Tribunal de grande instance d'Epinal

Jugement du 24 octobre 2013, MINUTE : 13/00719

24/10/2013

Renvoi

MINUTE : 13/00719

JUGEMENT DU :24 Octobre 2013

DOSSIER N° : 13/01174

AFFAIRE : M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE C/ [A B]

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EPINAL

Chambre Civile

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame Francine GIROD, Vice-Présidente

ASSESSEURS : Madame Mireille DUPONT, Vice présidente

Monsieur Thibaut LE FRIANT, Juge

GREFFIER : Madame Fabienne SEEWALD, Greffière

PARTIES :

DEMANDEUR

MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

dont le siège social est sis près le le Tribunal de Grande Instance d'EPINAL Place Edmond Henry - 88026 EPINAL

Comparant en la personne de Monsieur Etienne MANTEAUX, Procureur de la République

DÉFENDEUR

Maître [A B]

Notaire

né le [DateNaissance 1] 1954 à [LOCALITE 2] ([...])

demeurant [adresse 3] - [LOCALITE 4]

Représenté par. Maître Alain BEGEL de la SCP BEGEL GUIDOT BERNARD JUREK, avocats au barreau d'EPINAL

Débats tenus à l'audience publique du : 21 Octobre 2013 devant Madame GIROD, Vice-Présidente, chargée du rapport, Madame DUPONT, Vice présidente et Monsieur LE FRIANT, Juge

À l’issue des débats, la Présidente a annoncé que le délibéré serait prononcé le : 24 Octobre 2013.

Jugement rendu le 24 Octobre 2013, par mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2°" alinéa de |? article 450 du Code de procédure Civile et signé par Madame GIROD, Vice-Présidente, assistée de Madame SEEWALD), Greffière.

EXPOSE DU LITIGE

En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, 1l est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l’article 23-1 de l'ordonnance n°58- 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l’espèce, Maître [A B] prétend que l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que la peine d'interdiction temporaire qu'il édicte ne prévoit pas une limitation de durée maximale.

En réplique, le ministère public, partie principale avisée le 14 octobre 2013 demande au Tribunal dans ses conclusions écrites du 14 octobre 2013 de bien vouloir transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par l'article 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

Le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 14 octobre 2013 dans un écrit distinct des conclusions de Maître [A B], et motivé. Il est donc recevable.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L’article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu'elle est relative aux sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre de Maître [A B] dans le cadre des poursuites disciplinaires engagées à son encontre.

Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

En outre, elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux au regard des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que l'article 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 prévoit la possibilité pour le juge de prononcer à l'encontre du notaire poursuivi une interdiction temporaire sans limiter cette sanction par une durée maximale.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante : l'article 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 porte-t-elle atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au principe de légalité des peines et à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que la peine d'interdiction temporaire qu'il édicte ne prévoit pas une limitation de durée maximale ?

Sur les autres demandes des parties et les dépens :

En application des dispositions de l’article 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu’une question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés,

En l’espèce, aucun élément ne rend nécessaire que soient ordonnées des mesures provisoires ou conservatoires, ni que des points du litige soient immédiatement tranchés.

Il sera donc sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties, et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : l'article 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 194$ porte-t-elle atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au principe de légalité des peines et aux droits et à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que la peine d'interdiction temporaire qu'il édicte ne prévoit pas une limitation de durée maximale ”?

DIT que le présent jugement sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l’audience du 16 juin 2014 à 9h si la question prioritaire de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel, ou à l'audience du 27 janvier 2014 à 9h dans le cas contraire;

RÉSERVE les dépens ;

LA GREFFIÈRE

LA PRÉSIDENT