris, (procédure enregistrée sous le numéro RG 13/06243)

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par un écrit distinct et motivé le 26 août 2013, par :

Monsieur [RRR SSS]

Monsieur [RRRR SSSS] et Madame [VVVV WWWW] épouse [SSSS]

Monsieur [XXX U] et Madame [Z T épouse U]

Madame [C MM NN OO]

Madame [XXX AAAA] et Monsieur [QQQQ AAAA]

Madame [C J M]

Monsieur [PP MMM] et madame [TTT NNNN] épouse [MMM]

Monsieur [W-DDD EEE]

Madame [C MMM] épouse [ZZZZ]

Madame [A B C D B E B F]

Monsieur [ZZ AAA] et Madame [C VV] épouse [AAA]

Madame [RR-SS TT]

Madame [Z AA Veuve CC]

Monsieur [C R] et Madame [EE O P épouse R]

Monsieur [Y GGGG]

Madame [AAAA P XX]

Monsieur [XXXX YYYY] et madame [TTT UUU]

Monsieur [G H]

Madame-[J K]

Monsieur [PPP AAAA]

Madame [C Y]

Madame [DD EE P GG HH]

Monsieur [HHHH TTT] et Madame [JJJ KKK]

Monsieur [C UUUU] et Monsieur [TTTT UUUU]

Madame [VVV Y]

Madame [JJJJ KKKK]

Monsieur [DDDD EEEE]

Madame [BBBB CCCC]

Monsieur [FFF CCC] et Madame [BBB CCC]

Madame [RR-SS YY]

Monsieur [PP E C]

Madame [LLLL MMMM]

Monsieur [V W X Y] et madame [II KK],

ci-après dénommés « les demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité », (procédure enregistrée sous le numéro RG 13/17232)

Vu les mémoires en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité signifiés les 9 octobre, 23 octobre et 3 décembre 2013, par le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [adresse 90], [adresse 91], [adresse 92], [adresse 93] À [LOCALITE 94], représentée par son syndic PARIS -HABITAT OPH, et ci-après désigné « le syndicat des copropriétaires » ou « le syndicat »,

Vu le mémoire en réplique signifié le 27 novembre 2013 parles demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Vu la communication du dossier au Ministère Public en date du 5 septembre 2013,

Vu l’avis du ministère public en date du 10 octobre 2013, signifié aux parties le 17 octobre 2013 ;

***

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantir, le Conseil constitutionnel peut être. saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation; le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, les demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité rappellent :

- que les règles de vote lors d'une assemblée générale des copropriétaires sont régies par les dispositions de l'article 22 alinéa 2 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 qui dispose que «lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieures à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires »

- que, toutefois, l'alinéa 4 de l'article L.443-15 du code de la construction et de l'habitation, modifié par l'article 29 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 est venu écarter l'application de l'alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 en disposant que : « les dispositions du deuxième alinéa de l'article 22 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 précitée ne s'appliquent pas à l'organisme d'habitations à loyer modéré vendeur ».

Ils demandent à la cour de :

- prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'alinéa 4 de l'article L.443-15 du code de la construction et de l'habitation pour violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 1 du protocole additionnel n°1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de la constitution du 4 ‘octobre 1958,

- constater qu'elle est applicable au litige dont est saisie la Cour d'appel,

- constater que que la question soulevée n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel dans les circonstances identiques,

- la transmettre en conséquence à la Cour de Cassation sans délai afin que celle-ci procède à l'examen qui lui incombe en vue de sa transmission au Conseil Constitutionnel pour qu'il relève l'inconstitutionnalité de la disposition contestée, prononce son abrogation et fasse procéder à la publication qui en résultera.

ce droit ayant valeur constitutionnelle selon décision du Conseil Constitutionnel du 16 janvier 1982 portant sur la loi de nationalisation (décision n°81-132 DC du 16 janvier 1982).

Les demandeurs à la QPC soutiennent notamment que l'alinéa 4 de l'article L.443- 15 restreint totalement l'impact du droit de vote des copropriétaires et donne à l'OPAC, propriétaire le’ plus important, le pouvoir de prendre toutes décisions relatives à la gestion de la copropriété et même à certains actes de disposition sans que les copropriétaires puissent émettre un droit de veto (article 24, 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1065) pour des décisions concernant de simples travaux jusqu'à des actes de dispositions des parties communes ; que leur droit de vote se trouve réduit à néant, toutes les décisions étant prises uniquement par le syndic puisqu'il dispose d'un nombre de voix ultra majoritaire. Ils estiment que cette disposition rend illusoire et met fin pour les copropriétaires n'ayant pas la qualité de bénéficiaires au sens l'article L.443-11 à leur droit d'exercer un vote en assemblée générale ; que ce droit de vote est selon eux la constatation au regard de la copropriété de l'exercice du droit de propriété ; que le texte contesté porte atteinte à leur droit de propriété, ceux-ci ne pouvant plus, au delà du démembrement de leur propriété tel qu'il résulte du statut de la copropriété, exercer aucun droit sur des éléments essentiels de la propriété, « l'usus et le fructus ».

En réponse, le syndicat des copropriétaires demande à la Cour de :

-rejeter la demande tendant à transmettre à la Cour de Cassation dans les délais et conditions requis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée,

- de condamner in solidum l'ensemble des demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité à lui verser la somme de 8000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens.

- Le syndicat soutient que la question de la conformité des dispositions de l'article 443-15 alinéa 4 du code de la construction et de l'habitation au droit de propriété garanti, ne présente pas un caractère sérieux; et qu'il n'y a pas lieu à contrôle de proportionnalité compte tenu de la garantie des droits des copropriétaires minoritaires par la subsistance de l'action judiciaire en abus de majorité et abus de pouvoir.

Le syndicat rappelle que le texte incriminé ne concerne pas les parties privatives, sur lesquelles les copropriétaires jouissent des mêmes attributs qu'un propriétaire «exclusif » (usus, fructus et abusus), mais uniquement les parties communes sur lesquelles s'exercent des droits de propriété concurrents et indivis ; que les prérogatives des copropriétaires pour ces parties communes se limitent à un simple droit d'usage à titre d'accessoire de leur droit de propriété sur les parties privatives de leurs lots ; que si ce droit d'usage ne peut être arbitrairement entravé, il doit néanmoins supporter certaines restrictions imposées par la recherche d'un juste équilibre entre les intérêts divers et parfois contradictoires des copropriétaires en présence.

Le syndicat explique en substance que la réduction des voix du copropriétaire majoritaire prévue par l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 constitue déjà une limitation exorbitante au principe de la proportionnalité des droits en fonction des tantièmes de copropriété, puisqu'elle aboutit à priver le propriétaire ayant le plus de droits sur le bien commun et contribuant le plus aux charges, de son pouvoir de contrôle sur ce bien ; que le retour à la règle de proportionnalité pour les organismes sociaux fixé par l'article L. 443- 15 alinéa 4 du code de la construction ne peut être une atteinte plus grande au droit de propriété que la règle de réduction des voix du propriétaire majoritaire fixé par l'article 22 précité ; que seule l'utilisation massive de ce droit de vote dans un intérêt contraire à celui de la collectivité et au détriment du copropriétaire minoritaire peut avoir pour effet de vider le droit de propriété de ce dernier, mais non la règle de proportionnalité elle-même ; qu'il n'y a pas de restriction au droit de propriété dès lors que subsiste une législation protectrice relative aux abus de majorité, comme l'a déjà jugé le Conseil constitutionnel (décision 19 et 20 juillet 1983, n°83-162 DC Démocratisation du secteur public) et comme l'a rappelé le Ministre du logement le 17 avril 2012 (dans une réponse à une au gouvernement) ; qu'en tout état de cause, l'article L. 443-15 alinéa 4 poursuit un objectif d'intérêt général englobant la nécessité :

- de favoriser l'accession à la propriété des locataires d'organismes HLM tout en assurant la protection des locataires sociaux maintenus dans l'immeuble,

- d'éviter des décisions d'assemblées générales entraînant des frais incompatibles avec le niveau des loyers sociaux en vigueur,

- de lutter contre les copropriétés dégradées, par la mise en oeuvre des politiques de rénovation urbaine et la prévention de la dégradation des copropriétés.

Le ministère public estime que les conditions permettant la transmission de la question à la Cour de Cassation sont remplies, dès lors que celle-ci est recevable et n'est pas manifestement dépourvue de moyen sérieux.

Rappelant le champ d'application des articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et relevant l'existence d'une limitation des conditions d'exercice du droit de propriété dans une copropriété, le ministère public analyse les conditions de validité d'une limitation des conditions d'exercice du droit de propriété et précise qu'il appartient au conseil constitutionnel de vérifier si la limitation des conditions d'exercice du droit de propriété est fondée sur un motif d'intérêt général.

En l'espèce, il constate que le régime de la copropriété constitue en soi une limitation à la jouissance pleine et entière du droit de propriété et que cette limitation est augmentée du fait des dispositions contestées du code de la construction et de l'habitation; que même si cette limitation est fondée sur un motif d'intérêt général, la question n ‘est manifestement pas dépourvue de moyen sérieux.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Avant d'examiner la question du caractère recevable et bien fondé de la question prioritaire de constitutionnalité, il y a lieu d'écarter préalablement de ce contrôle la référence à l'article 1 du protocole additionnel n°1 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoquée par les demandeurs, cette question. relevant du contrôle de conventionnalité (de la compétence des juridictions administratives et judiciaires) et non du contrôle de constitutionnalité.

Le contrôle de constitutionnalité ne pourra donc concerner que les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, texte fondamental auquel renvoie le préambule de Ja Constitution du 4 octobre 1958.

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

En l'espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L'article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les trois conditions suivantes sont remplies :

- la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

- elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstances ;

- la demande de question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l'espèce, la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative à l'article L.443-15 alinéa 4 du code de la construction et de l'habitation, modifié par l'article 29 de la loi 2006-872 du 13 juillet 2006, qui constitue le fondement de l'appel interjeté le 28 mars 2013 par le syndicat des copropriétaires ; qu'en effet il a été fait application de ce texte lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 20 septembre 2010, ce qui a été à l'origine de la demande d'annulation de cette assemblée générale par 44 copropriétaires ayant assigné à cette fin le syndicat des copropriétaires devant le Tribunal de grande instance de Paris ; que le 8 février 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a annulé l'assemblée générale du 20 septembre 2010 tenue selon le jugement attaqué, en méconnaissance des modalités de décompte de voix prévues par l'article 58 du règlement de copropriété.

La disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

S'agissant de la question de savoir si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux, 1] y a lieu de rappeler que :

- l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen précise que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité »

- l'article 2 de la même Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dispose que "le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression »

- l'article L.443-15 alinéa 4 du Code de la construction et de l'habitation prévoit.que :« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 22 de la loi 65-557 du'10 juillet 1965 précitée ne s'appliquent pas à l'organisme d'habitation à loyer modéré vendeur »

- l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieures à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autre copropriétaires.»

S'il peut être considéré que la question de l'absence de réduction de voix du syndicat des copropriétaires n'entre pas dans le champ de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dans la mesure où il n'est pas question de transfert de propriété, en revanche, le texte de l'article L 443-15 alinéa 4 du Code de la construction et de l'habitation entre dans le champ de l'article 2 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, dans la mesure où il concerne une limitation de l'exercice du droit de propriété.

Comme l'ont rappelé le Ministère public et le syndicat des copropriétaires, le droit de la copropriété constitue déjà en général une limitation à la jouissance pleine et entière du droit de propriété sur les parties communes de l'immeuble pour lesquelles un système de décision collective est organisé en assemblée générale selon la volonté exprimée par la majorité des copropriétaires.

Les dispositions de l'article 22 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 relatives à la réduction de voix, introduites par l'article 3 la loi 65-1006 du 28 décembre 1966, avaient pour objectif d'éviter que le copropriétaire majoritaire possédant à lui seul plus de la moitié des parties communes, ne puisse à lui seul imposer une décision à l'ensemble des autres copropriétaires.

La suppression par l'article L.443-15 alinéa 4 du Code de la construction et de l'habitation, du mécanisme de réduction de voix de l'article 22 précité, au profit d'un organisme HLM copropriétaire majoritaire, peut apparaître comme une aggravation. de la limitation du droit de propriété des copropriétaires minoritaires.

Bien que le syndicat des copropriétaires considère que. ce retour à la règle de proportionnalité pour les organismes sociaux soit justifié par des motifs d'intérêt général et que les copropriétaires sont protégés par une législation protectrice sanctionnant l'abus de majorité, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les copropriétaires minoritaires n'est pas dépourvue de caractère sérieux et appelle un examen de la proportionnalité de la limitation au regard des motifs d'intérêts général allégués. La troisième condition permettant la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est donc remplie.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :

Les dispositions de l'article L.443-15 alinéa 4 du code de la construction et de l'habitation portent-elles atteinte à l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et à la constitution du 4 octobre 1958 ?

Sur les autres demandes :

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-14067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a déjà été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l'instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchées.

Il sera donc sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

Les dispositions de l'article L.443-15 alinéa 4 du code de la construction et de l'habitation portent-elles atteinte à l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et à la Constitution du 4 octobre 1958 ?

Dit que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions présentées, par un écrit distinct et motivé, des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité,

Dit que les parties comparantes et le Ministère Public seront avisés par tout moyen de la présente décision et que les parties qui entendront présenter des observations devant la Cour de Cassation devront se conformer aux dispositions de l'article 126-9 qui sera reproduit dans l'avis, ainsi que le premier alinéa de l'article 126-11 du code de procédure civile,

Dit que les parties non-comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception,

Sursoit à statuer sur les autres demandes des parties ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l’audience de procédure du 5 novembre 2014 à 15 heures ;

Réserve les dépens.

Le Greffier,

Le Président,