Tribunal de grande instance de Cusset

Ordonnance du 15 janvier 2014, N° de Rôle : 12/00332

15/01/2014

Renvoi

15 JANVIER 2014

N° de Rôle :12/00332

[D E F]

C/

[A B C] épouse [F]

Exécutoire

- Me Gloria SZPIEGA

- Me Carmen BERNAL

Le 15 JANVIER 2014

Expédition délivrée gratuitement à

- Me Gloria SZPIEGA

- Me Carmen BERNAL

Le 15 JANVIER 2014

Dossier

-] copie Parquet

-1 copie Cour de Cassation

FK/AM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CUSSET

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT -J.A.F.

Le MERCREDI QUINZE JANVIER DEUX MIL QUATORZE.

Juge de la Mise en Etat : Monsieur KHEÏTTMI, Vice-Président

Greffier : Mme MOINARD

DEMANDEUR A L'INCIDENT :

Monsieur [D E F], né le [DateNaissance 1] 1957 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3]), demeurant [LOCALITE 4] - [LOCALITE 5];

Représenté par Me Gloria SZPIEGA, avocat au barreau de CUSSET-VICHY, avocat postulant, Me Véronique TIENDA-JOUHET, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant;

DÉFENDEUR A L'INCIDENT :

Madame [A B C] épouse [F], née le [DateNaissance 6] 1966 à [LOCALITE 7] ([LOCALITE 8]), demeurant [LOCALITE 9];

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/000739 du 06/04/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Cusset)

Représenté par Me Carmen BERNAL, avocat au barreau de CUSSET

Vu les articles 771,773 et 774 du Code de Procédure Civile.

Après avoir entendu les conseils des parties à l'audience du 20 NOVEMBRE 2013, et après en avoir délibéré, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :

Procédure - demandes et observations des parties :

Le juge aux affaires familiales de Cusset, par une ordonnance du 4 avril 2012, a constaté la non conciliation de M. et de Mme [F]), et leur acceptation du principe de la rupture du mariage. M. [F], par un acte extra-judiciaire délivré le 12 septembre 2012, a fait assigner son épouse en divorce devant le juge aux affaires familiales de ce Tribunal.

Mme [B C] épouse [F] a elle aussi fit délivrer une assignation en divorce, le 25 septembre 2012. Elle a formulé, dans cette assignation, une demande de prestation compensatoire.

D'autre part M. [F] a fait déposer le 30 septembre 2013 des conclusions, auxquelles 1l à joint un mémoire à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité.

M. [F] expose, dans ce mémoire, qu’il a été grièvement blessé le 10 mars 1978, en service commandé, alors qu’il effectuait son service militaire, et qu’il perçoit à la suite de cet accident une pension de guerre et une allocation grand invalide ; que son épouse fait état de cette pension au soutien de sa demande de prestation compensatoire ; que l’article 272 du Code civil exclut, pour déterminer les besoins et ressources des conjoints servant à fixer les droits éventuels à prestation compensatoire, les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et de celles versées au titre du droit à compensation d’un handicap, sans viser expressément les pensions militaires d'invalidité ; que la cour de cassation interprète cet article en ce sens que la pension militaire d’invalidité, qui comprend l’indemnisation de pertes de gains professionnels et des incidences professionnelles de l’incapacité, ne figure pas au nombre des sommes exclues, par l’article 272 du Code civil, des revenus servant à fixer les droits éventuels à prestation compensatoire ; que cette interprétation apparaît porter atteinte, selon M. [F], au principe d’égalité devant la loi, tel que prévu par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. :

M. [F] réitère les termes de son mémoire lors de l’audience d'incident du 20 novembre 2013.

Mme [F], dans des observations présentées oralement lors de l’audience d’incident, rappelle que la cour de cassation a déjà statué sur la question de la prise en considération, parmi les revenus des conjoints, des pensions militaires d'invalidité.

Mme le procureur de la République, par des réquisitions en date du 6 novembre 2013, expose que les pensions militaires d’invalidité étant d’une nature différente de celles prévues par le dernier alinéa de l’article 272 du Code civil, la distinction opérée par cet article, tel qu’il est interprété par la cour de cassation, ne peut entraîner de rupture d’égalité devant la loi, et qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la question préjudicielle posée par M. [F].

Motifs de la décision :

La question posée par M. [F] est présentée dans Île respect des exigences de forme contenues dans l’article 126-1 du code de procédure civile (celle notamment d’un écrit distinct et motivé).

Selon l’article 272 alinéa 2 du Code civil, le juge ne prend pas en considération, dans la détermination des besoins et des ressources des parties en vue de statuer sur une demande de prestation compensatoire, les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail, et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap.

La cour de cassation interprète cette disposition en ce sens que les pensions militaires d'invalidité, dès lors qu’elle comprennent l’indemnisation des pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité, ne figurent pas au nombre des sommes exclues, par l’article 272 alinéa 2 du Code civil, des ressources que le juge prend en considération pour fixer la prestation compensatoire (Cass. 1ère chambre civile, 9 novembre 2011, pourvoi n° À 10-15.381).

Cependant, les pensions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ont vocation à réparer les conséquences permanentes des infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre, ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (articles L. 2, L. 4 et L. 8 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre).

Les pensions ainsi prévues paraissent correspondre à des sommes versées au titre de la réparation d’accidents analogues à des accidents du travail, et au titre du droit à compensation d'un handicap, puisque lesdites pensions militaires visent à réparer une invalidité permanente, donc un handicap, et que celui-ci est résulté d’un accident de service, lequel peut être considéré comme assimilable à un accident du travail.

M. [F], qui bénéficie depuis le 19 décembre 1981 d’une pension militaire d’invalidité, sur la base d’un taux d’invalidité de 100 %, à la suite d’une blessure reçue le 10 mars 1978 par le fait du service, paraît donc fondé à soutenir que la distinction opérée, pour l’application de l’article 272 alinéa 2 du Code civil, entre les pensions militaires d'invalidité d’une part, et d’autres sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail ou du droit à compensation d'un handicap d’autre part, comporte une atteinte au principe d’égalité devant la loi, tel qu’il ressort des articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, rappelé dans l’article Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. ‘

Cette question n’est donc pas dépourvue de caractère sérieux au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 5 novembre 1958 : elle tend à contester une disposition légale applicable au présent litige ; et il n’apparaît pas qu’elle ait été déjà soumise à la cour de cassation ou au conseil constitutionnel, ou qu’elle soit en instance de l’être.

Il convient par suite de transmettre la dite question à la cour de cassation.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance de mise en état contradictoire, et insusceptible de recours ;

Ordonnons la transmission à la cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité ci-après :

« Les dispositions de l’article 272 alinéa 2 du Code civil, en tant qu’elles sont interprétées en ce sens que les pensions militaires d’invalidité ne figurent pas au nombre des sommes exclues, par le dit article, des ressources que le juge prend en considération pour fixer la prestation compensatoire, sont-elles conformes au principe d’égalité devant la loi, édicté par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

Disons que la présente ordonnance sera transmise au greffe de la cour de cassation, avec les mémoires et conclusions des parties, dans les huit jours de son prononcé ;

Disons que les parties et le ministère public seront avisés de la présente décision, conformément à l’article 126-7 du code de procédure civile ;

Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état du 18 juin 2014 à 9 heures ;

Réservons les dépens de l’incident.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Juge aux Affaires Familiales et le Greffier.

LE GREFFIER

LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES,